Les journaux online italiens


Partir à la recherche des journaux intimes italiens sur Internet s'est révélé une aventure bien différente de ce à quoi je m'attendais. Tout d’abord, je suis allée voir ce qui se passait à l'Archivio Diaristico Nazionale. Créé par Saverio Tutino, et récemment devenu une fondation, l'Archivio accueille, lit et conserve les journaux intimes, promeut la publication de certains d'entre eux, organise une remise de prix annuelle, publie une revue d'études, Primapersona. Bien que récemment mis à jour en ce qui concerne les liens vers Internet, l’Archivio ne signale pour le moment que les journaux provenant de son fonds et mis en partie ou intégralement en ligne. Un autre endroit institutionnel est la Libera Università Dell'Autobiografia di Anghiari qui ne semble pas pour l'instant intéressé par les possibilités virtuelles du journal intime.

Ensuite, j'ai tapé sur un moteur de recherche le mot diario, et aussitôt se sont alignées plusieurs dizaines de milliers de réponses, cela étant dû à la polysémie du mot en italien, qui signifie aussi calendrier, emploi du temps, carnet de bord, etc.… Mais dans cette pléthore, bien peu de journaux intimes à proprement parler, et un seul site pouvant s’apparenter à un Webring, celui que tient Ada Ascari qui fait partie d’un portail SuperEva, géré par la société Dada, alliée à Monrif Net et à France-Soir.

Le site d’Ada Ascari, une enseignante à la retraite – c’est ainsi qu’elle se présente -, est bien fait, mais, on verra pourquoi, il souffre de la pénurie ambiante. Les liens sont répartis en plusieurs catégories, et moi-même j’en étais arrivée à peu près aux mêmes conclusions. A signaler la rubrique eventi autobiografici, qui comprend surtout les sites tournant autour du grand événement de l'automne 2000, l'émission Il Grande Fratello (Big Brother), ou cinq filles et cinq garçons, espionnés jour et nuit par des caméras, se sont séquestrés volontairement pendant trois mois dans une maison. S'y ajoutera sans doute SMS Amiche per caso où sur une des chaînes nationales, on voit vivre actuellement huit filles, toutefois libres de sortir et de rentrer à leur gré, et avec lesquelles les spectateurs peuvent interagir en envoyant un message SMS par téléphone portable ou un e-mail..

Ci-dessous, ma propre taxinomie :

  1. Sites hébergeurs de journaux intimes. Le plus important est Scrivi.com qui héberge 316 journaux (janvier 2001). Mais la modalité de publication est frustrante. Chaque page est publiée séparément et peut appartenir à d'autres genres, poésie, lettre, fiction…
  2. Journaux de voyage et carnets de bord. C'est là le gros de la troupe. Ils sont généralement brefs, descriptifs, illustrés de photos, commémoratifs d'une occasion (voyage organisé par le lycée ou entre copains), et destinés à un cercle d'amis, ou de voyageurs voulant profiter de bons trucs ou de bonnes adresses. Il existe aussi de nombreux sites de voyagistes, ou d'aficionados qui fournissent de l'espace et une feuille pré-confectionnée.
  3. Bénévolat, camp de réfugiés, guerres… Ici aussi, poussés par un désir de prosélytisme ou de communication, de nombreux et brefs journaux liés surtout à une expérience de travail bénévole dans un camp de réfugiés durant les conflits dans les Balkans.
  4. Journaux posthumes et inédits
  5. Journaux intimes personnels
    1. tendance philosophico-existentielle
    2. naissance ou attente d'un enfant
    3. ado
    4. adulte
      1. caractère secret
      2. catégorie sociable
  6. deuil
  7. weblogs. Sur Blogorroico. Un Blog. Anzi, un Weblog., de Antonio Cavedoni, un étudiant en Sciences de la communication à l'Université de Reggio Emilia, on peut trouver une vingtaine de liens vers les weblogs italiens, tous, à une exception près, affiliés à Blogger, passionnés de web design. Ils ne sont pas tous intimistes, mais plusieurs d'entre eux parsèment au jour le jour leur page de notations personnelles sur leur vie.
Quelques conclusions parfaitement provisoires

J'ai remarqué que les auteurs de journaux intimes sont presque dans la totalité des cas très jeunes. Une exception, Oblomov (voir ci-dessous), le seul ayant une certaine étendue, mais déjà apparemment arrêté.

L'amour pour les photos empêche l'anonymat, toutefois sévèrement restauré dès que le journal se fait un tant soit peu réellement intime.

L'absence de webrings est décourageante, car elle ne permet pas aux intimistes de réfléchir sur leur propre pratique, et de se légitimer, même inconsciemment, en lisant d'autres journaux.

Pour l'instant, le journal intime sur Internet en Italie en est encore au stade du geste manqué. Ce sont souvent des journaux larvés, arrêtés sitôt commencés, ou bien liés à une occasion (voyage, expérience, célébration), destinés à un cercle de quelques personnes et sans intérêt pour qui n'en fait pas partie.

Pourtant, comme c'est une pratique qui témoigne surtout de la pénétration d'Internet dans la vie de tous les jours, presque une étape de cette présence dans la société et chez l'individu, on verra sans doute l'Italie en passer par là, et des journaux personnels plus longs, plus articulés, plus conscients de leurs lecteurs virtuels apparaîtront ici aussi. En témoigne, par exemple, la naissance simultanée et très récente de plusieurs weblogs.

Une remarque téméraire

Peut-être les Italiens ne sont-ils pas de grands intimistes. Ils tiennent bien des journaux intimes, comme tout le monde, mais ne leur accordent que peu de valeur. Ce qui m'a frappée, dans les nombreux sites intitulés simplement "diario", c'est le peu de sérieux, de continuité, de considération accordée à soi-même, pour privilégier la pure extériorisation, et parfois même simplement la blague. Bref le moi n'est pas respecté, il faut que ça passe par une institution culturelle, politique, religieuse, comme la télé, l'école, le confessionnal, ou simplement l'Histoire, avec un grand H (la distance temporelle anoblissant le journal posthume), qui en absout l'expression, mais en même temps l'adultère.
 
 

Mes journaux préférés 

parce que s'y expriment (à la fois ou séparément) une intelligence, une candeur, une vérité…

Diario di Viaggio

Journal de voyage au Japon, en particulier à Kyoto, par Massimo Borri. Membre de la rédaction du e-zine KULT Underground, passionné par le graphisme sur ordinateur, le Japon (y compris la langue), la science-fiction et le blues. Travaille comme technicien PC. 

"Ce que vous allez lire est une sorte de "journal de voyage", dans lequel j'ai essayé de capturer par les mots (autant que possible) les impressions de mon premier voyage au Japon. Je voudrais d'abord vous avertir que tout ce que vous lirez se réfère seulement aux endroits que j'ai visités (dans la plupart des cas, Kyoto) et non au Japon en général. En effet je trouve qu'il est erroné de juger un pays sur un seul petit échantillon (ce serait comme si vous vouliez comprendre toute l'Italie en prenant comme exemple Florence, ou une autre ville). Dans ce Journal, vous trouverez des descriptions et des opinions uniquement au sujet de ce que j'ai vu et pu constater personnellement. Une dernière note technique : le journal proprement dit est écrit en caractères normaux. Les paragraphes en relief ont été ajoutés par la suite en guise de commentaire."

Ample description mise en ligne en 1997 par un Italien qui connaît bien le Japon, sa langue et sa culture. Ce journal ne comporte pas de dates et a été écrit postérieurement à l'événement qu'il décrit. 

http://www.pianeta.it/webkult/w9612/viaggiogiappone.htm

Diario

10-21 juin 1994, mais mis en ligne postérieurement

Voyage jusqu'à Marseille en vélo de deux lycéens milanais de 18 et 19 ans, Matteo Ragazzini e Damiano Tagliabue, avec pour tout bagage une carte, un sac à dos et une tente...

90 visiteurs au 14/01/01, depuis le 20 juillet 2000.

"Ce que vous allez lire est la chronique d'un voyage en vélo, jusqu'à Marseille, aller et retour. D'un point de vue littéraire, ce voyage n'est pas vraiment épique, ni particulièrement aventureux, mais, si l'on considère l'âge que nous avions, et que c'était la première fois, ça change tout. A ce que l'on nous a dit, entre les années 60 et 70, tout était comme ça, le pied, avec en plus une guitare. D'ailleurs, ce sont mes "années préférées". A notre décharge, je peux dire qu'aujourd'hui il n'en va plus ainsi. : les jeunes sont beaucoup plus "normaux", on n'a plus d'imagination, le goût de l'aventure et, pourquoi pas, de la (vraie) transgression, s'est perdu. . Une autre raison de fierté est que nous avons fait le contraire de l'"aventure bourgeoise" moderne, à grands renforts de super technologies, d'habits flous, de programme déjà prêt, transport sur les lieux par avion et nuits dans un refuge hyper spartiate et typique pour 300 000 lires la nuit. Le journal est recopié presque tel qu'il a été écrit, avec ses défauts, et quelques notes d'explication a posteriori là où cela nous semblait nécessaire. C'est ainsi que vous trouverez des passages extrêmement détaillés (quand, alors que nous paressions sur la plage, on écrivait en direct) s'alternant avec des résumés succincts, écrits à la va-vite, parfois deux jours après. C'est ainsi que de nombreux épisodes marrants se sont perdus, parce qu'on ne voulait pas les ressusciter artificiellement. Nous n'avons rien inventé, vous ne trouverez donc pas de rixes ni de poursuites, d'amours bouleversants (malheureusement) ni d'aventure hippy-minimaliste à réflexion et à morale. Nous n'avons même pas les cheveux longs. Dans le journal, nous nous sommes alternés pour écrire selon ce qui nous arrivait, d'où le fait que certaines parties peuvent sembler obscures à qui ne les vivait pas à la première personne.." 

Je leur ai demandé par e-mail pourquoi. Damiano Tagliabue m'a répondu qu'ils avaient d'abord désiré publier ce texte sur papier, dans une collection de poche genre 10 francs. Je leur ai demandé aussi s'ils n'avaient pas envie de continuer : "Je crois qu'écrire un journal sur la vie de tous les jours représente une passion et peut-être un défoulement. Au contraire, quand on écrivait ces pages, on pensait probablement déjà qu'elles étaient destinées à représenter pour toujours le souvenir d'une aventure fantastique."

http://digilander.iol.it/diarioweb
 
 

Diario di Valona

Centre d'accueil "Village des régions", 7° module, Région Abruzzes, Mission Arcobaleno

20 juin – 4 juillet 1999. Egalement téléchargeable en fichier comprimé zip.

Très critique envers l'expérience de deux semaines de bénévolat dans un village de réfugiés kossovars en Albanie.

http://www.olografix.org/loris/tales/kosova/diario.htm
 
 

Diario segreto: Il mio loculo

Journal (sans dates) d'un "adulte de sexe masculin de l'Italie du Centre", qui a choisi le pseudonyme d'Oblomov.

"Dès que j'ai su que j'avais un espace à utiliser sur la Grande Toile, j'ai réfléchi à la manière dont j'aurais pu exploiter cette possibilité : en surfant, j'ai trouvé plusieurs pages perso où s'affichaient des photos, des généralités et des auto-descriptions banales; mais au-delà de ces descriptions de façade, on ne sait rien de ces personnes : sentiments, angoisses, frustrations, espoirs. Je ne voudrais pas passer quelqu'un qui veut à tout prix être original, mais j'ai décidé de faire une chose différente et de me montrer aussi (et surtout) dans mes pensées les plus désagréables, et de ne pas mettre l'inévitable photo avec l'inévitable petite musique de fond. Comme vous le voyez, le graphisme de ce Journal est extrêmement simple : ce sera un site surtout de contenu. D'ailleurs, jusqu'à récemment j'avais un journal sur papier qui m'a été volé : je transfère alors mes souvenirs enfermés jusqu'à présent dans un tiroir sur la Grande Toile! [jeu de mots intraduisible sur "cassettina metallica", le tiroir grillagé, et "Grande Rete" : Grande Toile] Et puis, pour moi qui suis quelqu'un d'EXTREMEMENT solitaire, la possibilité de communiquer les pensées que je dois toujours garder pour moi-même."

http://space.tin.it/io/feadamol/loculo.html

Questo è il mio diario personale

Journal de Maci66, bolonais qui s'installe à Milan. Aime l'astronomie, le tango, le vélo, l'alpinisme, le cinéma. S'intéresse à la Ferrari, à Luna Rossa, au festival de Sanremo, commente les films qu'il a vus. Pas d'adresse, pas de présentation, s'arrête abruptement le 22 novembre. Total : 29 entrées, distribuées au rythme de une à quatre par mois.

"Dans cette page, je voudrais faire une expérience, écrire le journal classique qu'on tient normalement sous clé. Beaucoup croient qu'il en ira de même ici, c'est-à-dire que personne ne s'intéressera à ce qui est écrit ci-dessous, mais peu m'importe. J'écris parce que j'en ai envie et parce que ce sera pour moi une soupape de détente et de méditation."

janvier-novembre 2000

http://digilander.iol.it/maci66/Diario.html

Le site réapparaît au début de cette année, rénové avec reprise du journal, et un curriculum vitae. Massimiliano Tagliati est licencié en astronomie à la faculté de sciences mathématiques physiques et naturelles de Bologne, et actuellement programmeur HTML.

Baci by Maci

Dawn's Update 

Journal d'une "Estate Sale", vente de biens, dans une petite ville du Missouri, par une femme originaire de Bologne, après la mort de sa mère qui y habitait une maison. Les entrées sont datées de mars (de quelle année?). C'est exactement Toy story 2. Les acheteurs arrivent comme des sauterelles, attirés en premier lieu par les Barbie de l'auteur et de sa sœur, car leur mère a toujours tout conservé. Réflexions sur le souvenir maternel. Le site est arrêté, et l'adresse e-mail n'est plus valable.

http://gateway-studio.com/private/index.html
 
 

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