Les lecteurs: un cercle stimulant


Complètement impliqué dans la relation diariste-lecteur, il m'est impossible d'avoir une analyse objective sur le sujet. Je me bornerai donc à livrer ce que je ressens de cette relation.

Lorsque j'ai commencé mon journal en ligne, je crois que cela correspondait avant tout à un besoin de sortir ce qui était en moi. Sans bien savoir vers quoi j'allais, je savais que j'avais des choses à exprimer, et un désir d'exister par les mots. La présence de lecteurs me semblait n'être qu'un échange: j'écrirais, ils liraient, et chacun y trouverait son compte. Des réflexions proposées pour une lecture en sympathie. Certes, je supposais bien que je pourrais avoir un retour de lecture par mail, mais je pensais que cela resterait assez ponctuel. Et en tout état de cause, je n'avais pas imaginé une possible interaction avec ce lectorat.

Pourtant, très vite, je me suis rendu compte que cette écriture publique différait largement de l'écriture privée d'un journal secret. Parce que, tout naturellement, j'avais tendance à "parler" à ceux qui me lisaient. J'ai bien essayé de résister en tentant de faire abstraction de ces yeux extérieurs, mais j'ai du renoncer. J'ai compris que le journal en ligne était bien différent du journal papier.

Finalement, au fil des mois, je me suis habitué à ce regard. Je l'ai identifié aussi, parce j'ai reçu de nombreux courriels de ces lecteurs/lectrices, j'ai échangé avec eux, et des liens se sont créés. Maintenant, je sais à qui je m'adresse en écrivant, ce n'est plus un public anonyme. Même si je ne suis jamais sûr d'être lu à chaque fois, et par chacun d'eux, parce que je ne reçois évidemment pas de retour de lecture à chacune de mes entrées. Mais c'est un milieu rassurant, parce que je sais que sur le nombre, je suis certain d'être en sympathie avec plusieurs de ces fidèles... (je vérifie quand même de temps en temps que je suis toujours visité...). En outre, il s'agit assez souvent de diaristes que je lis aussi. Cet échange d'intimités, bien que peu évoqué dans nos journaux, joue aussi dans la proximité. Pourtant, il me semble que c'est surtout (mais pas seulement) avec les lecteurs non-diaristes que les échanges sont les plus approfondis. Sans doute parce qu'ils n'ont que les mails pour exprimer ce qu'il si dans les premières semaines, j'ai désiré avoir un lectorat le plus large possible, je me suis rendu compte récemment que je ne le souhaitais plus. Le nombre de lecteurs quotidiens s'est stabilisé à une vingtaine et cela me convient bien. J'en connais une petite dizaine, les autres étant soit très discrets, soit de passage. Trop de lecteurs feraient probablement peser un poids qui influerait sur mon écriture, avec la tentation d'être "bon", sans doute au détriment de la sincérité. Je crois que la relative intimité de ce cercle de confidents me convient bien.

Si certains diaristes ont pu affirmer qu'ils écrivaient avant tout pour eux, je ne souscris pas à cette idée. Il s'est établi entre mes lecteurs et moi un "pacte" tacite. Leur lecture m'encourage à aller plus loin dans le voyage introspectif. Par leur présence ils nourrissent mon inspiration, par leurs mots il me montrent que ce que je dis les intéresse. Il m'arrive parfois, en périodes moins riches, d'écrire pour maintenir le contact, en racontant mes états d'âme ou mes impressions du moment, alors que je n'en ressens pas le "besoin". Je ne me force pas non plus. Mais je n'ai pas envie de disparaître sans me préoccuper de mes lecteurs pendant une certaine période parce que je n'ai rien de particulier a confier. Je profite de ces moments là pour aborder des cotés plus factuels de ma vie, rarement évoqués le reste du temps. Je crois que ça fait aussi partie du "pacte": donner un peu de moi juste pour le lecteur, sans que cela ne m'éclaircisse forcément sur moi-même.

Récemment, j'ai découvert quelque chose que je ne soupçonnais pas de la relation diariste-lecteur. Il se trouve que j'ai eu quelques remises en question assez difficiles. Par habitude, j'ai eu tendance à me replier un peu sur moi même et à très peu communiquer mes impressions au public qui me lisait. Je n'avais pas envie de monter un coté un peu triste et déprimé. Cette forme d'écriture ne me convenait plus à ce moment là (le journal papier aurait été plus approprié). Pourtant, j'ai quand même écrit mes difficultés. J'ai alors reçu plusieurs mails qui m'ont montré que les gens étaient sensibles à ce qui pouvait m'arriver. Chacun y est allé de ses encouragements et conseils, avec une vraie sincérité. Je me suis alors rendu compte que le sens du mot amitié existait bel et bien sur le web.
 
 

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