Journal d'une anonyme
L'anonymat et ses aléas
Ceci est une archive du journal et non pas le journal lui-même.

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lundi 17 février 2003 à 13h10
Lundi 17 Février
Coché un nombre hallucinant de petites cases pour arriver jusqu'ici.

         En fin de compte, la vie se résume à peu de chose.

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lundi 17 février 2003 à 23h12
jour x-y
Réveil tôt. Guette l'ennemi. Par obligation. Nécessité ?
J'ai un peu moins peur aujourd'hui. Je regarde le ciel par la fenêtre de la chambre. Beau avec des passages nuageux. Il fait sûrement froid. Les gens se hâtent déjà. En bas. Sur le trottoir. Un bus attend. Dans la rue perpendiculaire. Je me pèse (première trace de ma boulimie passive).L'idée géniale de ce paravent. Un autre espace. Aller revoir la définition du mot boudoir.

         La matinée se passe. Je m'applique à ma tâche. Mon travail. Je me sens absolument incompétente. Mais il paraît que je suis douée dans mon incompétence.
Un roman raté de Kundera. Un cadeau de papa. " La lenteur ". Je crois qu'il voulait me faire plaisir. J'ai aimé Kundera. Surtout ses nouvelles. Je ne sais pas pourquoi j'y pense. Le jour. Demain.
Je me demande si tous les parents sont effrayés à l'idée que leurs enfants changent.
C'est stupide. De se le demander.

         Ca me rappelle le frigo de M. Enfin de la mère de M.
M répétait à chaque fois qu'elle devait l'ouvrir ce foutu frigo : " Il suffit que l'un d'entre nous dise une seule fois qu'une marque de yaourt est bonne pour nous condamner au dit yaourt les dix prochaines années. Ma mère manque cruellement de flexibilité ou d'imagination ". C'était une phrase de circonstance. Je suppose.

         La mère de M est chercheur géographe au CNRS. Elle travaille rue d'Ulm (dans un bâtiment à l'angle précisément). Elle habite rue d'Ulm (dans un immeuble d'un autre angle précisément). Elle achète l'humanité. Le monde. Elle n'achète pas d'orange en provenance d'Israël. C'est une spécialiste de l'Asie du sud ouest.
Je l'aime bien. C'est une femme quasi héroïque. Tant mieux si elle n'a pas d'imagination. M. la méprise.

         C'est con la mémoire.

         Je n'avais pas envie de voir B. Non. Suis je une amie infidèle ? Peut être.
Depuis presque deux ans elle accumule les relations merdiques.
J'aime bien ses amoureux. Ils me ressemblent souvent.
Solitaire. Compliqué. Pudique. Des portes blindées.
Elle tombe amoureuse. Ils se laissent séduire. Elle déploient une activité étouffante autour d'eux. Ils meurent d'asphyxie. Alors elle pleure. Et demande " pourquoi suis je si envahissante ". Ce à quoi je réponds invariablement " pourquoi choisis tu des mecs qui ne supportent pas d'être envahi ". Elle conclut " qu'est ce que tu es sage ! "

         Elle ne veut pas savoir. Que, aussi, j'accumule les relations merdiques. Je suis infidèle (par compulsion ?). Je déteste mentir. Je ne sais pas ce que je veux. Je préfèrerais (presque) toujours être ailleurs. Je n'aime pas être en couple. J'aime être amoureuse.
Que je suis comme tout le monde. Très forte quand il s'agit des autres.

         Nous nous voyons presque toutes les semaines. Aux cours de danse. Je l'aime beaucoup. Elle est jolie et sympa.
Elle raconte. Inlassable. Comment " il " la rend malheureuse. Pourquoi c'est de sa faute à " elle ".
"Elle" ne peut pas le quitter.
"Il" reste.

         Peut être que personne n'aime le changement.

         Je voudrais pouvoir pleurer. Ou peut être crier un grand coup. Elle m'écouterait sûrement.
Je ne saurais pas quoi dire.
J'ai honte de mon insuffisance d'amour.

         Il paraît que je me comporte (parfois) comme un homme. Dans les relations amoureuses.

         La dernière fois que j'ai hurlé : Janvier 1979. Aéroport jfk de New York. Tempête de neige. Pas de correspondance pour Mexico avant… Mon calme. J'imagine une immobilité d'idole .Mon hurlement. Il paraît qu'ensuite je me suis effondrée. J'imagine le bruit mate. Mes longs cheveux noirs en corolle.

         Mon corps qui se déplace. Automate. 1,2,3,4,5,6. Je commence à le sentir. Il est 19h30. La danse. La souffrance acceptée. S'étire. C'est un plaisir sadique. La distendre. La remplacer par une autre. La chaleur produite par le corps. Les muscles qui se détendent. Bientôt j'oublierais de penser.

         Je suis (presque) heureuse en sortant. 21h30.
Personne ne m'attend.
J'ai laissé un message évasif à L.
Je n'ai pas envie d'être aimé. Ce soir.

         Me liquefier...

         Je débranche le répondeur. Je mange assise sur la table de travail de ma cuisine. Je fais des listes. J'oublie aussitôt. Je me sers un verre de vin. Je lis un peu. Mon héros a mis 30 ans à s'apercevoir qu'il s'agissait d'amour. Il commence à délirer. Je n'ai pas envie de le voir mourir.

         J'allume l'ordinateur.
3 messages privées. Je ne prends pas la peine de les lire.

         Question du jour :

         Peut on avoir la certitude d'aimer d'amour un étranger ?
Si oui
Quels sont les symptômes infamants ?

         L'amour s'apprend sûrement. Comme le reste.

         Je me demande à qui je ressemble.
De qui je porte l'histoire.

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mardi 18 février 2003 à 09h59
Jour x-y
Réveillée tôt. Je ne me sens pas spécialement bien. Mais mes obligations me rassurent. Je me dis que je ne vais pas sombrer, pas encore, pas aujourd'hui.

         (la répétition. K. m'a dit de me concentrer sur les gestes du quotidien. Je deviens exécutrice de (ma) vie)

         Je suis heureuse d'avoir investit dans ce paravent. " un petit coin de paradis, contre un coin de parapluie… ".
Mon intime se suffit d'une interstice.
(étrange parce que j'ai des tendances claustrophobes. Mais j'aime les coins. Recroquevillée dans un coin, un ours anachronique entre les bras, je pleure comme une enfant. )

         Cette chambre est trop grande. Je suis si petite. Minuscule. Lilliputienne.

         Un avion à 13h30. Un autre à 20h. Je vais dire bonjour à la mort

         Je suis déjà ailleurs.

         être de passage (est ce que ce n'est pas antinomique?)

         Papa m'a donnée du xanax. Je deteste les medicaments. J'ai fait les comptes. Tout ce que je sais est inutile.

         Strictement

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mercredi 19 février 2003 à 00h03
Jour x-y
Ils ont fait dire une messe. Son frère A. Elle ne l'aimait pas. Sa mère, vieillie, sèche. Des inconnus. 5 ans d'absence d'elle. Je ne pleure pas. Je vois son corps dans le cercueil. Elle est toujours belle. Maigre. Mais ça aussi elle l'a toujours était. Blonde. Son petit nez. Son adorable petit nez. C'est dégueulasse d'écrire ça. Une rage sourde monte. Contre moi. Elle. Nous. Eux.

         C. est là elle aussi. " comment l'as tu su ? ". C'est tout ce qu'elle veut savoir.
suis je une amie infidèle. Sa mère m'a appelée. Je n'avais pas parlé cette langue depuis elle.
" C'est ton papa qui m'a donné ton numéro. Ma fille est morte. Elle a laissé une lettre pour toi ".
C., tu ne peux pas comprendre. Tu n'aimes personne.
et moi.

         Je présente mes condoléances. J'explique que je ne peux pas rester. Un avion à prendre. Une vie à mener. Elle me demande de l'attendre. La mère de S. Je n'ai jamais eu de sympathie pour elle. Mais à ce moment je l'aime. Je connais cette douleur. Mais pour elle c'est pire. J'avais seulement 2 ans.
Son frère A. Je ne peux rien lui dire. C'est lui qui venait nous chercher à nos cours de danse quand nous étions enfants. Nous avions 5 ans. Lui 12. Un monde. Plus tard, j'ai couché avec lui. La Normandie pluvieuse. Ensuite seulement je l'ai haie. Il est ingénieur. Il a l'air vraiment triste. Il murmure " comment tu vas Anna ? ". Mes ongles ne sont pas assez long. Je ne peux rien lui dire. Je voudrais seulement le frapper. Mais je ne sais pas comment faire.

         Enfants nous nous battions (rarement) elle et moi. La fois ou elle m'a dit " c'est bien fait pour toi si ta maman est morte ". Enfantines.

         Elle n'aurait pas du mourir. Une guerre se prépare. Comme si c'était la seule.

         M. est là. Elle me reconnaît tout de suite.
" tes beaux cheveux " et les larmes.
M a pleuré quand à 14 ans j'ai coupé mes longs cheveux noirs. Je ne voulais plus être si sage. S. porté ses cheveux fins et blonds à la garçonne. Je voulais grandir. Un acte de barbarie. Ils m'arrivent à mi dos aujourd'hui.

         Je ne peux plus rester. La masse musculaire d'un nourisson. Mes jambes oscillent. C'est stupide. Je me sens aspirée. Par une pierre noire. Une pierre noire. Liquide. Profonde. Le reflet d'un reflet. Je respire dans une vague. J'ai oublié les xanax de papa. Je m'appuie contre un arbre. C'est pour sa que j'aurais la joue légèrement éraflée. Et que A., le frère de S., effleurera mon visage. Avec le bout des doigts.

         C'est lui qui m'a accompagnée à son appartement. Il m'a laissée une heure seule, la haut. " tiens les clefs ".
Je ne peux toujours pas parler.

         Là haut. C'est la première fois que je viens. 2 grandes pièces, une minuscule cuisine. Une jolie salle de bain. Un lieu habité. Elle vient de partir. Je ne pleure toujours pas. Je pense aux rites funéraires des Japonais.

         ça a commencé dans la salle de bain. Je voulais me passer de l'eau froide sur le visage. Je n'avais pas chaud. Mais c'est un geste qui est venu. Sans réfléchir. J'ai vu mon visage. Dégoulinant d'eau. La serviette que je tenais déjà dans les mains. Je me suis regardée dans les yeux. Alors ça a commencé à monter à l'intérieur de moi. Mon visage s'est altéré. J'ai manqué de souffle. J'ai tenté de me barricader. Respire. Fort. Respire. Je suis tombée à genoux sur le carrelage.

         Quand A. a sonné à la porte, j'étais de nouveau calme. Les yeux rouges comme lui. Je devais avoir l'air désemparée parce que spontanément il a repris sa langue maternelle.Je lui ai dit que ça allait. Je me sentais obscène. Il a pris la lettre dans la cuisine. Il me l'a donnée. Il devait partir. Sa mère l'attendait. Chez elle. Je pouvais rester si je le désirais. Désirer. Non. Je suis déjà partie. Ailleurs.

         Aéroport. Des messages sur le téléphone portable.
Papa. Je l'ai déjà prévenu. Tout va bien. Je le rappellerais demain après le travail. Il ne doit pas s'inquiéter. C'est normal d'être triste. Il hésite. Il voudrait que j'aille à la maison. Chez lui. Enfin elle, et lui. Lui et elle. Non. Je t'aime papa, je suis forte. Il finit par raccrocher.
L. Il ne sait rien. Même pas que j'ai quitté le territoire.
" tu ne réponds plus… ". Oui.
T. Il s'inquiète. Me propose un jour de plus. J'étais obligée de lui dire que je partais pour justifier mon absence.
I. Un Spectacle de danse inspirée de Beckett, ça me dit ? Un rire m'échappe qui finit en sanglot.
Pauvre petite fille sur ce siège affreux d'un aéroport glacé.
K. n'a pas appelé.
Je me lève. Si seulement je pouvais courir. Ou perdre connaissance. Un homme me demande " tout va bien? ". Je le regarde. Je suis surprise. La chaleur humaine. Je sens de nouveau cette pierre noire. Ce gouffre qui se reflète. Est ce que je pourrais faire l'amour avec cette inconnu sans mot dire. ça me traverse l'esprit. Me noyait dans le corps d'un autre dont je ne sais rien. La chaleur humaine. " oui désolée ". Je perçois à peine ma voix. Je n'ai qu'un petit sac. Je me concentre sur ma respiration. " sûr ? ". "oui, merci ". Je pars. J'erre encore un peu dans cette architecture . Je regarde des avions décoller. Je suis de passage.

         à l'appartement. Je débranche le téléphone après avoir laissé un message à T. J'ai acheté du vin à l'aéroport. Je dois ressembler à une porcelaine. Les gens sont gentils et plein de précaution maladroite. Je ne discerne plus tous ces étrangers. Ma clé ne veut pas ouvrir la porte. Je me remets à pleurer. Je la maudis. Dans la cuisine j'ouvre la bouteille. Deux verres. Une traite. La lettre.

         Ma grand mère qui répétait " qui a dit que la vie était juste ? "

         J'ai joué du piano. Quand la voisine est venue se plaindre, j'ai allumé l'ordinateur. Je ne sais pas pourquoi. C'est absurde. J'écris contre la parole. J'écris pour ne pas dire. J'écris pour une promesse. J'écris parce que j'ai honte. J'écris en négatif. J'écris ce qui existe derrière mon front lisse et que je n'arrive pas à faire dire à mes lèvres.

         Je suis une jeune femme. Normale. J'ai fait les études que je souhaitais. J'ai un travail que j'ai choisi. Un niveau de vie qui me convient. Je suis lisse. Athée. Si j'ai déjà pensé à mourir, c'est dans des instants qui s'y prêtaient. Par leur beauté. J'aime la danse et la musique. Plus que le reste. Mais autant que les livres, que le silence des livres. Je suis orpheline de mère. Depuis presque le début. 1979. Comme le cri. Mon père est un chic type. Je suis fille unique. Et beaucoup d'autres. J'ai perdu une amie d'enfance. Quand j'ai disparu il y a 5 ans. Je suis juste partie. Je n'ai donné des nouvelles qu'à Papa qui habitait déjà dans une autre ville. Sans drame. Sans bruit. Je l'ai perdue définitivement il y a 3 jours. Par rupture d'anévrisme. Sans drame. Sans bruit.

         Le temps se fissure.

         Ce monde.

         Être de passage. Être au présent

         K. a envoyé un mail. Il arrive vendredi matin pour me donner un coup de main.

         Je n'ai pas tout de suite compris le message sur ce forum.

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jeudi 20 février 2003 à 15h21
hier
K est arrivé plus tôt que prévu. Accompagné de M. Je suis épuisée.
Situation d'urgence.

         K. ou l'elixir d'oubli. Je me demande si ce n'est pas papa qui lui a demandé de venir plus tôt.
Il jure que non.

         Surprise.
J'ai terminé les dessins. Ils sont assez bons.

         Une belle lettre. Datée d'il y a deux ans.
J'ai pleuré. Puis je l'ai rangé dans le carton souvenir (25x30cm). Occasion d'un inventaire.

         J'ai laissé un message à A et sa mère. Je n'espère pas de réponse.

         Je ne réalise pas. Il fait si beau.

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vendredi 21 février 2003 à 10h27
L'eau de bleuet.
Baudelaire en filigrane.. Une très belle nouvelle de Yoshimura. J'oscille. J'ai commencé ce journal pour parler d'elle. De moi. De nous. De ce monde qui s'agite. De la débâcle qu'on nous promet. Une certitude. Une trace, un souvenir. Des instants ressurgissent. Nos après midi. Perchées sur le cerisier. Nos secrets. Nos petites haines. Personne ne sait ici à part T. Ce n'est pas un secret. Mais.

         (dejeuner presque silencieux avec L. est ce mon départ ? Il accepte mal en ce moment mes silences. Je n'arrive pas à lui parler de S. Parce que cela ne suffirait pas de dire. Il faudrait raconter.)

         Passé. Une autre vie, un autre monde. Aujourd'hui encore je ne peux pas expliquer. Partir. L'absence. Disparaître. Silence. Ca ne se commente pas.
J'aimais. J'aimais trop fort pour mon âge, trop grand pour mon corps. J'avais une vie à vivre.

         " L'amour ne commence pas, dîtes plutôt qu'il finit dès que vous rencontrez l'homme aux jolis yeux, l'homme dont le cerceau reflète un peu le ciel ".

         J'ai choisit les couleurs pour XX. Envoyé les échantillons. K et M sont venus me chercher à mon cours de danse. Nous sommes allés manger des tapas. J'ai bu. Peu mangé. K me raconte les dernières nouvelles de chez nous. M, nous nous connaissons mal. Le genre d'homme que l'on peut croiser à la cinémathèque. Le genre d'homme dont on peut tomber amoureuse un jour de pluie.

          " Vous êtes heureuse ? Figurez vous qu'il n'y pas de lendemain, la vie est aujourd'hui et aujourd'hui n'existe pas ".

         A la maison. Je vérifie mes mails. Un message d'une inconnue sur mon forum. Je suis ému. Et l'émotion se diffuse. Mes mains sur le clavier en reponse , s'ankylosent dans le mouvement des lettres. Je tremble un peu.
Un sentiment de vide traverse mon corps. Le craquèle. J'ai la sensation que dans mes veines c'est de l'air qui coule. Et c'est enfin la bonne crise.
Mes larmes les plus dures (me déchirent. me brisent). Il n'est plus question de les retenir. K. entre dans mon bureau. Petite fille, petite fille…Je ne sais pas ce qu'il a dit à M. Nous n'avons pas encore parlé de S.

         Je suis vivante. Je saigne.

         Je ne suis pas croyante. Je n'ai reçu aucune éducation religieuse. Mais c'est un christ en bois, grossièrement sculpté, qui s'impose. Une image. D'ou vient elle ? Il pleure, des larmes de sang. Coulent doucement sur son visage. Je vois nettement les sillons. Du coin de l'œil,. des gouttes saillissent, une à une.Le long du nez, au bord des lèvres la ou la bouche s'étire. Le menton, le cou jusque sur son ventre. Je pense à la petite Lucie qui conversait avec la Vierge.

         (maintenant en écrivant je crois que je me souviens vaguement d'une histoire qui avait fait la une des journaux nationaux. Un miracle dans une petite église d'un petit village , il me semble que le christ s'était mis à pleurer des larmes de sang. Les médias prévenus, la gendarmerie, l'incrédulité, la stupeur. En réalité c'est le maire qui faisait la promotion de sa commune..)

         M est encore dans la cuisine. Je tiens à peine sur mes jambes. Je m'excuse. Je suis une hôtesse affreuse. K décide de me faire couler un bain.

         Dans la salle de bain. Je continue de pleurer. Sanglots sismiques. K me déshabille comme une enfant. Il vérifie la température de l'eau. Il m'aide à rentrer dans la baignoire. L'eau. Chaude. Presque brûlante. Mes muscles se détendent. Je m'allonge. K revient avec un bougeoir que I. m'a offert. Il me demande si je préfère être seule. J'aimerais l'écouter jouer du piano. Il rit. Il va m'ébouriffer les cheveux.

         Plus tard je sortirais du bain. Apaisée. M lira sur le canapé mes magazines d'art. Il aura l'air rêveur. K continuera de jouer du piano. Je m'installerais à côté de lui. Nous jouerons à 4 mains. Nous parlerons encore longtemps. De nos projets. Et nous dormirons tous les trois malgré la chambre d'amis.

         Le matin. Nos corps sexués et mortels. Ils sont beau dans leur sommeil. Mes yeux sont gonflés. J'ai du mal à les tenir ouvert. Mon paravent. La balance en baisse. Ma tête affreuse. Dans la salle de bain j'applique des compresses à l'eau de bleuet sur mes yeux. . Je ne travaille pas aujourd'hui. Un thé (earl grey). Je porte ma chemise de nuit de grand mère. Longue, blanche, à rayures bleues. Le tissu est devenu plus fin avec le temps. Deux petits cordons que je machouille parfois par inadvertance ferment le col. Dehors, la grisaille à perte de vue. J'écris.

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vendredi 21 février 2003 à 21h46
Mexico
Nous étions deux dans son ventre.

         Je ne me suis jamais appartenue

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