Aubépine
De retour dans votre ville, le journal d'Aubépine, une représentation exceptionnelle pour les petits et les grands. Venez acclamer son éternel célibat, ses amis de tout poil, ses beuveries hebdomadaires et ses problèmes de plopmberie récurrents!

Ah et puis il paraît qu'on ne trouve mon adresse mail nulle part..
Donc la voici :
aubepine_sebastopol@yahoo.fr


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Ceci est une archive du journal et non pas le journal lui-même.

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mercredi 4 juin 2003 à 12h59
Premier écrit
Premier écrit chez Aubépine. Bienvenue chez toi ;o)

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jeudi 5 juin 2003 à 12h48
Back
"Ah bah t'es de retour toi?

-Oui. Je suis revenue, tu vois....

-T'as pas l'impression d'exagérer un peu, non? Faire des aller-retours comme ça, c'est pas un peu ridicule? On dirait les 125 adieux de Sheila...

-J'avais envie de revenir, ça se commande pas...

-Ah bon? Madame a fini sa petite crise alors?

-Appelle ça comme ça si tu veux... J'avais des soucis. J'avais pas forcément envie d'en parler par écrit. J'avais le sentiment de tourner en rond quoi.

-Ouais, c'est ça... Dis plutôt que ce sont tes lecteurs qui te manquaient, leurs mots d'encouragement, tout ça...

-Oui, bon ben, c'est vrai aussi! T'aimes pas quand des gens te réconfortent, s'intéressent à ta vie?

-Et le site que tu devais soit disant créer?

-J'ai abandonné à la page deux du manuel "Faites votre site vous même"...

-Pfff... Ma pauvre Aubépine... Tu es désespérante... Et alors, quoi de neuf depuis la dernière fois?

-Ben, je fais de la comm' maintenant. Dans le journalisme, y'avait rien en ce moment...

-QUOI???? Tu te prostitues en somme...

-Forcément, toi, à part faire la morale aux gens... T'as pas besoin de gagner ta vie. Et puis, c'est temporaire...

-Et sans ça, toujours célibataire?

-Ben oui, sinon, ce serait pas drôle.

-Antoine?

-On s'est réconciliés si tu veux tout savoir. Mais le terrain est encore glissant...

-Dis donc, tu te rends compte que ça fait une page qu'on fait un dialogue tout pourri à la Nathalie Sarraute???

-Oui, j'avais constaté, merci.

-Bon. On mettra ça sur le fait que t'as pas écrit depuis longtemps.

-Merci pour ton indulgence..."

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jeudi 5 juin 2003 à 14h57
Liaisons@dangereuses
Jérémy m'innonde de mails.

Non qu'il se soit soudainement aperçu que j'étais la femme de sa vie mais parce qu'il a rencontré une (apparemment) délicieuse thésarde qu'il drague à grands coups d'échanges épistolaires.

Avant l'envoi d'une missive, Jérémy me balance le mail. Je donne ou non mon visa pour que les merveilles de la technologie acheminent fissa ses mots à l'élue de son coeur.

Il faut dire que j'en ai déjà fait les frais des mails incendiaires de Jérémy. Ceux qui vous font sentir toute chose quand vous les lisez, qui vous donnent l'impression que vous etes l'Unique.
Je vous rassure, cet état de grace a duré moins de temps qu'il n'en faut pour comprendre que c'est Alexandra qui va gagner dans "Bachelor".

N'empeche, j'ai l'impression d'etre Mme de Merteuil et qu'avec Jérémy Valmont, nous élaborons des stratégies d'écriture pour faire chavirer le coeur d'une petite Cécile de Vollanges. La chose est d'ailleurs entendue puisque, son dernier mail laissait entendre qu'elle l'attendait frétillante, au creux de ses draps.

Bilan: je peux demander n'importe quoi à Jérémy en ce moment. Lui, d'habitude, plutot avare en compliments, m'encense comme c'est pas permis et se propose de faire ma pub auprès de n'imprte quel individu de la gent masculine qui me plairait un peu. J'ai décliné l'offre, parce que je voyais ça d'ici. Jérémy faisant ma pub, ça donne autant envie d'acheter une machine à laver Vedette quand cette dernière est vantée par la Mère Denis (paix à son ame, d'ailleurs).

En revanche, il m'accompagne ce soir sans broncher à la pièce dans laquelle joue Antoine et qui m'a l'air gratiné de chez gratiné, genre "la troupe des Farfadets de Limoges." Je pense qu'en ayant bu un peu avant, cela devrait passer comme une lettre à La Poste (quoique La Poste en ce moment, c'est plus ce que c'était. Mais ceci fera l'objet d'un autre post intitulé "Aubépine et les fonctionnaires")

A croire que mon état désespère de plus en plus mes proches, Bertrand, un ami journaliste, m'a organisé un dej' avec Ga¨¨etan, son meilleur ami, médecin et célibataire de son état. La honte. Gaetan est beau comme tout, intelligent, sympa. Seul(s) hic(s): j'avais mis ma poudre un peu trop rapidement après ma crème hydratante (les garçons, vous pouvez sauter ce passage, ça vous passionnera pas des masses...) Bref, dej' génial. J'arrive au journal, me regarde dans la glace: Horreur! Des tra^^inées de poudre sur ma tronche! On aurait dit un zèbre!

En plus, pendant ledit repas, Bertrand m'a "vendue" encore mieux qu'un paysan béarnais vend sa vache charolaise au Salon de l'Agriculture: "Aubépine est une fille très cultivée.", "Aubépine a beaucoup d'amis", "Aubépine a le journalisme dans la peau". Et le Gaetan aquiescait, un peu désarçonné par l'enthousiasme forcé de son pote. J'attendais le pire, à savoir le moment où Bertrand dirait "Aubépine fait du crochet comme personne", heureusement, l'addition est arrivée avant ce type de débordements.

Enfin, si Gaetan a pas compris que j'étais dispo sur le marché de la fille en ce moment et que j'étais la meilleure occase qui soit, je ne donne pas cher de ses neurones...

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jeudi 5 juin 2003 à 18h05
Luxembourg, (pas) mon amour
Pas de pot. Il faut que mon nouveau job se trouve pile dans le quartier de Paris que je déteste: entre St Michel et le Luxembourg.

Je sais pas pourquoi tant de gens font une fixette là dessus. J'ai meme des amis qui ne sortent que dans ce coin là. Franchement, c'est un truc qui me dépasse. Vous avez le choix entre des artères bruyantes et des ruelles où les restaus grecs s'alignent comme des dominos.

Le Luxembourg, personnellement, je trouve que c'est un jardin tout ce qu'il y a de plus moche. D'ailleurs, qu'y a-t-il de plus moche qu'un jardin à la Française, droit, rectiligne, avec ses petites pelouses bien tondues et ses alignements de crocus bien parallèlles à l'allée sablonneuse? Bah rien...

Mais plus encore, c'est la population du secteur qui me fout les nerfs en pelote: soit du touriste, soit de l'étudiant... Entre la peste et le choléra, franchement... J'ai rien contre les étudiants mais, le cinquième arrondissement donne à voir un panel assez savoureux de ces bestioles.

Eh non, le brun ténébreux, Kierkegaard à la main, pull marin boutonné jusqu'en haut, ce n'est pas que dans les films de Rohmer! Ca se trouve dans les couloirs de la Sorbonne, mais aussi au premier étage de la librairie des PUF, dans la queue de l'Action Christine ou sur une chaise du jardin, en train de mater les filles d'un oeil torve.

Voilà, j'ai déversé toute ma mauvaise foi.

Et je pars, vaillant petit soldat, revigorée, vers la pièce d'Antoine...

La journée de demain sera donc placée sous le signe de la critique thé^^atrale...

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vendredi 6 juin 2003 à 10h47
Strepsil au théatre
C'est donc une pièce italienne que nous allames (je n'ai pas oublié l'accent circonflexe, mais ma touche déconne...) voir hier soir.

J'arrive éternuante et crachotante au RV avec Jérémy. On discute de son amoureuse potentielle. L'affaire a l'air de rouler tranquillement. Au niveau boulot, les choses s'arrangent également puisque son dernier scénario a l'air d'avoir recueilli des avis plus que favorables de toutes parts.
Nous nous dirigeons vers le théatre. En route, nous croisons Antoine qui vient de terminer le filage technique avec la troupe. Il nous expédie en minute chrono. Des coups de fil à passer.
"Honnetement, Aubépine. Ce mec m'est franchement antipathique, soupire Jérémy, il ne m'a meme pas regardé quand il m'a serré la main. Je sais, c'est con, mais..." Et de me parler d'Antoine à mes soirées qui n'écoute pas la réponse quand il a posé une question, l'air de se foutre de tout... Et de conclure: "En plus, après ce qu'il t'a fait, j'ai du mal à le trouver sympa..."

Je hausse les épaules mais n'en pense pas moins. J'ai bien peur que Jérémy ait raison. Antoine est un foutu égo¨¨iste

Arrive Colin, pote d'Antoine, sorte de mentor, qui l'a aidé à se découvrir puis à s'assumer. Jérémy se pose dans un coin pour lire la dernière BD qu'il a acheté en attendant que les portes s'ouvrent. Est-ce à cause de ce qu'il m'a dit précédemment? Toujours est-il que j'explique A Colin ces sentiments étranges qui m'animent à l'égard d'Antoine. Affection et agacement. L'impression de me surinvestir dans cette amitié où lui, au contraire, est complètement désengagé.

"Tu sais ce qu'on dit, me répond Colin, l'ami, c'est celui qui t'aide à planquer un cadavre." Or, je crains qu Antoine ne m'aiderait pas à planquer le cadavre. Au mieux me demanderait-il, tant que j'y suis, de me charger de celui qui gamberge dans sa cave.

Nous nous installons au dernier rang de la salle, sur des sièges en bois à la dureté pire encore que celle des fauteuils de soutien. Strepsils et mouchoirs sur les genoux, je m'installe entre les deux garçons. La pièce débute avec une demi heure de retard. Elle dure deux heures. Colin envisage de se casser avant la fin. Nous sommes à l'autre bout de Paris et, avec les grèves, le retour risque d'^^etre épique... Nous restons juste le temps de voir deux, trois scènes avec Antoine qui intervioent tardivement dans l'action.

Puis, profitant d'un changement de décor, nous nous éclipsons, un peu honteux, mais la faim au ventre et la fatigue dans les membres.

"La RATP vous informe qu'un temps d'attente de trente minutes est à prévoir entre les métros." Nous nous décidons donc à prendre un taxi qui nous ramènera dans le XIè où nous habitons tous les trois. Dans la voiture, nous partageons des Strepsils et les conversations font bient^^ot place à des suçotements pas ultra distingués qui font tiquer le chauffeur. Colin rentre bosser tandis que Jérémy et moi allons d^^iner à l'Autre Café.

Les considérations de Jérémy sur Antoine me laissent morose, parce qu'il a raison en tous points. Un serveurse trémousse sur le cd de Diana Ross qu'il a poussé à fond les manettes. Nous sommes crevés tous les deux. A minuit, chacun regagne son antre.

1 h du matin: Antoine m'appelle pour me demander ce que j'ai pensé de la pièce. Je respire quand je constate qu'il ne me demandera pas ce que j'ai pensé de la fin. Il veut surtout savoir comment il a été lui.

1h15: Coup de fil de Jérémy qui s'inquiète. Il ne m' a pas trouvé bien ce soir et me demande si ça va.

Deux coups de fil, deux motifs différents. Appels édifiants en somme...

Je n'arrive pas à dormir. Je zappe et regarde Jean-Marc Sylvestre, l'ami du libéralisme à tout crin, papoter avec Maurice Lévy de Publicis. Roland Garros sur la 2 et Justine Hennin qui sort Serena Williams. Cette dernière, en larmes à la fin, défaite: "You always have seen me smiling. You'll have to learn to see me crying. " Sur la 6, Bernard de la Villardière interroge une de ses invitées : "En somme, c'est le cannabis qui vous a sauvée de l'alcoolisme." "Oui, tout-à-fait..."

Combien de fois faudra-t-il leur dire, à ces invités préfabriqués, chez Delarue, Evelyne Thomas ou la Villardière que "tout-à-fait", ce n'est pas français????

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vendredi 6 juin 2003 à 17h37
Rebondissement, microscopique, certes, mais rebondissement quand même...
C'est bizarre la vie...

Hier, je me voyais déjà finir au Carmel à débiter des rosaires et voilà-t-y pas qu'un message dans ma boîte mail ce matin change quelque peu la donne.

Message d'un de mes anciens profs avec qui j'ai dîné il y a quelques semaines. Il me remercie pour la "très bonne" soirée (mieux vaut tard que jamais) et me propose de prendre un verre en... juillet!

-Soit cet homme est très occupé d'ici là

-Soit il croit que j'ai un emploi du temps de ministre qui ne m'autorise pas à planifier un rencard avant le milieu de l'été

-Soit je me fais encore des films.

J'hésite entre les possibilités 1 et 3... En même temps, dans ce message, il se met à me tutoyer et signe de son simple prénom.

Suite à ma réponse, nous échangeons une série de mails dans la matinée...

Merde, c'est quand même éculé le coup du prof avec son étudiante!

Quoique... Je ne suis plus son étudiante.

J'essaie de me souvenir les trucs que j'ai pus lui dire lors de notre dîner. Et me rappelle avec effroi qu'après les trois Mojitos, je n'étais plus d'une très grande fraîcheur. Lui carburait à la Vittel, le traître...

Je revois donc les éventualités:
1-Après avoir bu la dernière fois, j'ai fait un truc vraiment bizarre (genre danser la Macarena sur la table du bar, boire avec le nez ou sortir les pires blagues des Grosses Têtes) et comme ça fait longtemps qu'il ne s'est pas payé une grosse poilade, il me rappelle.

2-D'un point de vue strictement professionnel, il veut avoir mon point de vue sur une question fondamental type "Pensez-vous qu'Arlette Chabot a déjà vu un homme de près?"

3-Je peux éventuellement lui plaire.

Suite dans un prochain épisode...

PS: Alors que j'avais décliné son invitation à déjeuner, je croise Antoine à la sortie du métro Odéon et finalement... nous déjeunons ensemble. A ce niveau là, c'est plus du hasard. D'ici une dizaine d'années (le temps d'un coming out inversé), on publie les bans pour notre mariage...

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mardi 10 juin 2003 à 12h44
Nougaro et Cornetto
Week end étrange... Je dois finir un papier méga à la bourre (je m'étais méchamment fait sonner les cloches...) mais le soleil a raison, le samedi, de ma bonne volonté.

Nous allons avec Antoine prendre un brunch dans le Marais au prix "foutage-de-gueule", soit 17 euros pour trois tartines qui se battent en duel (ou devrais-je dire en truel???). Je regrette méchamment celui du Café Divan, meilleur et plus près de chez moi... Antoine trouve que je n'ai pas l'air en forme, ce qui, du coup, me mine le moral.

Nous nous balladons dans le quartier pour échouer finalement au musée Carnavalet, à l'expo Plantu. Avec le beau temps, les salles sont quasi désertes. Seul souci: Antoine et moi, je l'avais déjà constaté, n'avons pas du tout le même rythme pour faire une expo. Je suis déjà à la fin et qu'il en est encore à s'extasier sur la caricature de la première salle. Je me demande si je ne suis pas salement inculte.

Je rejoins ensuite Justine au parc floral où les concerts de jazz ont repris. Je n'aime pas particulièrement cette musique, pour être même tout à fait franche, elle m'emmerde assez (je suis définitivement inculte ET obtue) mais se prélasser sur l'herbe en enchaînant les Magnum et autres Cornettos, voilà un programme qui m'enchante.
Et là, ô surprise, en guest star d'un des concerts: Claude Nougaro. Justine et moi nous ruons vers la scène telles deux groupies hystériques de Justin Timberlake. J'adore Nougaro, sa voix, ses textes. Alors quand il chante "Ah tu verras, tu verras", j'applaudis et me dandine en bonne fan de base que je suis. Dommage, il n'a pas chanté mes préférées, "la ballade irlandaise", "il faut tourner la page" ou "sur l'écran noir de mes nuits blanches" (qui ne doit pas être le titre exact mais on s'en fout...)

Nous retournons sur l'herbe pour une partie de tarot. Quand on y joue, tous mes amis frémissent à l'idée que je puisse être leur partenaire, tellement je suis nulle. Je joue les atouts en fonctions, non pas de leur chiffre, mais de la beauté des images. Quitte à saborder un jeu, autant le faire avec un certain sens de l'esthétisme après tout... Mais je crois que, en ce qui me concerne, il n'y a pas pire occupation que les cartes. Bah, rien que le mot, j'ai déjà une poussée d'urticaire...
C'est le moment que choisit Antoine pour s'inviter à dîner chez moi. Je sortirais bien mais monsieur a décidé de faire son tout mou. A deux heures du matin, il dort sur mon canapé et moi, sur le tapis (ça veut tout dire!) Le CD de Tom Mac Rae a eu sur nous l'effet d'une berceuse. Je me réveille à 3 heures du mat', tirée des bras de Morphée par la fenêtre ouverte et la dureté du plancher. Je regarde Antoine dormir, son rouleau de PQ à portée de main (il est enrhumé et je n'ai pas de mouchoir). Il est drôlement beau. Je l'embrasserais bien sur la joue mais j'aurais trop peur qu'il ne le prenne comme une tentative éhontée de viol. Je m'abstiens et rejoins mon lit.

Le lendemain, j'espère être plus productive. C'est sans compter Roland Garros que Colin nous convie à regarder, Antoine t moi, après un brunch au café Charbon (une très très mauvaise habitude que celle du brunch... Voilà ce que dirait mon banquier.)

Abrutis par les bières et par une finale chiante comme un épisode de Miss Marple, nous sortons de notre torpeur pour fêter la victoire de Ferrero au Champomy. Antoine note, avant d'aller aux toilettes, que "Ce Ferrero, il est trop sexy." Je ne peux m'empêcher de tiquer. Colin me regarde, un sourire en coin: "T'es encore amoureuse, toi, hein?" Et sincèrement, je ne crois pas... Faut s'habituer, c'est tout.

Nous buvons un thé et écoutons de la musique dans cet appart' méchamment canon de 50m2, avec parquet, cheminée et tout le toutim. En regagnant mon trou à rat, je suis verte de jalousie...
Au lieu de bosser, je regarde un bout de l'émission sur Madonna (à force de fréquenter des gays, voilà que ça déteint) mais la voix aigüe de Daniela Lumbroso me met les nerfs en pelote. C'est le moment que choisit ma copine Mat pour me corrompre définitivement et me pousser à prendre un verre. Au Plein Soleil, décidée à rester sobre, j'opte pour le Coca Light. "Un verre et c'est tout, hein? Je bosse moi après..." Bilan, je rentre chez moi à 3heures du matin.

Le lendemain, je suis d'une fraîcheur telle que je décide de lire le ELLE et le Voici (pas le Libé, c'est férié quand même!) avant de me mettre au boulot. Je pense être mauditepuisque Colin choisit cet instant précis où mes petits doigts commencent à courir sur le clavier de mon ordinateur pour m'appeler pour prendre un verre. Il y a l'appel du ventre. Moi, c'est l'appel du bar. Nous papotons, surtout d'Antoine. "Quand tu parles de lui, tu emploies le vocabulaire amoureux" me fait-il remarquer. Je décide de ne pas relever. Quand le terrain devient trop glissant, j'objecte mon super papier à finir pour le lendemain.

Boulot toute la journée, sans discontinuer. Verre avec Justine vers 22h. Je lui demande de me raconter à nouveau comment ça s'est fait entre elle et son amoureux. J'aime bien qu'on me raconte de belles histoires.

Ca me change des miennes...

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mardi 10 juin 2003 à 14h57
Où les déguisements ont des vertus nostalgiques insoupçonnées
Deuxième fête costumée de l'année et je ne peux même pas rentabiliser le déguisement de la dernière fois... La première fête avait pour thème les stations de métro.
Bon, le but d'une soirée déguisée, c'est d'être déguisée, certes, mais pas non plus de ressembler à la devanture d'un magasin de farce et attrappes...
C'est pourquoi, avec Justine, on avait décidé de se déguiser en filles du calvaire (eh ouais, le nom de la station est au pluriel... La vie est parfois bien faite...) C'était toujours plus sexy que Louise Michel ou Poissonnière. Seul souci: on était infoutu de savoir ce que c'était qu'une fille du calvaire... Bon, à priori, c'est une fille qui se trouve présente lors du chemin de croix du Christ (voilà ce que nous en avons déduit à partir de nos connaissances bibliques encyclopédiques). Pour finir, on s'est dit que ça devait être Marie-Madeleine. Soit une pute très pieuse.

Nous sommes donc allées faire du shopping au marché Saint Pierre pour choper du tissu. Justine en a choisi du rouge, moi du bleu, avec des étoles assorties. Nos mères ne nous ayant pas appris les rudiments de la couture, on a bidouillé des jupes bouillonnantes avec des épingles à nourrices. Puis, on a découpé des petites croix dorées dans un bout de tissu en or lamé que nous avons ensuite... agrafé sur lesdites jupes (vous constaterez donc que, quand je dis que je suis nulle en couture, ce n'est pas un mythe).

Franchement, l'ensemble avait de la gueule. OK, personne n'a trouvé en quoi on était déguisées mais nous avons mis ça sur le manque de subtilité et de culture des invités. Malheureusement, la soirée allant (et l'alcool aidant), on a fini par plus ressembler à grand chose: nos croix dorées ont fini piétinées sous les pieds des danseurs, je me suis retrouvée en slip au beau milieu d'une Macarena (la solidité des épingles à nourrice, c'est plus ce que c'était), tandis que Justine voyait sa longue jupe transformée en mini après l'avoir coincée dans une porte.

Cette fois-ci, nous avons décidé d'être or-ga-ni-sées. Le thème de la soirée étant la lettre "m", il s'agit de venir déguisée en un truc commençant par "m" (logique implacable). Justine prévoit de venir en Minerve (la déesse romaine, pas le truc infâme que l'on porte autour du cou...). Quant à moi, décidément dans une veine très biblique, j'ai opté pour la vierge Marie. C'est comme ça, Justine est très branchée truc antique. Moi, c'est la bimbeloterie catho.
Coup de fil à Lily, ma copine styliste qui sera également de la partie. "Tu m'aideras, hein???"
"Ouais, ben, j'ai le mien à faire. Et puis y'a bidule, bidule et truc qui m'ont aussi demandé de les aider."
Peut-être, mais je lui fais remarquer que la vierge Marie en string au beau milieu d'une soirée à cause d'épingles à nourrice défectueuses, ça le fait moyen. L'argument suffit à la convaincre.

L'épisode Lily+ le bordel d'en ce moment me rappelle le moment où on a tous passé notre bac, il y a bientôt 6 ans (oh putain, c'est déprimant!)

Les révisions se passaient chez moi, sur la terrasse qui surplombe le jardin. On potassait nos Annabacs mollement en buvant la limonade qu'on faisait nous mêmes (en forçant bien la dose sur le sucre). Lily chouinait qu'elle l'aurait jamais pendant que je lui disais de pas réviser la nature en philo, que le sujet tomberait jamais (évidemment, il est tombé mais comme Lily a eu son bac, elle a pas pensé à me faire la gueule...)
En fait, on se racontait plus nos histoires de coeurs que nos cours. Lily et celui qui lui en faisait baver des ronds de chapeau à l'époque, Armelle et son copain Philippe, le mutique dont j'ai du entendre la voix en tout et pour tout une fois dans l'année scolaire, moi et Sylvain qui en avait passablement rien à foutre de mon bac, vu que cela faisait quatre ans qu'iul l'avait (ce qu'il n'omettait jamais de me rappeler ce con...)

Je m'aperçois que je suis horriblement nostalgique de la TL4, de cette année où on rigolait comme des malades, où les bonnes notes tombaient sans qu'on se casse trop la tête (pas folle, je n'avais pas choisi la L que par amour de la littérature...) et où chacune de nous avait un nombre raisonnable de soupirants à ses pieds.

Les choses ont changé depuis: nous payons la redevance (faudrait que je m'en occupe d'ailleurs...) et flippons de finir vieilles filles.

Comme le dit MC Solaar "les temps changent"

Hautement philosophique cette petite sortie...

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mardi 10 juin 2003 à 15h21
Colin
Je résume pour ceux qui n'auraient pas suivi: Colin est un ami d'Antoine, celui qui lui a fait prendre conscience qu'il aimait les garçons (Colin,je te dis merci, vraiment...)

Bref, Colin m'appelle pour que nous prenions un verre. D'habitude, nous ne nous voyons qu'en présence d'Antoine. Longtemps, nous avons su l'existence l'un de l'autre mais Antoine a toujours refusé, malgré nos demandes répétées, d'organiser une rencontre. Antoine aime bien cloisonner ses amitiés. Est ce que c'est ça, "diviser pour mieux régner"???

Je me retrouve donc à mon café préféré avec Colin, celui qui donne sur le square. Lui, est dans le processus inverse d'Antoine. Il retourne vers les filles. Au détour d'une conversation, il me dit "tu voislà, par exemple, nous sommes dans un rapport de séduction..." Je m'insurge, lui dis que non, qu'il est un ami d'Antoine que j'ai aimé et avec qui il a eu une histoire.

Colin me lance un regard tranchant et me dit: "Quand tu dis ça, c'est comme si tu disais que, pour toi, je ne suis pas un homme." Je lui explique que pas du tout, mais que, dans ce cas précis, instaurer un rapport de séduction, je trouverais ça carrément malsain. Je conclus:"On est dans un rapport triangulaire assez complexe..." "Justement, me répond-t-il, il faut briser le triangle."

Je ne comprends pas trop ce qu'il veut dire par là. Devrions nous inverser la tendance et nous unir en quelque sorte "contre" Antoine? Ces amitiés doivent-elles désormais devenir multilatérales? Y'a t- il autre chose, que j'ai du mal à m'imaginer?

Une chose est sûre. Je suis carrément mal à l'aise. Une version de "Jules et Jim" dans laquelle c'est la fille qui se fait berner...

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mardi 10 juin 2003 à 17h17
Habiter en Rez-de-Chaussé
Mon journal est tellement vide que je me lance dans l'écriture compulsive et débiloute.

Prenons ce sujet que je viens d'énoncer, digne d'un best of de "C'est mon Choix". Car, oui, effectivement, j'habite en Rez-de-Chaussé. Or, la période estivale approchant, celle-ci souvent liée aux déménagements en tout genre, Aubépine se permet de te mettre en garde, toi, futur locataire...

Car l'habitation en RdC, si elle a des côtés fort sympathiques, trimballe aussi avec elle son lot de galère...

1-Les gens ont tendance à penser que, chez vous, c'est comme la télé, mais en plus drôle. A savoir, vous devenez une sorte de programme de real-tv à vous tout seul. Exemple: vous regardez la télé, la fenêtre ouverte, un truc bien débile, genre "Sous le soleil". Soudain, vous sentez comme une présence. Vous vous retournez. Et dans l'encadrement de la fenêtre, trois têtes de gamins qui vous regardent hilares, faisant des réflexions peu amènes sur vos goûts télévisuels. Si vous avez laissé traîner le Voici sur la table basse (alors que vous avez tout Ricoeur et tout Deleuze soigneusement rangés dans votre bibliothèque) vous pouvez être sûre que votre réputation dans le quartier (où tout le monde se connaît) est foutue. Et acheter ostensiblement le Monde Diplo durant les six mois qui suivent n'y changera rien.

2-Habiter en RdC est mauvais pour la santé. En effet, vos amis se dispensent de retenir votre code d'entréek, sachant qu'ils peuvent tambouriner à qui mieux mieux à votre fenêtre, beuglant l'éternel question "C'est-quoi-le-coooode?" Entre la question (qui vous sort de votre torpeur sympathique) et la réponse, vous aurez eu le temps de faire trois crises cardiaques.

3-Les gens qui passent se permettent de faire des petites réflexions sur vos éventuelles compétences dans la catégorie "fée du logis". Jetant un coup d'oeil à votre intérieur de la rue, ils vous gratifieront au mieux d'un "Eh ben, c'est le bordel là dedans..." Non seulement vous vous sentez obligée de répondre oui (car, effectivement, c'est le bordel...) mais en plus, vous vous sentirez contrainte d'abandonner la lecture salutaire d'un magazine débile pour aller faire la vaisselle qui poireaute dans l'évier depuis dix jours, histoire de montrer que vous n'êtes pas si crado que ça.

4-Si vous faites une fête, le squattage est garanti. "Ca a l'air sympa... Vous nous payez un verre???" vous demande le badaud attendri par la vue d'une soirée aussi bon enfant. Des gens nouveaux pourquoi pas? Sauf quand vous vous rendez compte que le mec avec qui votre copine Fanny est en grande conversation n'est autre que Loulou dont tout le quartier assure que c'est un maquereau. Quant à Jimmy, qui discute paisiblement avec votre ami Paul, futur commissaire de police, il n'est rien d'autre que le fournisseur officiel du quartier en substances illicites en tout genre.

5-Oubliez toute possibilité de vous trémousser tranquille dans votre salon et en petite culotte sur une chanson débile. Vous vous rendrez compte au bout d'un moment que vos carreaux de fenêtre sont méchamment embués. Normal: de l'autre côté, Maurice et Gérard, les deux piliers du Balto, le bar d'à côté, se rincent l'oeil en se foutant gentiment de votre gueule. Pour rentrer chez vous, vous serez désormais de faire un détour de 10 minutes afin de ne pas passer devant le Balto et d'éviter les éventuelles réflexions sur vos talents chorégraphiques.

6-Si vous habitez un quartier qui abrite encore des spécimens délicieusement appelés "sauvageons" par un ancien ministre de l'intérieur, évitez de vous rendre dans la salle de bain (même si ce n'est que pour vous laver les mains). Vous risquez sans cela de voir débouler certains de vos amis, avec dans les mains, non pas des fleurs mais des éléments de votre mobilier (vase, photophores, CD...) que lesdits amis viennent fraîchement de récupérer des mains de deux, trois chenapans, apparemment amateurs du style Habitat.

7-Vous pouvez difficilement prétendre au raseur "qui passait dans le quartier et venait vous dire un petit bonjour" que vous n'êtes pas là. La lumière et la chaîne qui beugle l'album de la Star Académy à 12 km à la ronde vous ont déjà trahie...

8-Enfin, comment dire à un garçon "tu montes prendre un dernier verre?" si vous habitez en RdC????

Ne venez pas dire après ça que je ne vous aurais pas prévenus...

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mercredi 11 juin 2003 à 09h29
Parenthèse enchantée
Hier soir, après le boulot, j'ai rejoint l'ancien journal où je travaillais. Il fallait que j'apporte des corrections à un article copieux que j'avais rendu le matin. J'ia eu un peu le blues. Pas de bol d'avoir du quitter cet endroit où j'étais si bien, où je riais beaucoup plus que maintenant. Pas de bol d'être arrivée sur le marché du travail à un moment où vraiment la conjoncture est dégueu.

Avant de retoucher mon papier, je prends un verre avec Gwen et Bertrand. Avant, on travaillait en "trinôme" au journal. Ils me manquent énormément. J'avais peur que mon départ fasse qu'on ne se voit plus, qu'ils m'oublient. Mais non. On se voit plus de deux fois par semaine pour ragoter, se raconter nos vies. A ce sujet, je pense qu'avec Gaëtan, le pote de Bertrand, c'est définitivement mort. Je l'avais appelé la semaine dernière (en extorquant son numéro à Bertrand) sous le prétexte le plus fallacieux qui soit. Comme il est médecin, j'avais prétexté avoir perdu un antibio que mon médecin m'avait prescrit. Etait-ce ennuyeux? lui demandais-je. Gaëtan s'acquitta de bonne grâce de ma demande, me recommandant au passage des médocs selon lui plus efficaces. Depuis pas de nouvelles. Or il a désormais mon numéro et les prétextes bidons ne manquent pas pour me contacter (par exemple: suis-je sortie d'affaire avec ma sinusite...) Affaire classée donc, à ranger dans le tiroir "les-plans-foireux-d'Aubépine-dont-tout-le-monde-sait-dès-le-départ-que-ça-va-capoter-sauf-la-principale-intéressée-attendant-encore-le-prince-charmant-sur-son-fidèle-destrier-blanc-malgré-une-lecture-minutieuse-des-mags-féminins-qui-insistent-bien-sur-le-fait-que-l'homme-idéal-n'existe-pas."

Travail, seule, au journal jusque 22 h. Coup de fil à Gaëlle, sur la capitale cette semaine. Je lui raconte mon histoire avec le prof que nous avions toutes les deux. Elle me dit "pourquoi pas?" Je réponds "Effectivement"

Je rentre à pied chez moi, du quartier latin vers Bastille. Je m'attends à quelquechose sur le trajet, je ne sais pas précisément quoi... Rencontrer un ami, un inconnu qui m'offre des fleurs (après je vois mon visage dans la vitrine d'un magasin et je me dis qu'il y a fort peu de chances pour que ça arrive aujourd'hui....) Paris est désert, si on excepte la rue de la Roquette, toujours grouillante de monde. Je passe au Monop' acheter deux, trois bricoles.

Arrivée à la maison, je n'ai aucune envie de rester seule. J'appelle Colin. Répondeur. Justine est trop crevée pour sortir. Je vois Gaëlle demain. Lily habite en banlieue, Mat est repartie en province pour son déménagement, Micha ne sera sûrement pas dispo (les horaires de ses répet' de théâtre ne coïncident pas du tout avec mes horaires de boulot...). J'abandonne.

Reste la télé et ce joli film, "la Parenthèse enchantée" sur les années 70. Bien sûr, c'est un film, bien sûr, c'est romancé.... Mais je me dis qu'à côté de nos parents, notre génération fait pâle figure. On n'a plus d'aspiration, de désir à revisiter les choses, la société. Les mouvements altermondialistes touchent à des choses trop abstraites ou trop lointaines pour qu'une grande part des gens se sente concernée. ATTAC rasemble des profs, des intellos, soit une frange minuscule de la population.
Il est une heure du matin. Je n'ai pas envie de dormir. Alors j'écoute Elvis Costello en me grillant une clopette à la fenêtre. Je retourne me vautrer dans mon canapé rouge et je relis des textes de Louis Chédid.

Bon, c'est pas du Verlaine, mais comme le Synthol, ça fait du bien là où ça fait mal...

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mercredi 11 juin 2003 à 12h26
Trouillomètre à zéro
Infoutue de me concentrer sur mon travail aujourd'hui.
Je suis balayée par des micro-peurs, qui éclatent comme des bulles de Perrier dans ma tête, et me ruinent la journée.

Peurs types:
1Finir seule
2Ne pas faire le boulot que je veux
3Etre névrosée
4m'aigrir (et non pas maigrir, ce qui me plairait plutôt pour le coup)
5Avoir un problème avec les garçons (voir également peur 1 et 3)
6Mourir jeune
7Aller seule dans une fête/ un lieu où je ne connais personne

Voilà. Blanche-Neige avait ses sept nains. Pour ma part, j'ai mes sept peurs qui viennent de temps à autre (beaucoup trop souvent à mon goût) danser la rumba dans ma tête (encore, ce serait un slow...)

C'est bien Aubépine, il faut ver-ba-li-ser tout ça...
Et maintenant, j'en fais quoi???

Si quelqu'un possède une poubelle à angoisse, un broyeur d'anxiété ou un hâchoir à phobie, qu'il se manifeste. J'aurai de quoi faire avec...

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mercredi 11 juin 2003 à 14h35
Listomania
Ca y est. Tallulah m'a contaminée avec sa manie des listes...
Suivant ses sages conseils, il s'agit donc pour moi de dresser un inventaire de tout ce que je DOIS faire absolument pour que ma vie prenne meilleure allure.

1-Ne pas vivre que pour le boulot

2-Voir Antoine moins régulièrement (soit pas tous les jours mais une ou deux fois par semaine) afin d'éviter de tomber dans le travers "copine de gay qui le regarde s'envoyer en l'air pendant que vous éclusez votre cinquantième boîte de Kleenex" L'envoyer chier quand cela s'impose (c'est à dire souvent)

3-Aller plus à des concerts (même si le dernier que j'ai vu -Vincent Delerm- a un peu ruiné ma motivation...)

4-Apprendre à faire des choses SEULE: type aller au ciné, voir une expo, aller au café. Balayer ma dépendance aux autres.

5-Arrêter de bovaryser dur quand je lis un bouquin. Aubépine, tu n'es ni Scarlett O' Hara (oui, ça, je sais...), ni la Présidente de Tourvel, ni même Françoise Giroud (ah....dommage...). Rentre toi ça bien dans ta petite tête de piaf!

6-Reprendre le militantisme (ça évite d'égoter)

7-Arrêter de chercher "le" mec. Ca viendra quand ça viendra. Point barrre. Basta.

8-Couper le cordon avec les parents (à 20 ans et des brouettes, ce serait pas du luxe)

9-Arrêter d'angoisser sur l'avenir et le possible ratage d'une vie. Comme dit Lorie, ton maître à penser après Spinoza "A vingt ans (et des brouettes donc...), on est invincible"

10- Reprendre le sport car "Mens sana in corpore sano" comme le dit si bien Björn Borg

Bon, si je m'en tiens à ces 10 choses là, ce sera déjà pas mal...

A suivre donc et God Bless You, Tallulah (ah oui, et puis arrêter de foutre de la religion partout aussi...)

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mercredi 11 juin 2003 à 16h21
"Cher Kiefer Sutherland"
Excuse moi de t'importuner avec ma pauvre missive. Enfin, pour que tu tombes dessus, il faudrait que tu ailles mater ton nom sur Google, et que, par le plus grand des hasards, tu ailles regarder ce qu'on peut dire sur toi sur les pages du Web Français. Soit la page12 225874 698 de la recherche. Autant dire que les risques que tu tombes dessus sont plus que limités. En plus, il faudrait que tu aies choisi français première langue, hypothèse très très douteuse... Unless I write all this letter in English but it would really be miserable...

Bref, Kiefer, je t'écris pour t'engueuler. Depuis que j'ai découvert la série 24, je me couche à des heures indues le mercredi soir alors que le jeudi au boulot, c'est costaud de chez costaud.

En plus, à cause de toi, ma vie sociale en a pris un coup. Imagine: je suis au restau avec des potes. Vers 22h45, je commence à zieuter ma montre avec un air de bête traquée. "Ben qu'est ce qu'y a???" s'interrogent mes camarades, toujours fort soucieux de mon état mental. "Ben, euh..., bredouillé-je, c'est qu'à 23h, y'a 24... J'voudrais pas rater les épisodes..." Là Kiefer, tu imagines la consternation de mes amis. Je les délaisse pour une série télé, sur TF1 en plus...

Ben ouais, mais j'y peux rien... Tu as beau avoir les cheveux teints (oui, parce qu'à mon avis, ce blond suédois, il est pas ultra naturel...), une mignonne petite brioche (cf les poignées d'amour que ne dissimulent pas totalement tes chemises noires...), tu éveilles en moi des instincts de midinette, de groupie de base. Ben quoi??? T'as jamais eu envie d'être à la colle avec un agent secret toi??? Oui, bon, d'accord... UnE agentE secrètE... Chipote pas...

Si j'ai bien compris, tu t'es fait plaquer par Julia Roberts peu de temps avant que vous ne convoliez... Problème de communication sans doute... Bon, ben imagine, tu serais avec moi, gentille petite frenchie, voilà le genre de mésaventures qui te seraient épargnées. A mon avis, tu parles pas français et mes capacités en anglais sont plus que limitées. Donc, on s'engueulerait pas... On passerait notre temps à se regarder dans le blanc des yeux... Ah bon??? Cette perspective ne t'enchante pas plus que ça??? Oh ben si il lui faut une fille quk cause en plus...

Tu m'as méga vexée, là, Kiefer... Je sais pas si tu réalises...
Nan, ce soir je te regarde pas... Je dîne avec ma copine Gaëlle. Et je crois pas qu'elle apprécierait que je la plante pour un mec qui n'est même pas foutu d'apprécier les beautés du silence...

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jeudi 12 juin 2003 à 09h35
Triplettes
Comme pas mal de gens (il suffit de voir le nombre présent de personnes à la séance de 22h au MK2 Bastille) je suis allée voir les Triplettes de Belleville avec Gaëlle, Anna et Louise.

Bon, alors déjà, comme une neuneu, je me disais qu'avec un titre pareil l'action se déroulerait à Belleville. J'étais dans les choux total. Belleville est une sorte de mégalopole qui ressemble furieusement à New York, infestée par une "French Mafia" aux parrains complètement avinés.

Le film, quasiment sans dialogues, est d'une poésie incroyable. Mme Souza, respectable grand-mère portugaise, part à la recherche de son petit-fils, Champion, coureur cycliste enlevé par des malfrats. Comme ça, ça ne paye pas de mines. Et pourtant, on est replongé dans la France des trente Glorieuses, une France un peu désuette, où l'on croit encore qu'un jour Raymond Poulidor gagnera ENFIN le Tour de France (triste sort que celui de l'éternel deuxième...) Le graphisme est à la croisée des meilleurs Walt Disney (101 Dalmatiens) et de Tex Avery (caricatures de stars américaines) mais Sylvain Chomet peaufine la physionomie des personnages, jusqu'à en rendre les défauts touchants: le regard de chien battu de Champion, le pied-bot de Mme Souza ou les pieds atrocement tordus des triplettes, ultime vestige de leur passé d'artistes de music-hall.

On sort de là, emballé, sifflotant la chanson du film, qui (c'est sûr) vous restera dans la tête une bonne semaine : "Je veux être givré -oui!- je veux être givré comme une triplette de Belleville"

Programme ciné de la semaine: "Le mystère de la chambre jaune" un Podalydès n'est jamais décevant à priori) et Les Temps Modernes.

Si vous ne l'avez pas encore vu, foncez à "Un homme un vrai" des Frères Larrieu. Matthieu Amalric est hallucinant en homme (quasi) au foyer puis en baroudeur des alpages. Et puis, quand la morale d'un film est que en amour, il existe toujours une deuxième chance, sincèrement, je vois pas pourquoi se priver...

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jeudi 12 juin 2003 à 12h28
De la profiterole
C'est quand j'essaie de faire gaffe et que je m'autorise une entorse, que je m'aperçois à quel point j'aime manger. Non, en fait là, je mens un peu. Je m'en aperçois aussi dans les cabines d'essayage, quand je tente désespérément de glisser mon ventre dans ce fut' adorable mais définitivement pas pour moi ou quand ce ravissant petit haut refuse obstinément de franchir la barrière de ma poitrine...

Donc hier, méga entorse au Café Divan. Pourtant, j'avais commencé sagement par une salade italienne.

POURQUOI AI JE DEMANDE LA CARTE DES DESSERTS NOM DE NOM ALORS QUE JE SAIS TRES BIEN QUAU DIVAN, Y A DES PROFITEROLES A SE DAMNER?????????????????????????????

Ben, tout simplement parce que t'en as envie, grosse maline, va!

Bref, ça a pas fait un pli. Si on me demandait "quel est ton principal point commun avec ton père?" je ne répondrais pas "un goût prononcé pour le cinéma" ou "un penchant certain pour la peinture flamande et hollandaise" ou encore "un amour immodéré de la presse" mais " une passion sans faille pour les profiteroles".

Nous nous accordons tous les deux à considérer que ce n'est pas le summum de la gastronomie. C'est même tout bête en fait les profiteroles: des choux avec de la glace à la vanille, le tout nappé de chocolat noir chaud et fondant.

N'empêche, les bonnes profiteroles, c'est vachement hard à trouver. Entre les choux surgelés si peu décongelés qu'ils craquent sous la dent, la vieille glace de chez ED et le choco Leader Price qu'on vous sert parfois, c'est pas tous les jours fête... Je me souviens ainsi d'une profiterole horriblement coriace. A peine avais-je planté ma cuillère dans le choux que je la vis voler à l'autre bout du restaurant (dont je tairais le nom afin de ne pas lui faire de tort...). Prudente, j'entame la deuxième avec plus de ménagement: j'ai manqué de me péter deux molaires...

En repensant à cette expérience culinaire hier soir, je me suis dit que la bonne profiterole était une denrée trop rare pour la laisser passer.

En plus, la profiterole, c'est un peu rendre hommage à mon père (eh ouais, y'en a qui font des livres, des films, dédiés à leurs parents, moi, je mange des profiteroles... Avouez que c'est moins de boulot.) Quand je vais au restau avec lui, qu'arrive le moment du dessert, nous nous jetons un regard par dessus la carte: "Profiteroles?" "Profiteroles." Puis, il lance à ma mère: "Pas de doute, c'est bien ma fille, celle-ci..."

Comme quoi, la paternité, ça tient à peu de choses.... Une profiterole en l'occurrence...

PS: Je sais pas vous, mais moi, les gens qui prononcent "profitérole", ça m'énerve...

Bon, allez, maintenant, esprit de Jean-Pierre Coffe, sors de mon corps!

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jeudi 12 juin 2003 à 16h39
Questionnaire de Proust
Dieu sait que je n'ai jamais réussi à franchir la page 20 d'un seul des bouquins de ce brave Marcel, alors que je me suis quand même tapée la Critique de la raison pure en intégral(rassurez vous, non pas que je me fende plus la gueule avec Kant mais c'était obligatoire...). N'empêche, ce petit questionnaire je trouve ça assez rigolo. Je pense toutefois que ce n'est pas la version originale vu que sinon, Marcel aurait des putains de talents extralucides quand il demande "quel est votre cinéaste préféré?" Lui, il aurait eu le choix qu'entre les frères Lumière et Méliès. Un peu maigre quand même...

Quel est pour vous le comble de la misère ?
Pour une fille, postuler au Bachelor.

Où aimeriez-vous vivre ?
Paris ça me va très bien. Maintenant, si on m'offre un appart' à Berlin, je cracherai pas dessus...

Quel est votre idéal de bonheur terrestre ?
Je passe

Pour quelles fautes avez-vous le plus d'indulgence ?
Les miennes. A savoir: gaffes à répétition.

Quels sont vos metteurs en scène de cinéma favoris ?
Rohmer, Truffaut, Laughton, Burton, Kieslowski et Stanley Donnen

Quels sont vos acteurs (actrices) favoris ?
Cary Grant, Françoise Dorléac, Gene Kelly, Meryl Streep...

Quels sont vos peintres favoris ?
Edward Hopper, Vermeer, Piero della Francesca, Rothko, Ingres.

Quels sont vos photographes préférés ?
Nan Goldin, Lewis Carroll, Robert Capa.

Quels sont vos musiciens favoris ?
Mozart, Bach, Purcell et Jean-Michel jarre (non, là, je déconne quand même...)

Quelle est votre qualité préférée chez l'homme ?
L'intelligence

Quelle est votre qualité préférée chez la femme ?
L'intelligence

Quels sports pratiquez-vous ?
Lecture de magazine sur le dos, roulade avant sur herbe tondue et maniement de baguettes au restau japonais.

Seriez-vous capable de tuer quelqu'un ?
Si je suis un peu énervée, oui.

Quelle est votre occupation préférée ?
Lire et écrire. Et surtout, lire ce que j'ai écrit : .) (on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même)

Qui auriez-vous aimé être ?
Gisèle Halimi (raté)

Quel est le principal trait de votre caractère ?
Sociable

Qu'appréciez-vous le plus chez vos amis ?
Qu'ils aient eu la bonne idée de me choisir comme amie, pardi!

Quel est votre principal défaut ?
cyclothimique

La couleur que vous préférez ?
Noir

La fleur que vous préférez ?
Renoncule

Quels sont vos auteurs préférés en prose ?
Jean Rolin, Yasushi Inoue, Balzac, Christophe Honoré et Jean-Philippe Toussaint.

Quels sont vos poètes préférés ?
Apollinaire, Desnos, Sylvia Plath.

Quels sont vos héros dans la vie réelle ?
Pierre Mendès-France (ben oui, c'est tout ce qui me vient, là...)

Quel est votre mot favori ?
Incarnadine (rouge tirant sur le grenadine)

Que détestez-vous par dessus tout ?
Trahison et manipulation.

Quel est le don de la nature que vous aimeriez avoir ?
Les mensurations de Elle Mac Pherson, j'avoue, cela me ferait assez plaisir...

Croyez-vous à la survie de l'âme ?
Oui mon capitaine!

Comment aimeriez-vous mourir ?
Vieille et entourée

Etat présent de votre esprit ?
Torpeur joyeuse

Bon, s'il y en a qui veulent apporter leur contribution et même si l'exrecice est un peu désuet, mon forum les accueillera avec plaisir...

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vendredi 13 juin 2003 à 10h53
L'important c'est la rose
18h: Antoine est censé m'appeler pour aller au ciné. 18h15: no news. Je supporte pas les gens en retard (même pour un coup de fil...)

Gwen, elle, en revanche, m'appelle. Me propose de passer au journal pour ensuite prendre un pot avec Bertrand. Après tout, pourquoi pas? On verra bien si Antoine se manifeste...

Arrivée au journal, Gwen me propose qu'on dîne ensemble. Bertrand ne reste pas "Y'a Hollande dans 100 minutes pour convaincre". On l'engueule avec Gwen... Il préfère Hollande à une soirée avec nous, charmant! En même temps, on sait très bien qu'à chaque fois qu'une émission politique est programmé à la télé, faut plus compter sur lui. C'est sa marotteNous arrivons néanmoins à le corrompre pour un verre de blanc.

C'est le moment que choisit Antoine pour rappeler. J'annule donc et lui suggère de regarder Hollande à la place. "Ah ouais, bonne idée" me répond-t-il. Nous en restons là parce que je n'ai pas envie de m'énerver.

Dîner avec Gwen qui a (encore!) un nouveau Jules. Mais c'est vrai qu'elle est particulièrement jolie et avenante. Je lui dis, que, pour ma part, j'arrête d'y penser. Advienne que pourra. On parle du journal, du fait que je voudrais bien y revenir, ce qui est plutôt mal barre en ce moment, vu qu'il y a zéro embauche.

Nous repassons par le journal où "l'équipe de nuit", Ludo et Noé écrit fébrilement. Nous essayons de les pervertir et de les entraîner au café. Peine perdue. On se plaint et dit qu'on se sent vraiment négligées. Ludo, qui n'en peut plus de nos braiements de femelles en détresse, se dévoue sous l'oeil mouillé de reconnaissance de Noé.

Je rentre ensuite chez moi à pied. Coup de fil à Antoine. Je suis un peu pompette alors je lui raconte n'importe quoi. Que je suis perdue, les clodos de la gare d'Austerlitz, les voitures qui passent très (trop) vite devant l'Institut du Monde Arabe, le pont, désert, le vent qui souffle fort ce soir. Je lui dis que je l'aime beaucoup. Il me répond que lui aussi, mais comme un père répondrait à sa fille un peu trop capricieuse, une espèce de tendre exaspération... J'ai un peu bu et ça le fait rire. "Je l'entends tout de suite à ta voix, quand tu t'es lâchée sur le Bordeaux..."

Le long de l'arsenal, je croise deux copains du PS. On se dit que c'est trop bête de se croiser comme ça et on décide d'aller papoter. On parle politique, engagement, difficulté de recruter des militants... Et je m'aperçois que ça me manque vachement tout ça... Je n'ose pas leur demander si je peux assister à la prochaine réu.

Il est deux heures. Je rentre. Penny Lane à la radio. Les Beatles devraient être remboursés par la Sécu.

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vendredi 13 juin 2003 à 16h38
Trip moscovite
Je me suis surprise tout à l'heure en train de siffloter du... Gilbert Bécaud! Ma pauvre Aubépine, il faut sérieusement envisager de te faire soigner, là...

Oui, mais c'était pas n'importe laquelle... C'était "Nathalie"... Vous savez : "La Place Rouge était vide... Devant moi marchait Nathalie... Elle avait un joli nom, mon guiiiiideu!!! Naaaaaathalie..."

Ca m'a rappelé mes vacances à Moscou.

Avec des copains, on avait décidé de se faire un tour d'Europe. Chacun choisissait une ville où il voulait aller. On avait donc fait Moscou, Berlin (ça, c'était mon choix) Amsterdam et Madrid.

Je ne sais pas si vous êtes déjà allé à Moscou. Bon, comment dire? J'y passerais pas ma vie (déjà une semaine, c'était duraille...)

Imaginez: vous restez bloqué devant le moindre panneau parce que, évidemment, l'alphabet cyrillique, on peut pas dire que vous maîtrisiez. Les rues font toutes, minimum, 5 kilomètres de long et les stations de métro sont distantes d'au moins 20 minutes les unes des autres.

Reparlons en des rues justement... On comprend mieux pourquoi les agences comme Elite ou Ford viennent s'approvisionner là bas en chair fraîche. Les filles font, au minimum, un mètre 75 (sauf celles qui sont gymnastes, denrée également répandue) avec des jambes interminables et des ventres plats comme un paysage belge. Au bout de trois jours, l'idée de commettre un génocide vous traverse vaguement l'esprit.

On habitait une auberge de jeunesse sise au 50ème étage d'un immeuble stalinien. Le gardien vendait sous le manteau une vodka redoutable dont le goût hésitait entre le Destop et la Javel. Le deuxième jour a marqué la fin de nos tentatives gastronomiques: suite à l'ingurgitation d'un beignet à la viande acheté à un vendeur à la sauvette, Karim nous a fait une intoxication alimentaire et nous a contraints, jusqu'à la fin du séjour, à bouffer Mac Do (je note au passage que les Big Mac sont plus costauds là bas qu'ici...)

Un soir, en rentrant de boîte, nous nous sommes retrouvés au beau milieu d'une baston de clodos qui s'envoyaient des.... briques à la figure.

Franchement, je comprends pas pourquoi TF1 s'obstine à envoyer ses "aventuriers" à l'autre bout du monde pour Koh-Lantah... Moscou ferait un terrain de jeu des plus palpitants.

Bon, je caricature un peu là, parce qu'à Moscou, il y a des trucs canons. Le tombeau de Lénine, par exemple. Ca, ça vaut le détour: telle Blanche-Neige dans son cercueil, vous faites le tour de Vladimir Illitch, cerné par des militaires armés jusqu'aux dents (des fois qu'il vous viendrait à l'idée de piquer une rognure d'ongle du père de la NEP) Les musées sont tout bonnement magnifiques et les russes, une fois que vous avez brisé la glace qui entoure la vodka, sont plutôt des gens sympas. Je passe sur les vendeurs de CD pirate, dont vous remplissez votre sac à dos à mort (au moment de passer la frontière, vous faites déjà moins le malin, les douaniers russes n'étant pas réputés pour leur sens de l'humour...)

Surprise au détour d'un cimetière: la tombe de Staline est fleurie. Bof, et puis après tout... Y'a bien des présidents français pour entretenir celle de Pétain...

"La Place Rouge était vide... Devant moi marchait Nathalie..."

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lundi 16 juin 2003 à 09h08
Ma soirée avec Tallulah: l'intégral
Pour ceux qui liraient nos forums régulièrement (les malades), ce n'est pas un mystère que Tallulah et moi nous sommes vues vendredi soir.

RV est pris à Châtelet. Le thème de la soirée, "Hype and Glamour", m'angoisse un peu... Comment s'habiller Hype and glamour??? Je m'inquiète d'autant plus, que, au téléphone, Tallulah n' a pas l'air de s'en faire le moins du monde à ce sujet. J'opte finalement pour une jupe noire à fines rayures tennis avec un haut noir à manche chauve-souris et petits talons.

Tallulah est à la bourre mais elle a eu la délicatesse de prévenir, attention suffisamment rare pour être notée. Elle arrive, toute de noire vêtue et la conversation s'engage directement sur les attraits de cette couleur. Si je suis un peu intégriste en la matière ("Le noir, y'a qu'ça de vrai"), son jugement est un peu plus nuancé.
Nous prenons un verre dans un café où elle a ses habitudes, puisque, apparemment, la serveuse la connaît très bien.

Il y a des gens avec lesquels on est naturellement à l'aise. Tallulah est de ceux-là. On parle de tout, comme si on s'était séparées la veille. Les noms qui ponctuent notre conversation nous sont familiers: Romain, Antoine, Charlotte, Justine... Pas besoin de faire des rappels, on sait qui c'est. La conversation roule toute seule, sans temps mort. Même si j'ai l'impression de plus parler qu'elle... Je me demande à plusieurs reprises si je ne la saôule pas trop. Avant d'oublier, il faut préciser, à l'intention de ses lecteurs, que Tallulah est uine fille très jolie. Des yeux verts très clairs qui attirent naturellement le regard et une grâce indéniable.

La discussion se poursuit dans le métro où nous parlon de ces filles agaçantes qui pèsent 40 kilos toutes mouillées et vous gonflent en vous parlant de leur cellulite. Dans la rame, deux mecs écoutent notre discussion. Je me dis qu'ils doivent penser qu'on est de vieilles copines...

Se doutent-ils qu'on se connaît depuis moins d'une heure?

Après moultes péripéties (notre sens de l'orientation à toutes les deux est très limité), nous arrivons à la soirée, dans une superbe maison en bordure de Paris. Elle y connaît une personne et moi zéro. De la rue, nous entendons des voix. Nous flippons de rentrer mais profitons de l'arrivée de trois personnes pour s'engouffrer dans le jardin.

La présentation au maître des lieux est hasardeuse puisque, pour dire les choses sans ambages, nous nous sommes incrustées. Pour compenser, nous brandissons les bouteilles que nous avons apportées. Puis, nous nous posons dans le Hall où les platines sont installées. Beaucoup de mecs trentenaires, les filles ont l'air plus jeune. Pour le glamour, on repassera. Nous sommes les deux filles sapées de la soirée. Le reste de la gent féminine hésite entre le style Deschiens et le style Flashdance (mention spéciale à la jeune personne affublée d'une mini blanche avec haut eighties qui laisse voir le sous-tif violet qui ne doit plus soutenir grand chose et la coupe que même le chanteur d'Indochine il ose plus la porter...)

Ca ne danse pas trop et des micros groupes de deux, trois personnes se forment. Entre temps, Tallulah a retrouvé Nicolas. Le type a l'air plutôt sympa. C'est sans compter son débit verbal qui fait passer les chûtes du Niagara pour un pauvre ruisseau. Il parle, beaucoup et surtout, de lui. La soirée se remplit et Nicolas parle toujours.

Nous bougeons vers le jardin, Nicolas en tête. C'est là que nous retrouve son pote Stéphane, aussi largué que nous -il ne connaît personne. Dans la nuit, je ne vois pas bien à quoi il ressemble. Mais il est sympa, nous pose des questions. Il s'embarque dans une conversation avec Tallulah pendant que Nicolas m'entreprend sur l'âge d'or du Gibus. Après quelques vaines tentatives, j'arrive à raccrocher les wagons et à m'immiscer dans la discussion avec Tallulah et Stéphane. Mes pieds commencent à me faire horriblement souffrir (putain de talons à la con) La position debout me pèse carrément et pas un centimètre carré n'est libre pour s'asseoir. Je regarde Tallulah genre "on y va?"

Elle approuve. Je m'en veux un peu en me disant que, peut être, je lui saborde sa soirée. Malgré ses dénégations, je ne suis pas totalement sûre de sa volonté de partir. Nous décidons de prendre un taxi. Sur le chemin, elle se fout gentiment de moi. Elle me signale que, pendant que je parlais à Stéphane, je me suis détachée les cheveux et passer la main sur la gorge: "Clairement les signes d'une invitation sexuelle." Je rougis... Mince, il faut que je me surveille, moi...

Comme il est tard et qu'elle habite loin, je lui propose de rester dormir à la maison. Envie de prolonger la conversation. Nous allons boire un dernier verre au Plein Soleil, en terrasse. Il fait bon. Nous parlons des journaux que nous aimons, de nos motivations. J'ai un peu honte parce que j'ai la dent beaucoup plus dure qu'elle sur certains textes. J'ai le sentiment qu'elle écrit vraiment pour elle et je sais qu'elle est sincère quand elle me dit que le journal lui permet de pallier sa mémoire parfois un peu défaillante. Pour preuve de sa bonne foi: elle ne connaissait pas l'existence du classement par popularité...

Nous rentrons chez moi. Mon appart' est dans un état honteux. Un vrai taudis. Franchement, j'ai honte... Tallulah ne dit rien et me rassure en me disant que chez elle, c'est aussi le souk. J'ai du mal à croire que la situation de son intérieur soir aussi catastrophique que la mienne. Nous papotons de nos familles. Je suis étonnée: elle se souvient du prénom de chacun de mes frères et soeurs (alors que j'ai des amis de 10 ans qui s'emmêlent encore les pinceaux...)

Il est près de 3h30. Nous nous endormons. Je prie pour que mon canapé ne soit pas trop inconfortable....

Le lendemain, je la réveille (la pauvre) au rythme de France Inter. Nous prenons un petit dej' en papotant. Une chose me rassure: je ne suis pas la seule, quand je me douche, à mettre de l'eau partout (grand sujet d'engueulade avec mon père: "Mais??? Tu ne sais pas prendre une douche ou quoi????") Décidément, on a pas mal de, points communs...

Nous prenons un verre à La Palombe, face au square. Il fait beau. On ne parle pas forcément beaucoup. Non pas parce que nous n'avons rien à nous dire, mais voilà... Avec les gens avec qui on est bien, on ne s'embarrasse pas de protocoles.

Retour à la maison. On tombe sur la rediffusion du Bachelor et dissertons sur l'éviction de cette pauvre Sandra qui l'a joué tout sauf stratège. Je me demande comment, après cet affront, elle pourra affronter le regard de son boulanger, au moins pendant trois mois...

Tallulah retrouve des amis au métro. On se dit à bientôt. Parce qu'on espère bien se revoir... Moi en tout cas.

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lundi 16 juin 2003 à 14h08
Aubépine ne dit rien mais n'en pense pas moins...
"Les enfants s'ennuient le dimanche". J'aime bien cette chanson de Charles Trénet qui sert également de générique au film de Truffaut, "L'argent de poche".

Moi, je m'ennuie le dimanche soir. Je déteste rester seule alors qu'une looooooongue semaine se profile à l'horizon. A peine rentrée chez moi, je propose un verre à Colin au Plein Soleil.

Nous nous retrouvons une demi-heure plus tard. Il a passé une bonne partie du week end avec Antoine, à se balader, aller au ciné.

Coup de fil d'Antoine justement, qui se propose de nous retrouver. Je suis toujours gênée quand Antoine appelle et que nous sommes ensemble, Colin et moi. Comme si nous le trahissions un peu. Car c'est vrai que notre principal sujet de conversation, quand nous sommes tous les deux, c'est Antoine.
Colin me demande d'ailleurs de lui raconter comment je suis tombée amoureuse d'Antoine. Le simple fait de le raconter me rend heureuse (ce qui, parrallèlement, m'inquiète un peu.)

"Je sais pas comment expliquer. Il est arrivé dans ma vie comme ça, en août dernier. Et très vite, je me suis dit "c'est toi. C'est toi que j'attendais. Tu en as mis du temps pour venir. Mais c'est pas grave. Parce que maintenant, tu es là."" Je ris nerveusement. Comme pour m'excuser auprès de Colin de ma niaiserie. Je lui raconte la visite nocturne au Louvre, quand, en face d'une vierge à l'enfant de Botticelli, j'ai ressenti comme une fusion devant autant de beauté. Nos respirations se sont accordées. Et j'ai senti plein de petits fils électriques qui tissaient entre nous des liens désormais indestructibles. (je tiens à dire que ce texte a été écrit sans abus de quelque substance illicite que ce soit). Je lui raconte le soir où je lui ai dit que je l'aimais sur le Pont des Arts (qu'est ce que je peux être cliché, moi...) et que j'ai eu droit à un "pour l'instant je sais pas" comme réponse. Je lui dis Antoine, qui, lors d'un de nos premiers dîners dans un restau indien, me crache son thé à la figure parce que je l'ai fait trop rire. Je lui raconte le shopping chez Agnès B. Son hésitation devant trois tonnes de chemises, qui, à mon sens, étaient foncièrement identiques. Je lui raconte mes pleurs aussi, parce qu'il y en a eu beaucoup. Je lui raconte ma honte, ma haine et ma peur. Ma peur qu'il n'y ait que lui fait comme ça, pour moi, quasiment sur mesure...

Colin se tait. Me laisse parler. Antoine surgit au coin de la rue. Et j'ai encore tellement de choses à lui raconter à Colin. Tellement de choses... J'ai envie de lui dire que, voilà, "Antoine, je l'ai aimé si fort que je pensais qu'on passerait notre vie ensemble." J'ai envie de lui dire, que, parfois, dans la salle de bain, j'ai chuchoté mon prénom, accolé à son nom et que ça sonnait très joli. J'ai envie de lui dire que j'ai peur de ne pas être tout à fait guérie, qu'il faut qu'il m'aide. J'ai envie qu'il m'explique ce que c'est exactement un homosexuel, parce que moi, y'a des trucs que je ne comprends pas, que je ne perçois pas. Je veux qu'il me dise que ce n'est pas moi, que ce n'est pas ma faute. Je voudrais lui dire que j'ai déjà imaginé un dimanche avec lui chez mes parents, dans 5, 10 ans. Lui, à regarder avec mon père ses bouquins d'art, moi à papoter avec ma mère en jetant un oeil sur nos enfants. Je demanderais à Colin "si on avait des gamins, ils seraient comment tu crois? Blonds aux yeux bleus et dodus comme moi ou brun aux yeux noisettes et filiformes comme Antoine?"

Mais je ne dis rien de tout ça. Parce qu'Antoine arrive et nous raconte son dimanche. Je sors toute seule de mes délires pour mieux me concentrer sur le film qu'il a vu tout à l'heure et qu'il me résume.

"Les enfants sont tristes le dimanche..."

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lundi 16 juin 2003 à 14h41
Après-midi people
Mon Dieu! Et dire que j'allais oublier de raconter ça!

Samedi après midi: sortie avec Lily pour acheter nos déguisement pour la fête. Elle a besoin d'un tissu avec un imprimé fraise. Quant à moi, j'ai besoin de trois tonnes de popeline pour faire la Vierge Marie. Mais une question existentielle m'a taraudée toute la semaine... La Vierge est-elle en bleu ou en blanc? Après avoir récolté moults avis, j'avais un nombre de réponses différentes assez colossales. Je consulte des bouquins d'art. Marie est autant représentée en bleu qu'en blanc. Mince.

Dernier recours: ma mère, qui à un "Question pour un champion" spécial théologie mettrait tout le monde KO.

"maman, Marie, elle est en bleu ou en blanc?"
-"Hum. Eh bien en fait ma chérie, tout dépend. Car, si l'on s'en réfère aux textes du Nouveau Testament....
-OUI, BON, MAMAN, elle est en bleu ou en blanc??????????
-C'est pour quoi faire?
-Un déguisement.
-... (silence éloquent genre "pourquoi ma fille ne se déguise-t-elle pas en Wonderwoman ou en Maya l'Abeille???")
-Hohé???
-Oui, oui, je suis là, je suis là... En bleu.
-Merciiiii...
-T'aurais pu trouver autre chose quand même...
-Arrête Mamounette! Marie c'est d'la balle atomique!"

Après ce dialogue à la profondeur hautement philosophique, nous partons, Lily et moi pour le marché Saint-Pierre. Antoine m'appelle et se propose de nous rejoindre.

Sur l'air de "Young Americans" de David Bowie, fenêtres grandes ouvertes et hurlements hystériques, nous mettons le souk dans le quartier de la Goutte-d'Or. Les riverains nous regardent, l'air de se demander, si, pour fêter le début de l'été, Delanoë a décidé d'ouvrir les portes de Ste Anne.

Arrivées près du théâtre de l'Atelier, nous voyons, sur le trottoir, Claude Rich, dos à nous en grande conversation. Mue par je ne sais quel élan groupiesque, je beugle: "ON T'AIIIIIMMMMEEEEE!!!!!!!!!" Lily démarre en trombe en m'engueulant copieusement.
Après nos courses (Antoine se fait enguirlander par une vendeuse parce qu'il s'est assis sur des rouleaux de tissus), nous nous apprêtons à sortir quand je vois ma copine Anna, en train de regarder également des coupons. Doutant que la fièvre de la couture se soir emparée d'elle, je vais la voir. Effectivement, elle a aussi une soirée déguisée. "Y 'a Antoine" je lui dis. "Aaaahhhh" me fait-elle car elle ne l'a encore jamais vu. Le choc des Titans a lieu:
"Bonjour"
"Bonjour"
Et moi au milieu "Anna, Antoine, Antoine, Anna"
Nous allons prendre un verre en terrasse. Antoine chuchote: "Ne vous retournez pas mais derrière, je crois que c'est Stone de Stone et Charden."
Evidemment, Lily et moi faisons un violent volte-face avant de beugler "AH OUAIS, C'EST ELLE!"
Et d'entonner en choeur: "L'aaaaaaaventurraaaaaaaaaaa! C'est la vie que je mène avec toaaaaaaa! L'aaaaaaaventuraaaaaaaaaaa!"
Antoine ne sait plus où se mettre.
Nous on rigole comme des bossues...

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mardi 17 juin 2003 à 11h45
La déca-danse
Journée normal que celle d'hier.

Marianne a confirmé qu'elle avait pris les places pour le ballet de Prejlocaj au théâtre des Champs-Elysées. C'est Roméo et Juliette. J'ai hâte de voir ça. Car autant je déteste la danse classique (à force de bâiller, je me suis quasi décrochée la mâchoire à une représentation du "Lac des Cygnes") autant j'adore la danse contemporaine que je trouve beaucoup plus "sensible" et humaine.

Non, en fait, je crois que ce qui m'a vraiment dégoûtée de la danse classique, ce sont les représentations de fin d'année du conservatoire de ma ville. Comme on avait pas mal de copines qui faisaient de la danse, on était plus ou moins obligées de s'y rendre, en bande, lorsqu'on était au collège. Même si petite, j'étais assez menue, ma mère n'a jamais voulu que j'en fasse (je ne l'ai pas suppliée non plus, il faut bien l'admettre...) "Franchement, Aubépine, la danse, c'est un sport de pétasse." m'a-t-elle dit, en CE2, quand, en début d'année scolaire, au moment de choisir l'activité sportive, j'avais vaguement effleuré l'idée. C'est la première fois que j'ai entendu ma mère dire un gros mot. Et le jour où Mat, maigrichonne comme tout, est revenue de son cours en pleurant parce que sa prof avait dit à sa mère qu'il faudrait qu'elle fasse un régime (à 9 ans!!!!), ma mère n'a pas caché sa colère.

Du coup, j'ai fait du tennis, et franchement, je ne l'ai pas regretté. Au tennis, pas besoin d'un arsenal : une raquette ça suffit. Pas besoin de faire classe, légèrement hautaine. Au tennis, tu cours, tu gueules, tu te défoules. On se mesure aux autres, mais d'une façon saine. Parce que je me souviens des remarques de mes copines le lendemains des cours de danse, après examen minutieux de l'anatomie de leurs camarades dans les vestiaires.
"Stéphanie, elle va devoir arrêter... T'as vu ce qu'elle a pris comme seins?" "Je comprends pas pourquoi c'est Sandra qui a le rôle principal dans Gisèle. Elle danse comme un pied. Au-cu-ne grâce... Tout ça parce que son père est l'adjoint du maire..."

Et encore, là, c'est soft...

Bref, revenons à ces représentations. Avec Justine (que ses parents avaient collé au piano...), on savait qu'on allait se taper la poilade de l'année. Avant de partir, mon père, toujours charitable, nous lançait: "Alors, vous allez voir les boudins dansants?"

Non pas que les étoiles postulantes soient toutes des thons, mais c'est vrai que la grâce, c'était pas leur domaine. Faut dire qu'elles n'étaient pas aidées par les costumes cousus avec amour par quelques mères bénévoles qui regretteraient toutes leurs vies de ne pas avoir été la nouvelle Sonia Rykiel.

Ainsi, pour une chorégraphie sur le Boléro de Ravel, elles avaient déboulé en tutu rouge, avec une mantille qui ressemblait plus à un vieux bout de chiffon et un body rouge également à pois noirs. L'ensemble tenait plus de "L'envol de la Coccinelle" que du Boléro. Comme il ne s'agit pas ici de ruiner la vie de ces ballerines, on ne parlera pas du "Sacre du Printemps" où les tulles roses, jaunes et bleus se partageaient la vedette avec des couronnes de fleurs en plastique, précairement fixées sur le sommet de leur crâne.

Inutile de dire que, entre mon sport de brute et l'activité de salon de Justine, les Pietragalettes nous prenaient de haut. N'empêche, quand nous en reparlons aujourd'hui avec Justine, ça se finit souvent en crampes au ventre, conséquence d'un fou rire inextinguible.

Vous comprendrez que j'ai de sérieuses raisons de ne pas apprécier plus que ça la danse classique...

Autre chose: hier soir, je matais un film sur Arte duquel j'ai décroché au bout d'une heure. Je zappe (erreur fatale!) et tombe sur Delarue. Le thème "J'ai 30 ans et je cherche un mari". Beuh... Ca m'a foutu le cafard. J'espère bien ne pas être comme ces filles là à 30 balais: hargneuses, agressives, limite anti-mecs... J'appelle Antoine, déprimée, chose que je ne fais jamais d'habitude (j'ai l'impression que cela lui passe bien au dessus)

Bizarrement ce coup de fil, en plus d'avoir explosé mon forfait, m'a fait un bien fou. Antoine était rassurant, prévenant, attentif. Je ne badinais pas comme d'habitude, ni même revancharde ou cynique. J'étais juste moi, un peu trouillarde, un peu paumée...
Je me suis souvenue de ce que m'a dit Colin: "Antoine, il ne te viendra pas en aide spontanément. Mais si tu l'appelles, il vient direct."

Je m'étais foutue de lui sur le coup, lui demandant s'il ne le voyait pas encore avec les yeux de l'amour. Mais non. Une fois encore, Colin avait raison.

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mardi 17 juin 2003 à 16h31
Il est si Bowie...
Avec Antoine, nous avons des opinions très arrêtées sur certaines choses. Et parfois, coup de bol, ce sont les mêmes.

Par exemple, nous sommes loins d'être des ayatollah de la musique, néanmoins, nous considérons que les gens qui n'aiment pas David Bowie n'ont rien compris.

Ecoutez Life on Mars. Franchement, qui peut rester insensible à une aussi belle musique, à des textes limpides, à la poésie simple. C'est d'ailleurs la seule fois que j'ai été émue par une pub de la Poste (faut dire que ça change du beaufisant "Y'a pas marqué La Poste ici" avec des acteurs de seconde zone...)

"Young Americans", c'est la chanson qu'on écoute à plein volume, dans une voiture, fenêtres grandes ouvertes. Ou alors pour les réveils en fanfare...

"Space Oddity", c'est pour les fins de soirée, avec ses vieux copains en finissant la bouteille de Fitou qui traîne, le plat de pâtes à cinq heures du matin quand la faim se met à vous tenailler bizarrement.

"Suffragette city" se sifflotte lors d'une soirée entre filles quand on a soudainement envie de danser, d'une façon nerveuse et incontrôlable.

"Heroes" : Chanson des départs en vacances avec son amoureux ou des coups de blues qui tombent sans prévenir. Parce que ça fait du bien de se dire que "we could be heroes just for one day"

Et puis "Ashes to ashes", et puis "Ziggy Stardust" et puis "Absolute Beginners"...

Je me relis et me dis que je ferais une piètre critique musicale...

Ca tombe bien, c'est pas mon boulot...

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mercredi 18 juin 2003 à 09h08
Paris-Nantes
Hier soir: projection en avant première d'un film vers St Germain. Je m'y rends avec Antoine. Nous prenons un verre rue de Buci avant la séance. Je n'aime pas du tout, mais alors pas du tout ce quartier. Mais bon, au niveau pratique, c'est ce qu'il y a de mieux.

Nous faisons un saut à la Librairie Taschen. Nous feulletons ensemble les bouquins d'art, d'archi et de photos. C'est peut-être l'activité que je préfère partager avec lui, faire le tour des librairies. Nous avançons au même rythme entre les rayonnages, nous faisant part mutuellement de nos trouvailles. Au moment de passer en caisse, il n'est pas rare que nous découvrions que nous avons acheté, en douce, un livre pour l'autre. Le dernier qu'Antoine m'ait offert est un simple poche, les essais de Dorothy Parker, un de mes auteurs favoris. Pareil, nous ne nous rendons jamais les livres que nous nous prêtons. Je garde chez moi le dernier Boyd et aussi un livre de Duby, interview fleuve sur sa vie, sa perception de l'histoire. Chez lui, il a à moi les Portraits sans retouche de Françoise Giroud, le Fusil de Yasushi Inoue et Aimer à peine de Michel Quint.

Le film est pas mal. La musique surtout est splendide. Du Bach, du Mendelssohn, du Dvorak. Le tout joué au violoncelle, mon instrument favori.

Nous traversons la Seine pour aller prendre un verre. A ce moment, je pense au poème d'Apollinaire "Vienne la nuit/ sonne l'heure/ les jours s'en vont/ je demeure."

J'ai le sentiment, depuis quelques jours, que nos rapports se détendent, que tout va mieux, s'arrange. Je lui propose de partir en vacances avec moi et des amis en vacances dans ma maison de famille en Bretagne. Il accepte avec enthousiasme: "Ca me fait super plaisir. Tu peux pas imaginer... Mais, tu te sens pas obligée de me proposer?" Non. Je fais ça parce que j'en ai envie aussi.

Nous glosons sur la visite de Nantes qu'il ne connaît pas. J'aime cette ville parce qu'elle est jolie et qu'on doit vite s'y ennuyer quand même. Il a l'air content de la découvrir. Je lui parle du Cours Cambronne qui ressemble au Palais-Royal, en presque plus joli. Je lui parle de La Cigale où on ira déjeuner et du Passage où ont été tournés des passages de "Lola" de Jacques Demy. On ira à la mer, peut-être à La Baule et jouer au tennis, à côté de la maison. Je lui parle du jardin avec les pins et la dune où on peut s'allonger avec un bouquin pour faire la sieste. Des chars à voile qu'on pourra louer. J'évite toutefois de lui parler de mon goût pour le mini-golf (alors que je suis nulle. Je fais systématiquement mes points en huit coups) et évite de mentionner que j'ai assommé ma cousine l'année dernière en tentant un swing qui aurait fait rougir de honte Tiger Woods.

On fait des projets et ça fait du bien.

Il note au passage qu'on ne sort pas assez. Je proteste. "Oui, d'accord, on sort, me dit-il, mais on va au ciné, faire des expos, boire des verres... On ne rencontre pas de gens nouveaux. T'aimes bien danser pourtant..." Oui, j'aime bien danser mais le préviens que si c'est pour m'emmener à la Loco, il faudra qu'il compte sur quelqu'un d'autre... Nous nous mettons d'accord sur la Flêche d'Or.

Rentrée vers une heure du matin. A la télé (zapping obligatoire avant extinction des feux), "La Maison du Dr Edwards", en hommage, je présume, à Gregory Peck. L'un des premiers Hitchcock quej'ai vu, vers 10 ans, avec mon parrain,grand cinéphile devant l'éternel. Film passionnant, même si les ficelles sont parfois un peu grosses, sur la psychanalyse.

Ca me rappelle la blague pourrie (mais qui, je l'avoue, sur le coup m'avait fait mourir de rire) de Jérôme samedi soir.
"Sigmund était tout-à-fait pour la Freud dans le métro."

On a les amis qu'on mérite...

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mercredi 18 juin 2003 à 17h13
Consternant
Pas un soir de libre depuis le début de la semaine...
Tout ça pour s'apercevoir que je n'ai rien de prévu pour vendredi soir...
C'est malin ça...

Possibilités:

1-Appeler Justine voir si elle est aussi désoeuvrée
2-Appeller Antoine voir s'il est aussi inactif
3-Me colleter à Koh-Lantah (situation à envisager en dernier dernier recours...)
4-Aller au ciné toute seule (ô joie...)
5-Ranger chez moi (option qui vient finalement après le matage de Koh Lantah)
6-M'occupper de ce foutu déguisement
7-Faire le pilier de bar en finissant à parler à Raoul, routier.
8-Lire ce roman que je traîne depuis des semaines sans arriver à franchir la page 12
9- Mater la Nuit du Chasseur en DVD en s'enfilant honteusement un pot de glace au Speculoos.
10- Option combinatoire: appeler Lily, faire ensemble le déguisement en matant Koh-Lantah puis faire les piliers de bar avec Raoul.

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jeudi 19 juin 2003 à 10h46
Furieuse
Le texte passablement long que je venais d'écrire est passé à la trappe, victime de je ne sais quelle forfanterie...

J'essaierai de le réécrire plus tard (pourtant, il le dit bien à chaque fois, Sylvain "écrivez d'abord sous Word") mais d'abord, je vais aller casser la gueule de mon voisin qui écoute Yellow Submarine en boucle depuis ce matin, 9h.

Ca me clamera peut être les nerfs...

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jeudi 19 juin 2003 à 16h01
Anatole
Me voici donc condamnée à réécrire, à peu près, le texte effacé ce matin.

Je voulais parler de mon oncle, Anatole. Anatole a treize ans de plus que moi et il a été l'idole de mon enfance. Dès mes trois, quatre ans, il me baladait partout avec lui, chez ses potes, à ses répèt' de musique... De sa part, je pense que c'était plus stratégique qu'autre chose. Y-a-t-il meilleur attrappe-nana qu'une blondinette de quatre ans, plutôt affectueuse? D'ailleurs, quand ma mère me laissait aller avec lui à ses concerts dans des salles municipales pourries, vers 5-6 ans, il y avait toujours une de ses groupies pour s'occupper de moi pendant ses prestations scéniques. Elles essayaient souvent de me pervertir à coups de Carambar Caramel, me posant des questions auxquelles j'avais beaucoup de mal à répondre : "Et alors, il y a beaucoup de filles qui l'appellent Anatole????"

Anatole m'aimait beaucoup, même si ce qu'il préférait, c'était me faire bisquer. Avec ses copains, ils m'appelaient "La naine". "J'emmène la naine" disait-il à ma grand-mère alors que je l'attendais déjà, frétillante, dans le hall pour aller faire je ne sais quelle course sans grand intérêt. J'étais la mascotte de ses copains et j'avais le droit de regarder les James Bond avec eux en buvant des litres de Coca, même si ils ont fini par demander grâce: ne comprenant que dalle aux aventures de Sean Connery, je les saôulais de questions. J'avais le droit d'assister aux répèt' (mais interdiction de taper sur la batterie). J'étais chargée d'une mission bien précise d'ailleurs: descendre alerter ma grand-mère quand la bouteille d'Oasis était vide et la plaquette de Galak finie.

Ma mère m'a dit, qu'avec le nombre d'accidents que j'ai eus avec Anatole, j'ai de la chance d'avoir le cerveau encore intact. Selon elle, il aurait eu un bon petit accident de vélo alors que je me trouvais sur son porte-bagage. Il m'a roulé dessus aux sports d'hiver alors qu'il était sur une luge. Enfin, il m'a assommée avec le mat de sa planche à voile. Bien que maman insiste sur le fait que ces épisodes m'ont fait beugler comme un cochon qu'on égorge, je ne me souviens de strictement rien. C'est sans doute ce qu'on appelle la mémoire sélective...

Le gros atout d'Anatole, c'était aussi son copain Clément. Clément ne m'a jamais appelée la naine, et il me rendait mon ballon quand Anatole, pour me mettre en rogne, le maintenait hors de ma portée. Je disais à qui voulait l'entendre, en l'occurrence, ma grand-mère et ma mère surtout que j'épouserai Clément quand je serais plus grande. Projet qui n'avait l'air de les ravir ni l'une ni l'autre. Quand je savais que Clément était chez mes grands-parents, je faisais un cirque de tous les diables pour que mes parents m'y emmènent. Arrivée, je faisais la coquette: "Regarde Clément, j'ai mis ma plus jolie robe pour toi." La "jolie" robe en l'occurrence, c'était une robe à smocks en liberty rose et blanc. Mes goûts en matière de robe ont changé depuis, je vous rassure.

Je n'ai plus vu Clément à partir du moment où je n'ai plus été gardée par ma grand-mère. Nous nous sommes revus quand Anatole s'est marié. Lui même venait de convoler. Il venait d'avoir une petite fille. Il avait voulu l'appeler Aubépine mais sa femme s'y était opposée parce quelqu'un qu'elle n'aimait pas s'appelait ainsi. J'avais quinze ans. Une petite dizaine d'années s'était écoulée depuis la drnière fois qu'on s'était vus. J'avais eu le temps de changer et lui aussi. Il avait un peu forci, plus triste aussi. Je l'ai évité toute la journée. J'étais troublée. Qu'est ce qu'il avait du me trouver collante quand j'étais petite, tout le temps agrippée à lui, à lui seriner qu'on se marierait... Forcément, 10 ans ont beau avoir passé, on se sent quand même un peu conne...

Il m'a invitée à danser pendant la fête, "ben alors, toi, tu me snobes maintenant, Aubé?" Il n'a jamais été foutu de dire mon prénom en entier. Nous dansons sur un slow quelconque. Ca me fait bizarre. Je me sens toute engoncée. Je voudrais lui dire "Tu sais, hein, bon, je t'aimais quand j'avais cinq ans... Enfin, c'est ce que je disais... Enfin, là, présentement, je t'aime pas quoi..." En fait non, je voudrais juste lui demander s'il se rappelle d'avant... Il me prend de vitesse : "Alors qui m'a supplanté dans ton coeur? Tu m'as pas été fidèle très longtemps, toi..." Malgré moi, je chuchote: "oh, quand même, si..." La danse finie, nous rejoignons notre table. Nous croisons mon père qui lance à Clément : "Tiens! Mon gendre refait surface!"

Je relis mon texte. Punaise, c'est d'un nostalgique... Sûrement le verre de Bergerac de midi qui me joue des tours...

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jeudi 19 juin 2003 à 17h37
Play-list d'une fin d'après-midi brumeuse
1-U2 : Sunday Bloody Sunday (Live in Ireland)

2-Pulp: Bar Italia (Different Class)

3-Elvis Costello : Alison (Every song tells a story)

4-Blur : Girls and Boys

5-Françoise Hardy: Comment te dire adieu (1962-1993)

6-William Sheller : Vienne

7-Jamiroquai : King for a day

8-Divine Comedy : Perfect Lovesong (Regeneration)

9-Romy Schneider : Les choses de la vie

10-Léo Ferré : Avec le temps

11- Paolo Conte : Via con me

12-U2 : With or without you (remix de Daft Punk)

13-The Beatles : Here comes the sun

14-Diane Tell : Si j'étais un homme

15- David Bowie + Ute Lemper : Port of Amsterdam

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vendredi 20 juin 2003 à 09h17
Chansons en tout genre...
J'écoute "Le Sud" de Nino Ferrer sur mon ordos.

Ca me rappelle l'année de sixième où le prof de musique s'escrimait à nous le faire brâmer. Ca ressemblait aux petits chanteurs à la Croix de Bois sous ecstas. On détestait cette chanson. Maintenant, je la trouve plutôt jolie.

En parlant de chanson, j'ai envoyé un mail hier à Antoine. Il n'avait pas la pêche , s'inquiète quant à son avenir. Je lui ai donc écrit un petit mot pour lui remonter le moral. En gros, je disais qu'il était le plus intelligent (ce qui est loin d'être faux...), quelqu'un de fantastique et qu'il allait très bien se débrouiller. Je concluais en disant que j'avais entendu par hasard la chanson de Stephan Eicher, "Pas d'ami comme toi" et qu'elle m'avait faite penser à lui. Les paroles de Philippe Djian en fait (que je préfère de beaucoup en parolier qu'en écrivain). Voilà ce qu'elles disent :

Quand tu traverses la pièce
en silence
que tu passes devant moi
je regarde tes jambes
la lumière
tombant sur tes cheveux

Quand tu t'approches de moi
ton parfum
me fait baisser les yeux
et si tu touches mes mains
je m'arrange
pour ne pas y penser

Je n'ai pas d'ami
comme toi
oh no no no
pas d'autre ami
comme toi

Je comprends mieux le monde
en t'observant
je crois que j'y vois plus clair
je n'ai pas trouvé la clef
du mystère
mais je m'en suis approché

Je n'ai pas d'ami
comme toi
oh no no no
pas d'autre ami
comme toi

Ne te lasse pas de moi
j'ai encore
beaucoup à découvrir
mais danse autour de moi
j'abandonne
si tu danses autour de moi

Oh no no no...

Je n'ai pas d'ami
comme toi
oh no no no
pas d'autre ami
comme toi

Je ne pense pas qu'il est idiot et, au cas où il ne connaissait pas cette chanson, il a dû aller chercher les paroles sur le Net ou ailleurs. Toujours est-il qu'il a lu mon mail mais n'y a fait aucune allusion... En relisant le texte de Djian, je me dis que le contenu est un peu ambigu... Bof et puis après tout... J'aimerais bien qu'on m'envoie des mails comme ça à moi...

Toujours autour de la musique, nous avons discuté avec Lily de la beauté des textes de Pulp. Lily me fascine : elle prétend qu'elle a toujours été nulle en anglais. N'empêche, elle connaît par coeur un nombre de chansons anglo-saxonnes assez impressionnant pendant que moi, je suis encore en train de chanter en yahourt. Et celle que je connais par coeur, il faut encore que j'en comprenne le sens... Par exemple (histoire de me coller définitivement la honte...), j'ai cru pendant très longtemps que "Sunday Bloody sunday" était une chanson pour la prévention routière. Genre critique des "dimanches sanglants" sur les routes lors des retours en week ends... Oui, je sais, fallait la trouver celle-là... Si je vous dis en plus (dans un tout autre registre) que je pensais jusqu'à il y a deux ans que le Montenegro était un pays d'Amérique du Sud.... Et jusqu'à l'hypokhâgne, j'ai cru que Pic de la Mirandole était une montagne italienne... Donc je pense que pour les sélections de question pour un champion, je repasserai dans quelques années...

En parlant chanson, j'ai toujours pas réussi à mettre la main sur un quelconque programme de la Fête de la Musique, celui de Zurban étant un véritable foutage de gueule de 4 pages... L'année dernière, j'avais été écouter Vincent Delerm au Palais-Royal puis un groupe de copains (du metal, mon Dieu...) pour finir par la batucada de la place Ste Marthe.

Eclectique, non?

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vendredi 20 juin 2003 à 15h43
Merci cher Lecteur (trice????)...
Qui a eu pitié de moi et m' a envoyé un lien vers le programme de la Fête de la Musique...

Bref, je vois déjà un peu plus clairement ce que je vais faire demain soir...

Comme à chaque année avec Justine, on commencera par s'égosiller un bon coup avec les Tigresses Diachroniques, place des Vosges. Ce sont des nanas, chanteuses accordéonistes qui reprennent des standards, type Gainsbourg, Ferré, Fréhel, Montand et tout et tout. A chaque nouvelle chanson, elles distribuent les partoches au public. Evidemment, il n'y en a jamais assez pour tout le monde, mais ce n'est pas la foire d'empoigne. Quand on a réussi à en arracher une, on partage avec son voisin et les discussions se créent (pas trop quand même parce qu'après, on se fait engueuler que personne ne chante...) OK, c'est pas top hype, mais l'ambiance est sympa. Le public est assez varié...

Après : hésitation. Concert de Matthieu Boogaerts ou pas? J'ai peur que Juju fasse la tronche et que moi, au bout de 10 minutes, je commence gentiment à somnoler dans mes petites ballerines Le Coq Sportif (ce détail était-il réellement indispensable? Réponse: Non...) On risque donc de vadrouiller au Petit Bonheur La Chance en évitant soigneusement le 5 ème où les petits bourges d'Henri IV vous assomment avec des reprises de Noir Désir à tous les coins de rue...

Alors peut-être Gotan Project, et le bal qui suit au Palais-Royal???

Antoine tente de m'engrainer au Batofar... Si c'est pour retrouver le lectorat de Nova Mag au grand complet, j'avoue que cela ne me branche que moyennement...

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lundi 23 juin 2003 à 10h48
Trombones et Profiteroles (et non pas Délices et Orgues...)
Chaque année, c'est pareil... Je me fixe un programme pour la Fête de la Musique et, à l'arrivée, cela n'a plus grand chose à voir...

Nous nous retrouvons avec Lily et d'autres. Première mauvaise nouvelle: ils décident de mettre le cap sur St Michel. Franchement, écouter des mecs de quinze ans gratter du Led Zep ou jouer les Rolling Stones sur leur Bontempi ne me motive que moyennement... Nous nous séparons donc et je retrouve Jérémy chez qui la Fête de la Musique éveille des envies de meurtre. Nous prenons un verre sur le boulevard Beaumarchais. Coup de fil de Justine qui n'envisage de bouger que vers minuit.

Je me retrouve donc à écouter un concert de rap plus que bien. Des jeunes du 20ème, soutenus en force par tous les mecs de leur quartier. Les textes sont très beaux, travaillés et ils ont la patate communicative. J'ai beau être seule, cela ne me gêne absolument pas, moi que cela effraie habituellement. Ils sont une dizaine à se succéder au micro, à se répondre, à improviser pendant près de deux heures. Le temps passe très vite et je me surprends à me dire qu'il faudra que je passe au rayon rap la prochaine fois que je vais à la FNAC...

Justine appelle et me dit de me magner. Ils suivent une fanfare vers Ledru-Rollin. Sur la route, les premiers signes de déliquescence se font sentir. Je compte un mec endormi à l'arrêt d'un bus, un autre vautré sur un passage-clouté et une fille en train de rendre ses tripes sur la devanture d'une boulangerie. Rue de la Roquette, une minette de 16 ans, bien bourrée pleure sur l'épaule d'un clochard: "Putain, j'ai pas un centime, mais crois bien que si j'avais de la thune, je t'en aurais donné... Tu me crois, hein, tu me crois, hein..." Le clodo semble un peu dépassé par les événements. Il la réconforte en lui disant "Oui, oui, c'est gentil, y'a pas de soucis, y'a pas de soucis..." Surréaliste...

Je retrouve Ju, son copain ainsi qu'Hector, un de leur pote avec qui, jusqu'à présent, j'entretiens des relations plutôt frisquettes. On dirait qu'il se fout toujours de ma gueule. Mais là, il faut croire que la Fête de la Musique marque une trève.

Très sympa, il m'entraîne pour danser sur l'air de Capitaine Flamme joué au trombone. Malgré deux marchages sur mon pied et un bras qui passe à 3 mm de mon nez, on s'amuse comme des fous. La fanfare se sépare et nous continuons par un bal rue Trousseau. Ju et son copain reste derrière pendant qu'Hector et moi pogotons joyeusement sur la musique de Pulp Fiction, éclaboussés par la bière qui jonche les trottoirs. Antoine m'appelle pour me dire qu'il est au fond de son lit, malade. "J'entends rien, je te rappelle tout à l'heure", je lui réponds.

A côté, un type me demande, "C'était un coup de fil business ou sentimental?" "Business". Du coup, il m'invite à danser, profitant du fait que ce salaud d'Hector se soir éclipsé ("C'est super mal élevé de répondre au téléphone quand on est avec quelqu'un " me rétorquera-t-il peu après) Pas de chance, mon cavalier me parle à 3 cm du visage, l'haleine chargée de 1664, le postillon allègre. Au bout de deux minutes, je regrette de ne pas être équipée d'essuie-glaces. Justine, me voyant me débattre sonne le rappel.

Nous enchaînons avec un groupe africain. Ju et moi en profitons pour nous prendre un punch tellement chargé que nous le sentons s'acheminer dans les dédales de notre ventre. Je commence à avoir mal aux jambes et les psalmodies du chanteur, si elles sont plutôt drôles au début (la fête de la Bière à Münich, racontée par un Ivoirien, ça vaut le détour) commencent à me lasser au bout d'un moment. Sur un rythme très lent, il raconte plein de trucs type, sa visite à son oncle Lucien. Ca donne : "J'ai pris la ligne7/direction Mairie d'Ivry/ J'ai changé à Chaussée D'antin/ Le métro était blindé...." Au bout d'un moment, on prie pour qu'il arrive ENFIN chez son oncle... Oui, bon, j'avoue, je suis pas très branchée "Musiques du Monde"

Heureusement, vers 3h30, l'appel du ventre se fait sentir chez certains. On décide d'aller grignoter un truc. La serveuse nous informe qu'ils ne font plus que les desserts... Cet endroit est un véritable pousse-au-crime! Vous comprendrez aisément que j'ai été contrainte de commander des profiteroles...

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mardi 24 juin 2003 à 13h55
Grains de beauté
Visite chez le dermato qui m'intime de faire enlever mes grains de beauté.
"C'est obligatoire? " demandé-je
"Recommandé" réplique le fidèle disciple d'Esculape.

C'est bizarre, mais ces grains de beauté partis, je ne me sentirai plus tout à fait moi.

Je pense à celui, situé sur mon genou droit.

Je pense aux quatre qui forment un losange sur mon épaule.

Il y a aussi le minus, au creux du décolleté.

Ceux qui parsèment mes coudes.

Celui que tout le monde ne voit pas, à la naissance du bras.

Celui fiché sur le dos de ma main.

Celui sur la paume, tout petit, qui ressemble à une trace de chocolat pas effacée.

Et puis, celui que j'ai sur la tête. Seuls mes parents savent à quoi il ressemble. On voit distinctement sur les photos, quand j'étais nourrisson et pas encore dôtée de cette tignasse bouclée.

"C'est "vraiment" obligatoire?"

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mercredi 25 juin 2003 à 12h15
My tailor is rich...
Contrairement à mon anglais lacunaire...

Ca y est! J'ai enfin dégoté une location en Italie pour Marianne, Anna et moi... La description a l'air plutôt chouette, le proprio sympa... L'appart', plutôt bien situé, non loin du centre de Florence...

Seule question : le propriétaire m'informe qu'il y a quelques "scraftsmen" dans le quartier...

Mais qu'est ce qu'un scraftsman????? Est ce que c'est ennuyeux s'ils sont plusieurs?

Je suis tenaillée par l'angoisse et me maudit d'avoir vendu pour un prix (pas vraiment d'ami...) mon Robert and Collins à Hugo...

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mercredi 25 juin 2003 à 14h10
Let it Be et roquette.
Les vacances et le départ en Italie se précisent. Je profite du dej' pour foncer à la trattoria à côté du bureau et rêvasser en pensant à cette semaine toscane.

Let it Be en fond sonore, je fais l'inventaire de mon vocabulaire en italien. Constat effrayant : il est très limité sauf en ce qui concerne le registre alimentaire. Ce qui est en soi une bonne nouvelle : on ne crèvera pas de faim. Je connais le nom des légumes, des viandes, des desserts, sais demander de l'eau plate, gazeuse, en carafe, peux réclamer l'huile d'olive, des gressins supplémentaires et l'addition.

Tout le reste, c'est beaucoup plus aléatoire. Et je ne crois pas que les paroles des chansons de Paolo Conte me soit d'une grande utilité à moins que je ne veuille dire "Viens avec moi" (Via con me) ou "une glace aucitron" (un gelato al limone, truc que je déteste en plus...) Reste le titre de ce film d'Ettore Scola, "siamo tanto amati", nous nous sommes tant aimés, et je vois pas très bien dans quelles circonstances je vais bien pouvoir en user... Ah si! Je sais compter jusqu'à dix... Je serai au moins en mesure de commander dix glaces au citron...

La honte quand même... Même si mes origines italiennes remontent à quatre générations, j'aurais pu faire un effort... D'autant que mes parents nous y ont emmenés, mes frangins et moi en vacances dans la botte.

Résidu de mes origines latines : une propension effrayante à parler avec mes mains. J'ai déjà fait le test, tenir une conversation en laissant mes mains derrière le dos... Je craque au bout de trente secondes... Je suis donc la championne du verre de vin renversé malencontreusement sur la nappe immaculée et de la baffe intempestive à un interlocuteur trop proche. Me regarder parler, ça équivaut à assister à un spectacle du mime Marceau, s'il avait la parole...

Je crois pas qu'Anna et Marianne soient meilleures que moi en italien. Ca va finir en un vieux baragouinage, mêlant allègrement réminiscences douteuses du latin, vieux restes d'espagnol et français aléatoirement italianisé...

La Tour de Babel en somme... Et effectivement, personne ne risque de comprendre... Surtout pas les Italiens...

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jeudi 26 juin 2003 à 12h19
mercredi soir
Dîner avec Antoine et Paul, hier soir. Chez Antoine. On va se chercher des pizzas, là où la patronne sert un rosé dégueu en attendant qu'arrive les calzone et autres quatro formaggi... Je profite que Paul passe un coup de fil dehors pour lui siffler honteusement son verre. Trop soif.

Avant, je suis passée rapidement au Virgin de Barbès. Il était 20h et l'endroit, désert. Le rayon des bouquins ne donnait vraiment pas envie à moins de vouloir se coltiner l'un de ces horribles pavés historico-sentimentalo-philosophico-cons dont on nous vante les mérites à chaque début d'été. Au niveau des CD, rien qui me botte non plus. Je me dandine seule sur le dernier Keziah Jones sous l'œil perplexe du vigile qui se demande si ce n'est pas encore une dingo qu'il devra éjecter à l'heure de la fermeture à coups de bombe lacrymo.

Je déguerpis avant. Je retrouve les deux zigs à la pizzeria et nous enchaînons par un saut chez le rebeu. Deux bouteilles de vin + un pot de Haägen-Dasz Cheesecake. Je tente vainement de les soudoyer pour regarder la finale du Bachelor. Mais au bout de dix minutes où j'entends rien de ce que dit Olivier à Muriel mais ou par contre j'ai droit à "Putain, mais c'est pathétique!", "Ouah, dis donc, elle a des purs seins, elle!", je renonce.

Je capitule donc et autorise Antoine à zapper. Ô connerie ultime! Monsieur voulant faire le malin, nous nous retrouvons à regarder Othello (l'opéra) sur Arte... J'ai beau lui expliquer que l'opéra à la télé, c'est nul, rien à faire. Et lui d'enchaîner : "Ce que j'aime beaucoup de Shakespeare, c'est "Le Marchand de Venise"" Décidée à postuler aux rencontres internationales des blagues pourries, je réplique, que, pour ma part, je préfère "La caissière du Shoppi".

Ca ne fait rigoler que Paul (qui tient aussi mal l'alcool que moi...)
Au passage, j'aime beaucoup ce mot "Shoppi". "J'vais au Shoppi". Je sais pas, je trouve que ça sonne...rigolo!

Bon, enfin, après ces considérations shoppisiennes, nous mettons de la musique en finissant la glace, à l'état maintenant carrément liquide.

A 11h30, Paul sonne le rappel. Je prends un taxi parce que je suis flemmarde et que la paye vient de tomber. J'ai droit à un taxi gratiné qui me raconte toutes les "stars" qu'il a prises en courses et les ragôts qui vont avec.

Je vous laisse donc sur un scoop : Smaïn est "la crème des hommes."

Fascinant, non?

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vendredi 27 juin 2003 à 16h05
Made in Italy
Les soldes ont commencé. Ce qui tombe bien, c'est que ça coïncide juste avec le versement de ma paye...

Mais j'ai été assez raisonnable. Un pantalon pétrole Gap avec une jupe blanche à grosses fleurs noires style fifties et une paire d'escarpins chez Benetton.

Enfin, j'ai été raisonnable jusqu'à... ce midi. J'ai eu le malheur de m'arrêter chez Max Mara, le roi du prêt-à-porter italien. J'entre dans la boutique, initialement, juste pour regarder. Et voilà que je tombe sur Lola, une vieille copine, qui y est désormais vendeuse. Après les embrassades et les classiques "qu'est ce que tu deviens", Lola me demande ce que je cherche. "Une robe" je réponds. Ce qui est tout à fait faux, vu que des robes et des jupes, j'en ai à la pelle (je ne suis pas une grande adepte du pantalon...) Lola me sort plusieurs modèles. Me les montre :

"Lola, tu te fous pas un peu de ma gueule? Tu crois vraiment que je vais porter ce truc mini, bleu turquoise et ultra transparent???"
"Faut oser" me répond la bougresse...
"Oui, enfin, y s'agit pas non plus d'effrayer tout le 1er arrondissement..."
Lola soupire et revient avec une robe fendue tout le long de la hanche. Mon regard lui fait reposer l'objet en deux temps trois mouvements...
"Ah, ça, ça devrait te plaire!"
Effectivement, c'est une robe noire, toute simple, col rond avec un décolleté sculptural dans le dos. Elle arrive joliment juste au dessus du genoux. J'essaie. Elle tombe parfaitement, dessine les hanches sans boudiner le ventre.
"C'est pas trop transparent?" je demande
"Bah non, on voit même pas ton string..."
"Comment tu sais que j'ai un string alors???"
"...."
Malgré ce léger inconvénient je prends. A 30%, elle coûte encore près de 100 euros... Mais je me dis que flûte, on n'a qu'une vie.

Ce genre d'achat me fait immanquablement penser à ma grand-mère, que je n'ai encore jamais vu négligée ou mal sapée. Quand j'étais petite, elle m'emmenait faire du shopping aux Galeries Lafayette. Elle connaissait toutes les vendeuses, touchait, comparait les tissus, et en revenait toujours aux mêmes, les créateurs italiens... "Pour la coupe, ce sont les meilleurs" me serinait-elle. Ou encore, "la vraie élégance est italienne". Je ne pense pas qu'elle se trompe. Il y a des vêtements dans lesquels on se sent radicalement différentes, on illumine. Il n'y a pas le moindre détail qui cloche. C'est ce que j'aime bien dans ces marques là.

Le propos peut sembler idiot et futile. Mais, mine de rien, je pense que c'est en accompagnant ma grand-mère dans ce genre d'explorations que j'ai appris à choisir ce qui m'allait bien. A mettre de l'argent dans "une" belle pièce plutôt que dans dix conneries...

Voilà... C'étaient mes pensées hautement philosophiques du jour...

Ah non, autre chose... J'ai reçu un mail d'un lecteur qui me reproche, en gros, de noyer le poisson... De planquer mes soucis, mes angoisses, derrière de la dérision... Bon...

Personnellement, je préfère la dérision aux lamentations, non?

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vendredi 27 juin 2003 à 17h32
I'll never fall in love again…
J'adore cette chanson de Burt Baccharach...

"So for at least unti-i-i-l tomo-orrow, I'll ne ver fall in love again..."

Antoine m'a dit avec des pincettes (les seules qu'il sache utiliser, à savoir, des bonnes grosses pinces à linge de grand-mère) que je devrais peut-être envisager une analyse. "Je suis sûr que tu savais dès le départ que j'étais gay... Y'a peut-être des choses à chercher de ton côté."

Je savais pas très bien comment prendre cette remarque au début. J'ai décidé de mal la prendre. Non que je sois rétive à la psychanalyse mais je trouve qu'il a dégoté là une belle façon de se dédouaner... C'est la faute à l'inconscient d'Aubépine... Comme dirait Cyrano, "c'est un peu court..."

Jérémy en a bondi sur son siège... "Putain, mais t'as que 23 ans... T'es même pas finie encore!!!! T'es une gamine... Pas la peine de te précipiter chez le psy..."

Kate : "Y'a plein de filles qui tombent amoureuses d'un homo... C'est pas pour ça qu'elles sont névrosées..."

Justine : "Il a bon dos, l'inconscient!"

Ce serait mentir que de dire que ces remarques ne m'ont pas un peu rassurée... Je finissa is par croire que, toute cette histoire, c'était de ma faute...

Sur Yahoo : la photo la plus téléchargée aujourd'hui : le footballeur camerounais, mort en plein match. On le voit sur une civière, inerte, un des bras pend et semble traîner sur la pelouse du terrain. Etrangement, les médecins, les soigneurs autour de lui n'ont pas l'air très affairé. Je trouve ça bizarre qu'on puisse envoyer une telle photo... Je me demande quelle peut être la teneur du message l'accompagnant.

Je ne me hasarderai pas à formuler des hypothèses. Ca ne peut être que de mauvais goût...

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lundi 30 juin 2003 à 10h08
Mort
Sortie du ballet d'Angelin Preljocaj, vendredi soir. Une heure et demie de beauté, d'intelligence, d'humanité. Roméo et Juliette ne sont pas seulement les personnages d'une histoire mythique mais deux adolescents qui se consument trop vite d'amour.

Coup de fil de ma mère. "Tu étais où????" Je sens l'angoisse et l'énervement dans sa voix. Le cousin de mon père, le parrain de ma sœur vient de mourir. La mort tombe toujours violemment. Il était venu il y a moins d'une semaine à l a maison.

Je me sens hagarde en rentrant chez moi. Je me sens mal. Pas tant à cause de la mort de Luc (nous n'avons jamais été très proches) qu'à cause de la peine qu'elle va procurer dans mon entourage. A ma cousine, sa fille, à mon père, à ma grand-mère, à ma sœur.

Je demande à parler Papa. "Ca va?" Je lui demande.
"Oui, oui... T'étais où toi, on essaie de te joindre depuis longtemps...."
"J'étais allée voir un ballet..."
"Eh ben, tu t'embêtes pas? C'était bien?"
C'est tout mon père ça... Incapable de laisser filtrer sa tristesse. Tout comme ma sœur d'ailleurs, que j'ai un peu plus tard :
"Ca va?"
"Oui, oui..."
"T'es sûre???"
"Ben oui, j'te dis!"

"Tu sais bien qu'ils sont comme ça" soupire Maman alors que je lui raconte ces conversations et lui dis que j'avais envie de secouer ma sœur, de lui dire que, c'est bon, elle pouvait se lâcher... Maman me dit qu'elle a bien pleuré tout à l'heure... "Avec Béatrice, il faut être là quand les vannes s'ouvrent" me dit-elle. Je n'étais pas là.

C'est dans ces moments là que je me rends compte, que, dans ma famille, il y a ceux qui sont plus "intériorisation" (côté de mon père) et d'autres plus "démonstration" (côté de ma mère). Avec deux autres de mes sœurs et mon frère, nous nous rangeons dans la seconde catégorie : quand on gueule, on fait trembler les murs de la maison. Quand on pleure, c'est forcément les grandes eaux. Toujours à fleur de peau, à exprimer ce que l'on ressent. Mon père et ma sœur sont différents. Pour leur tirer les vers du nez, il est conseillé de se lever de bonne heure. Tout semble glisser sur eux comme l'eau sur les plumes d'un canard. J'ai beau savoir que ce n'est pas vrai, qu'à l'intérieur, ça doit bouillonner, c'est un comportement que je n'intègre pas du tout, moi qui suis dans le "on dit tout tout de suite, on raconte tout pour aller mieux après."

Mes parents ont aidé ma cousine à préparer les funérailles alors qu'ils ne sont pas la famille la plus proche de Luc. Mais je crois que ma cousine est contente de se reposer sur eux. Ma mère et son dynamisme qui lui fait prendre tout en main, même les choses pas forcément agréable. Mon père qui fait preuve d'une "force tranquille" rassérénante certainement dans ces moments là. Maman assure, à la maison, le repas après l'enterrement et aide ma cousine à préparer la messe.

Je dis à mes parents : "Vous êtes des gens biens."
Ils répondent en chœur : "C'est normal"

Je suis pas sûre que ce soit si normal que ça. Au contraire, ce sont des gens assez exceptionnels.

Demain, ils fêtent leurs 25 ans de mariage.

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lundi 30 juin 2003 à 11h59
Journée Shamallow
Quand j'étais petite, j'aurais aimé dormir sur un nuage. Je me disais que ça devait être tout doux, très duveteux, tout moelleux...

Depuis, j'ai pris l'avion et me suis rendue compte que pioncer sur un cumulus relevait de la mission impossible.

Alors je me fais des journées shamallow. Des journées où je m'enveloppe, loin des vicissitudes de l'existence. Cela ne veut pas dire que je m'envoie des shamallow pendant 24 h (d'ailleurs, j'aime pas trop ça, les shamallows...) Mais je ne m'autorise que des activités qui ne m'exposent pas à des choses désagréables.

Je lis donc des livres shamallow : à savoir, des romans de Jane Austen où après moult péripéties, l'héroïne trouve (enfin!) le gars qui lui convient (alors qu'elle est passée à deux doigts d'épouser un gros connard...)

Je regarde des DVD shamallows, avec des histoires incroyables comme des rendez-vous manqués en haut de l'Empire State Building qui donnent lieu à des retrouvailles -les yeux embués de larmes- cinq ans plus tard...

J'écoute de la musique shamallow : "Aimer à perdre la raison/aimer à n'en savoir que dire/à n'avoir que toi d'horizon/ et ne connaître de saison/que par la douleur du partiiiir...."

Sorties shamallow : dormir dans l'herbe des Buttes-Chaumont

RV shamallow : avec Justine, Lily ou Micha, avec qui on peut rabâcher 50 fois le même sujet sans en avoir jamais fait le tour...

Attention, ne pas confondre "journée shamallow" et "journée à la con"! C'est un art, la journée shamallow! Il s'agit pas de se poser devant le Bigdil avec un pot de Nutella familial!

Je me ferais bien une petite journée shamallow aujourd'hui... Mais je crains que cela ne soit mal perçu par mes supérieurs hiérarchiques...

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lundi 30 juin 2003 à 17h20
Fratrie
Alice et Beate sont mes sœurs. Elles sont jumelles et ont six ans de moins que moi. Ce sont de fausses jumelles. Il n'y a guère que Justine pour s'emmêler dans les prénoms (et encore c'est vraiment par pure grosse flemme)

Alice a failli mourir à la naissance. Un jour, avec mon autre sœur Béatrice et mon frère Jacob(le lecteur aura compris que je suis issue d'une famille nombreuse et que mes parents contribuent largement au paiement des retraites...) nous avons trouvé une photo d'Alice à la naissance, prise par mon oncle alors qu'elle était encore en couveuse. Elle avait plein d'électrodes partout, toute palotte... Nous l'avons piquée et la montrions à nos copains en leur demandant au préalable : "Eh t'as déjà vu une photo d'Alien???" Le jour où ma mère s'en est aperçue (la photo d'Alien était devenu une photo culte dans la cours de notre école primaire...), on s'est pris une engueulade que les gens ont du entendre au moins jusqu'à Vesoul...

Les jumelles étaient supers, petites. Avec elles, on pouvait jouer aux enfants abandonnés. Avec Beatrice, on invitait nos copines, on emmaillotait les jumelles dans une vieille couverture et on allait faire la manche dans le jardin, en crachotant comme si on avait la tuberculose. "Il faut qu'on rapporte de l'argent sans ça Papa nous battra ce soir..." (l'imagination débordante, c'est fascinant...)

Au moment du goûter, nous allions taper à la fenêtre de ma mère, en suppliant: "Madame, excusez nous mais nous sommes orphelines... Vous n'auriez pas du pain et du chocolat avec des noisettes dedans???" "Et aussi de la grenadine" rajoutait Beate... Ce à quoi ma mère répondait invariablement : "Les filles, les jumelles ne sont pas des jouets!"

Jacob, lui, préférait les réveiller en sursaut pendant leurs siestes. C'était le moment où il était fan des aventures de Tintin. Au moment où il les savait bien endormies, il déboulait dans leur chambre en hurlant : "DEBOUT LES BACHIBOUZOUKS, MARCHANDS DE TAPIS!!!!!!!" Ce qui évidemment faisait sursauter les deux zygotes et déclenchait des hurlements proches de l'alarme municipale chaque premier mercredi du mois...
Je crois me souvenir qu'il avait aussi tenté d'organiser des combats de jumelles (obligation de parier sur l'une des deux frangines avant le début de la baston...) mais celles-ci étaient bien trop lymphatiques pour que la rixe ait un quelconque intérêt...

Cet âge idyllique a duré jusqu'à un certain soir, où, après avoir été voir Pinocchio au ciné avec elles, nous avons décidé Beatrice et moi, de nous déguiser en Fée Bleue une nuit et d'aller les voir...
"Aliiiiiice...Beateeeuuuu... Nous sommes les fées bleues... Nous pouvons exaucer un de vos souhaits..."
Nous vîmes Alice émerger du haut du lit superposé, les cheveux en pétard, nous lancer :
"Vos gueules les connes, on dort..."
Nous repartîmes dépitées vers nos chambres. Le temps de l'innocence était bel et bien terminé...

Je pense à cela, car, tout récemment, à la fin d'un déjeuner de famille particulièrement pesant (aussi bien sur le plan de la nourriture que de la conversation...), Beate me glissa :

"Heureusement qu'on est plein de frères et sœurs, au moins on rigole entre nous..."

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mardi 1er juillet 2003 à 09h52
Ultra-moderne solitude
Dîner hier soir avec Romain et Tallulah au Lô Sushi, restau designé par Andrée Putmann. Nous sommes répartis autour d'un grand comptoir. Sur un tapis roulant défilent les plats que l'on chope au passage. Devant chaque hôte, un écran plat qui permet de se connecter à Internet ou de chater avec les autres personnes présentes dans le restau.

Tallulah trouve tout de suite à qui parler tandis que Romain et moi ramons un peu plus... Je ne sais pas pourquoi, je me sens très seule. Peut-être parce que la complicité entre mes deux camarades est évidente et que, de fait, je me sens un peu exclue. J'ai envie de pleurer.

C'est à ce moment précis que la petite voix de la déprime dans ma tête se met à me fredonner : "Tu n'es pas très jolie, tu n'es pas très jolie..." (notez que ma voix choisit son moment, entre une soupe miso et un sashimi...) J'essaie de me concentrer sur autre chose pour que la petite voix arrête de me saoûler. Mais rien à faire... Alors je l'attaque de front : "D'accord, c'est peut être vrai que je suis pas très jolie, mais bon, j'ai d'autres qualités quand même!" Elle me répond en se foutant carrément de ma gueule : "Ouais, t'as raison, la beauté intérieure... C'est vachement important, la beauté intérieure..." Je me tais... Elles sont trop chiantes ces petites voix intérieures, à toujours faire les malines...

Nous rentrons. Je décide de regagner mon chez moi à pieds. L'air me fera du bien. Sur le chemin, je croise Jérémy avec sa nouvelle copine. Je note qu'ils se tiennent la main, ce que nous n'avons jamais fait ensemble... Elle est tout le contraire de moi : brune, très mince, typée latine, plus petite, jolie. Jérémy est très gentil : me présente à elle comme "une future très grande journaliste" (lui qui est plutôt avare en superlatifs...). Il me demande comment je vais. J'évite de répondre que, là, à ce moment précis, je me tirerais bien une balle juste après lui avoir demandé pourquoi cela n'avait pas fonctionné entre nous. "Ca va" je dis, sobrement. Et pour me donner une contenance, je commence à raconter de façon très volubile, à grand renfort de mains, le restau où nous sommes allés ce soir. La copine de Jérémy me coupe : "Ah oui ! J'en ai entendu parler! C'est un truc de rencontres!" "Bah... Non... Enfin pas ce soir en tous cas..." répondé-je un peu désarçonnée, sous le regard intrigué de Jérémy. La miss enfonce le clou : "Si, si ils organisent des soirées spéciales..." "Ben pas ce soir..." répété-je rouge comme une pivoine (heureusement qu'il est minuit et que les rues du 4ème sont très mal éclairées) à l'idée que Jérémy puisse s'imaginer que je vais racoler dans des bars à sushis...

Nous nous quittons, et mon moral, tel le Titanic, touche le fond... Dans ma rue, je me fais accoster par un jeune rebeu de 25-26 ans... "Pardon, mais ça fait plusieurs fois que je te vois passer..."
"Oui?"
"Ben tu me plais beaucoup..."
"Ah..."
"J'ai pris sur moi, là, pour venir te voir tu sais... Je te trouve très classe. J'aimerais bien être avec une fille qui a ta classe."
"Ecoutez..."
"Tes yeux sont un océan de bonheur..."
"????"
"Je suis désolée, mais là, j'ai envie de rentrer chez moi... Je suis pas très en forme là..."
"Ben laisse moi te réconforter..."
"Euh non non... Ca ira..."
Je file en me disant, que, de toutes façons, il doit faire ce numéro à toutes les filles du quartier...

Je n'ai pas sommeil. J'allume la télé et tombe (non, je ne "tombe" pas, je sais très bien que c'est le jour et l'heure de ce programme...) sur cette émission débile, "Y'a que la vérité qui compte".
Il rediffuse les meilleurs moments. Un mec de 25 ans demande à sa copine de 17 ans de l'épouser. Elle est toute contente, toute jolie, toute émouvante. Ils ont l'air heureux tous les deux...

Je m'endors en écoutant la chanson de Souchon, "ultra-moderne solitude".

"Pourquoi ces rivières
Soudain sur les joues qui coulent
Dans la fourmilière
C'est l'Ultra Moderne Solitude"

De circonstance...

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jeudi 3 juillet 2003 à 14h16
Mon père
Arrivée tôt ce matin, chez mes parents pour l'enterrement de Luc. Ayant un papier à terminer, je me mets dans le bureau. Et je cède à ma fâcheuse manie : celle de fouiller dans les tiroirs. En 23 ans de farfouille, je pensais en avoir fait le tour. Je tombe pourtant sur un petit carnet inconnu de mes services.

Année 1979. L'écriture est celle de mon père. Il raconte un voyage en Italie avec maman. Résumé succinct où deux thèmes majeurs se détachent : les restaus qu'ils ont fait (avec appréciation à la clef...) et les musées parcourus.

Deuxième carnet : 1970. Papa a 15 ans. Dedans, des noms et ce qui ressemble à des chronométrages. "Drut : 10'52''33" me laisse à penser qu'il s'agit des performances réalisées par des coureurs au cours de championnat d'athlétisme du monde ou d'Europe. Un peu plus loin, le commentaire d'un match de rugby France/Irlande, rédigé dans un style très journalistique. Papa y évoque "des cohortes de supporters irlandais", d'une "équipe de France au jeu honorable"...

Je ne sais pas pourquoi, mais je me mets à pleurer. J'imagine Papa, à quinze ans, en train d'écrire frénétiquement sur son petit carnet, passionné de sport. J'ai l'impression de toucher au plus près de ce qu'il est. Il n'a pas beaucoup changé. Durant les retransmissions de matchs de rugby, il hurle comme un forcené, engueule les joueurs, les encourage quand ils touchent à l'essai...

Je pleure parce que j'aime mon père.

Je pleure parce que je pense à ma cousine, qui, elle, vient de perdre le sien.

Je pleure parce que j'espère que l'épreuve qu'elle traverse me tombera dessus le plus tard possible.

Après la cérémonie, je repars pour le boulot. Papa me serre très fort dans ces bras, avec une intensité qui ne lui est pas habituelle.

"Merci d'être venue" me dit-il.

"C'est normal" je réponds.

On dirait deux personnes qui se font des mondanités. Mais je sais bien que c'est juste la pudeur qui lui interdit d'être plus expansif.

Je voudrais lui dire combien je l'aime. Mais ce n'est ni le lieu, ni le moment, au milieu de tous ces gens qui viennent de dire adieu à Luc.

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jeudi 3 juillet 2003 à 16h25
Le retour du prof
Rêve très étrange l'autre soir. Je sortais avec mon ancien prof (dont j'ai précédemment parlé...) et cela se passait étonnamment bien (alors qu'il n'est physiquement pas du tout mon type...)

Rêve étrange car, au réveil, je me sentais bien. Apaisée, heureuse...

Décidée en ce moment à tout prendre pour un signe (je commande une salade à 7,77 euros, ça doit être mon jour de chance...), je le maile pour lui rappeler qu'on doit se voir pour du boulot courant juillet. Réponse express dans les deux minutes dans laquelle il me reproche de ne pas le tutoyer...

J'ai toujours eu du mal avec le tutoiement. Même avec les gens de mon âge. Quand je rencontre pour la première fois quelqu'un,il est très rare que je le tutoie d'entrée de jeu. Certains trouvent ça guindé. Moi, je trouve ça plutôt respectueux. Il ne s'agit pas d'instaurer une distance hautaine avec son interlocuteur mais au contraire, montrer qu'on l'estime, qu'on fait preuve d'égard à son endroit. C'est quand même mieux que de taper dans le dos de quelqu'un en lui demandant : "Alors, comment vas-tu'yau d'poële???" (à moins que votre interlocuteur, en grand bout-en-train, soit du genre à vous répondre "Et toi...le à matelas???", ce qui est quand même relativement rare...)

Bref, revenons en au fait... Notre prof a l'air plutôt enthousiaste à l'idée de revoir la sémillante Aubépine (une petite page d'autopromo ne nuit jamais, surtout quand il s'agit d'un produit de qualité, telle l'Aubépine...)

Echange de deux, trois mails sur des conneries. Et lui de conclure sur une fin de soirée (après le boulot) dans un bar branchouille du secteur...

D'ici là, je m'interdis toute projection hypothétique (genre "lui, moi, nos trois enfants et notre pavillon Kauffmann et Broad au Vésinet...")

Que sera, sera...

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vendredi 4 juillet 2003 à 12h30
Toute la pluie tombe sur moi...
Si vous habitez Paris, vous n'avez pas pu rater le déluge qui s'est abattu sur la capitale avant hier. Devinez qui était la nouille, sans parapluie, à 10 minutes de la moindre bouche de métro au moment précis où les chutes du Niagara se sont déchaînées???

Vous avez deviné...Mais j'aime bien la pluie. Aimer la pluie, la grosse pluie, c'est un signe de joie de vivre. Le plus bel exemple de bonheur cinématographique, par exemple, c'est Gene Kelly dans "Chantons sous la pluie".

"Raindrops feep fallin' on my head"...

Jacques Prévert et "Barbara" : "Tu marchais sous la pluie, ravie, ruisselante, épanouie..."

Et pourquoi dans les films, les amoureux se retrouvent-ils si souvent sous des trombes d'eau???

Bref, j'étais sous la pluie, ça tombait, tombait. Et je voyais tous ces gens, attendre craintivement que l'averse cesse sous l'auvent des magasins, réfugiés dans les bouches de métro ou sous leurs énormes parapluies.

Certains vous regardent éberlués, d'autre avec un sourire un peu méprisant parce que votre chemise pourrait vous faire aisément gagner le concours Miss T-Shirt mouillé, parce que vos cheveux tire-bouchonnent atrocement, parce que vos chaussures font des gros floc-floc au moindre pas, parce que votre visage ne ressemble plus à rien, rougi et mouillé comme il est...

Mais c'est bon de marcher sous la pluie. Parce que les rues sont désertes, que la ville est pour vous et une poignée de kamikazes de votre espèce. Parce qu'on peut chanter à tue-tête et que personne n'entend rien, votre voix de crapaud couverte par les trombes d'eau...

Dans la vie, il faut savoir se mouiller...

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vendredi 4 juillet 2003 à 16h24
Lundi, la mer...
Hâte d'y être.

Hâte, lundi soir, tard, de me poser sur la plage, de respirer le varech, de sentir le sable sous mes pieds.

Hâte de me balader sur le remblai, tôt le matin, longeant la mer, pour aller chercher le journal.

Hâte de déjeuner à 15h, de dîner à une heure du matin.

Hâte d'écouter la musique que je n'écoute qu'en vacances : un vieil album de Julien Clerc, Nougaro, Ennio Morricone...

Hâte de débrancher France Inter et de passer sans complexe sur RFM ou je ne sais quelle station à la con.

Hâte de faire frire des crevettes dans du beurre demi-sel, les manger accompagnées d'une bouteille d'Entre-deux-Mers.

Hâte de faire la sieste sous les pins.

Hâte du feu d'artifice du 14 juillet et du bal.

Hâte de flâner dans Nantes.

Hâte de me défouler au tennis et de ressortir de la naphtaline ma jupe de compèt'.

Hâte de lire, longtemps, longtemps...

Hâte d'être associable, malpolie si j'en ai envie...

Hâte d'être chez moi...

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lundi 7 juillet 2003 à 10h43
"Je suis la cuisine de Laurent"
Mariage de mon cousin Laurent, en Bourgogne. Ila eu le bon goût d'épouser une jolie Romaine. Qui dit "romaine" dit forcément copains "romains"...

"T'enflammes pas, m'assène direct ma cousine Elisa, elle a plein de copains mais maqués... En revanche, ses copines sont toutes célibataires..."

Bon, je pars donc aux noces, non pas dans l'optique de dragouiller mais bien de m'amuser. La maison est splendide. Après le déjeuner, nous allons faire une partie de tennis (c'est bien d'avoir des nantis dans sa famille...) puis faisons de la barque sur la Saône. Nos cousins étant de vrais muffles, se sont mes sœurs et mois qui ramons tandis qu'ils font les beaux à reluquer les quelques Italiennes qui se sont risquées en maillot de bain dans le fleuve. Follement bucoliques, nous cueillons des nénuphars, nous en ornons les cheveux, mais l'effet n'est vraiment pas très heureux. Nous ressemblons moins à des nymphes sorties des eaux qu'à des filles qui se sont malencontreusement cassées la binette dans une mare....

A l'apéro, je me risque à parler aux amis italiens de Laurent. Mon italien n'étant plus ce qu'il était (mais a-t-il déjà été???), je parle comme je peux, dans un mélange de latin et de français italianisé. C'est ainsi que, pour expliquer les liens qui m'unissent à Laurent, je dis à son ami Giovanni que "Io sono sua cuccina" Devant son air éberlué, je comprends rapidement que je n'ai pas dit que j'étais la cousine de Laurent mais... sa cuisine...

Le soir tombe et les Italiennes sortent les robes de soirée. Je fais de même et décide d'arborer la robe Max Mara, histoire de faire honneur à la botte.

Je danse avec Laurent. Il me regarde un peu bizarrement, mais je mets ça sur son état d'ébriété avancé. Au bout d'un moment, il me lance : "Dis moi Aubépine, c'est moi ou tu es seins nus????"
"Ben... Oui... Ca se voit beaucoup????"
"Je confirme...Mais c'est très joli hein...
Cette satanée robe ayant un décolleté dans le dos, elle se porte sans soutien-gorge... Mais elle est aussi allègrement transparente. Je comptais sur la nuit pour voiler ce léger inconvénient. C'était sans compter les lampions qui entourent la piste de danse et qui ont permis aux invités (enfin, ceux que cela intéressaient...) d'avoir une connaissance approfondie (c'est le cas de le dire...) de la géographie de mon buste... Je récolte au passage quelques regards approbateurs (principalement masculins...) et quelques soupirs exaspérés (principalement maternels...)

A deux heures, je vais me coucher (petite joueuse, va!!!), mise à mal par de trop nombreux verres de Lemoncello et après avoir épuisé tout mon vocabulaire italien (soit assez rapidement...)

Ce soir, départ pour la Bretagne, donc un silence radio à prévoir jusqu'au 15...

D'ici là, portez vous bien!

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lundi 7 juillet 2003 à 17h49
Juste avant le grand départ
Ca y est, dans une heure, c'est parti...

Nous roulerons vers l'Atlantique, Béatrice, Antoine et moi. Gaëlle nous rejoindra sûrement, Jérémy passera peut-être...

J'aime bien les moments juste avant le départ, où c'est un peu le souk, où on a tous l'impression d'avoir oublié quelquechose... Faut encore que je passe au supermarket, acheter de quoi bequeter ("on s'arrête pas" dixit Béatrice. Je me vois mal regimber vu que je ne conduis pas et que, contrarier Béatrice, c'est pas franchement une bonne idée à moins de vouloir s'entendre répliquer que "quand on a pas le permis, on ferme sa gueule...")

J'ai prévu la bouteille de blanc à déboucher sitôt le premier pas posé sur la grève. En passant sur le pont de St Nazaire, j'aurai une pensée émue pour Perceval...

Vivement ce soir et le début de la bulle...

Dej ce midi avec ma mère : "On t'aime mais qu'est ce que t'es chiante!" Elle a l'impression que je vais pas bien. Je lui dis que je suis juste fatiguée. "Non, tu fais la tête" m'assène-t-elle. Bon...

Je croise un de mes anciens profs, rue du 4 septembre. On s'est revus, après mes études, on allait au restau, boire des verres, au théâtre... Là, ça faisait peut être quatre-cinq mois qu'on ne communiquait que par mail. J'aime beaucoup ce type. Son cours était hallucinant, désarmant, il vous retournait, vous obligeait à vous poser des questions sur vous même, genre le cercle des poètes disparus mais en moins con. Ce prof est d'une intelligence et d'une humanité incroyable. J'ai vu des élèves fondre en larmes, non qu'il soit un sadique né, mais parce qu'il réussissait à sortir de nous des choses vraies et violentes. Il avait organisé un dîner avec nous, chez lui, à la fin de l'année. Il avait acheté des tonnes de trucs, du vin excellent, parlé avec chacun d'entre nous. On fouillait dans ses disques, sa bibliothèque, il nous regardait faire en rigolant. Un intérieur de prof, c'est fascinant.

L'année dernière, j'ai organisé un débat, un samedi après-midi. Je l'ai vu débouler, trois minutes avant le début. Seul. Sa présence m'a touchée quand je pense que j'avais eu du mal à réunir dix fidèles amis pour faire la claque (la peur de la salle vide...)

Il y a quelques profs, comme ça, qui vous retourne un peu la vie. Périodes précieuses de l'existence...

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mardi 15 juillet 2003 à 11h57
Rentrée douce-amère
Rentrée de vacances hier soir.

C'était bien. Le soleil qui tape, une pelletée de bouquins, la mer, la vie décalée et dormir, dormir, dormir...

C'était bon de partir avec Antoine. Le matin, nous allions acheter le Monde et Libé dont nous nous faisions mutuellement la lecture, attirant l'attention de l'autre sur tel ou tel article. Nous ne nous parlons pas forcément beaucoup. Mais nous savons que nous sommes là. Ce n'est rien qu'une affaire de présence. Ma sœur nous appelle "le vieux couple" parce que "vous vous engueulez tout le temps mais êtes tout le temps scotchés l'un à l'autre..."

Je les traîne tous les deux à la librairie du Lieu Unique. En douce, j'achète pour ma sœur la fabuleuse BD japonaise Quartier Lointain. Pour Antoine, "Sur la télévision" de Pasolini. Pour moi, un recueil de poésie de Richard Brautigan. En ouvrant le livre, je tombe sur le poème suivant :
"It seemed like years before I
I picked
A bouquet
Of kisses off her mouth
And put them
Into a dawn-colored vase
In
My
Heart
But the wait
Was worth it.
Because
I
Was in
Love."
Antoine m'offre une carte postale sur laquelle deux enfants sur un promontoire tournent le dos à de gigantesques pièces montées et autres babas au rhum perdus dans les nuages. La légende dit "Vue de l'observatoire du mont des gâteaux"

Un soir, le long de l'Erdre : l'alcool aidant, l'eau filant devant moi font naître un petit blues. Antoine me rejoint. Je me love dans ces bras. Dans ces bras là, je pourrais y passer ma vie. Nous ne disons rien. Mais tout comme moi, il se doute que je ne suis pas guérie de lui. Que j'ai du mal. Que le voir se balader toute la journée, torse nu, feuilletant des bouquins ne m'aide pas beaucoup.
Je me surprends à plonger le nez dans ses chemises quand il est dans la pièce à côté, à la recherche de son odeur, une odeur de bois un peu fumé mêlé à son parfum, Egoïste.
Je me repasse en boucle la phrase qu'il m'a lancée un soir : "J'ai beaucoup hésité à ne pas commencer quelque chose avec toi. Je me suis posé beaucoup de questions...Autant de points communs, c'est troublant."

Dîner chez ma tante Claire. Antoine est charmant -"Claire, vous permettez que je vous appelle Claire????" Elle me prend à part dans la cuisine : "Ta mère s'inquiète pour toi, au sujet d'Antoine..." Que suis-je censée répondre? Que, de toutes façons, je me sens très seule et très désemparée face à ce qui m'arrive? Que mes amis ont épuisé avec moi leurs réserves de consolation, de reproches, de mises en garde? Que je sais très bien que je m'enfonce seule, de plus en plus profondément?

Parfois, j'ai l'impression qu'Antoine m'aime petit comme un morceau de sucre candi...

Néanmoins, je le remercie. Je ne me savais pas capable de telles réserves d'amour. C'est bon de savoir qu'on peut donner comme ça, avec le sentiment d'être inépuisable. Même si les récoltes se cantonnent à un copieux lot de souffrances...

Parfois, j'ai peur de faire passer, dans mes écrits, Antoine pour une ordure. Ce n'est pas le cas. Au contraire, c'est quelqu'un de bien. Dois-je lui demander, en plus des siens, d'endosser mes états d'âme?

Quand je parle à Lily, en rentrant, hier soir, de cet amour que j'aimerais bien finir voir par crever une bonne fois pour toutes, elle me répond : "Eh ben, on n'est pas sortis de l'auberge!"

A la radio tout à l'heure : Claude Nougaro : "Il faut tourner la page..."

Bien dit...

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mardi 15 juillet 2003 à 16h34
Faire-part bizarre...
Mon frère hilare ce matin au téléphone : "T'as reçu un faire-part de mariage..."
"De qui???"
"Mathilde ..."
"????"
"Elle a pas d'amis ou quoi pour t'inviter???"
Mathilde a mon âge, la fille d'amis de mes grands-parents. Ces derniers ont toujours tenu à ce que nous soyons copine-copine... Mathilde n'a rien d'antipathique, bien au contraire... Mais voilà... Il y a des gens qui n'appartiennent pas au même monde que vous...
Mathilde et moi sommes à l'opposé l'une de l'autre. Je suis de gauche, elle de droite. Elle catho tradi, moi "progressiste". Elle plutôt rallye, moi, bar du coin... Elle, vieille aristocratie, moi bourgeoisie moyenne.
Nous nous entendons bien parce que nos parents nous ont extrêmement bien élevées toutes les deux. On a toujours eu des choses à se dire, les rares fois que nous nous sommes vues, mais le décalage était toujours palpable. En même temps, je ne serais pas capable de dire à quoi ça tient... Pas la même culture, c'est tout. Je ne sais pas danser le rock à la perfection, mon père ne m'a jamais rien dit quand je chantais à 10 ans "les sucettes à l'anis" en toute candeur et, quoique catholique, je reste très très sceptique devant les miracles de Bernadette Soubirous...

Autant dire que je tombe un peu des nues quand j'apprends que je suis invitée à ses noces. Cela me fait très plaisir, mais me demande bien à quoi je dois cette faveur... La gentillesse de Mathilde, très certainement et tout simplement...

Malgré moi, je ne peux m'empêcher de flairer peut être un coup monté par mes grands-parents. Alors que Mathilde se marie, ils doivent angoisser en ce qui me concerne... Bien que ce soit fort improbable, je les vois bien en train de glisser à la mère de la mariée : "Peut-être Aubépine pourrait-elle venir??? Elle a 23 ans et n'a personne... Elle nous cause bien du souci, plus occupée par son boulot et ses copains que par la perspective de se trouver un conjoint..." Et heureusement, ils ne savent pas que je me suis entichée d'un homo, parce que là, je crois que je décrochais le pompon de "petite fille la plus dégénérée de toute la galaxie" ("Je remercie mes parents et tous mes proches sans qui, jamais je n'aurais pu avoir ce trophée... (sanglots, voix étranglée) Je vous aaaiiime...")

En attendant, je me demande à côté de qui je vais me retrouver à table... Le cousin de 35 ans encore en DEUG de lettres ("Aubépine est très bohème..."), la tante carmélite ("c'est peut-être entrer dans les ordres qu'il lui faudrait à cette petite...") ou la grand-mère sourde ("Elle a une telle logorrhée verbale...")?

D'icic là, j'ai intérêt à demander à un copain de m'entraîner au rock... Ils dansent tous comme des malades là-dedans :" et que je te fais faire un triple lutz à ma cavalière, et que je te la passe par derrière mon épaule... Oooooppsss... Mademoiselle??? Ca va mademoiselle??? " alors que la délicieuse jeune fille est allée finir sa passe en vol plané dans la verrière...

En attendant de valser dans la haute, ciné ce soir avec Antoine. "Nos plus belles années", le film italien en six heures (en deux fois trois heures, je vous rassure, c'est pas le soulier de satin, non plus...) qui a l'air fabuleux. "Nos plus belles années"... Ironie du titre...

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mardi 15 juillet 2003 à 17h49
Florilège
Camille Laurens écrit "Dans ces bras-là". Moi, je dirais "dans ces bras-là..." Trois petits points extatiques.

Dans ces bras-là, je pourrais y rester toute ma vie. Les caresser, les sentir me caresser.

Mais l'état de béatitude, s'il est présent, n'est pas total.

L'étreinte de ces bras-là n'est pas suffisamment forte pour me laisser croire qu'elle durera
toute une vie.

Ces bras-là n'ont pas besoin des miens.

Ces bras-là m'assurent un réconfort tristement temporaire parce qu'ils me sentent au bord de la noyade.

Une fois sur la grève, ils me demandent instamment de retourner au monde.

Ces bras-là semblent avoir la dimension parfaite pour embrasser tout mon corps.

Ces bras-là semblent faits pour moi. Impression fumeuse.

Ce n'est pas dans ces bras-là que je passerai ma vie puisqu'ils ne veulent pas de moi.

Ces bras-là m'entourent mais ne répondent pas.

J'appelle cette nuque, ce cou, de ma bouche.

Tous deux regardent ailleurs, vers l'horizon, où évidemment, je ne suis pas.

Ces lèvres-là attendent autre chose que moi.

Ces yeux-là me voient (bien obligés!) mais ne me regardent pas.

Parfois, j'appelle de mes vœux une attaque nucléaire qui ne laisserait en vie que lui et moi.

Avec l'obligation d'un nouveau départ.

*******

Je dis à Antoine : "Un jour, forcément, je partirai..."
"Pourquoi???""
"Parce que, si un jour, je rencontre quelqu'un, je ne supporterai peut-être pas de t'avoir à proximité..."

********
Antoine : "Tu es une sœur pour moi"
Moi : "Génial, ça me fait une belle jambe..."
"C'est pas un truc que je dis à tout le monde, Aubépine..."
"Encore heureux, non!!!!"
*********
Dans la Ville, il y a un garçon qui aime Antoine. Et qu'Antoine n'aime pas. Un compagnon d'infortune. Sauf que lui a obtenu ce que je n'aurai sans doute jamais...Un baiser.
***********

Je me prépare pour le ciné de ce soir comme s'il était encore possible qu'il se passe quelque chose. Je m'inspire une pitié sans fond...

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mercredi 16 juillet 2003 à 10h34
La dernière séance?
Ciné avec Antoine, hier soir. On grignote un truc hier soir avant la séance dans un café où la proportion de gays au mètre carré est assez impressionnante. C'est le quartier qui veut ça...

Antoine est en forme, il a des pistes de boulot. Moi, je suis une vraie pile, toute énervée. Je le rabroue toutes les trois minutes pour qu'il se magne parce que, sinon, on va rater les bandes-annonces, et s'il y a bien un truc que je déteste au ciné, c'est rater les bandes-annonces.

Le film : "Nos meilleures années". Un film italien, l'histoire de deux frères dans l'Italie des années soixante à nos jours. Trois heures merveilleuses, de Rome à Turin, en passant par Florence. Je n'arrête pas de pleurer, à moitié à cause du film, à moitié sur moi-même.

Et moi, je fais quoi de ma vie? J'ai l'impression d'être en stand-by, de passer à côté de l'essentiel...J'ai peur de me réveiller vieille en me disant que je me suis plantée sur toute la ligne. En même temps, je ne fais pas grand chose pour changer. Je me suis enfermée dans le confort de l'argent facile et du mec de substitution... Joli programme. Je voudrais bouger, mais je me sens engluée dans une kyrielles de minuscules contraintes qui grouillent et me bouffent.

En sortant du cinéma, Antoine a reçu trois textos du garçon qu'il n'aime pas. "Des déclarations" soupire-t-il. Je plains ce garçon.

"Rappelle le une fois chez toi." Je dis à Antoine.
Il soupire. "Non, je veux pas lui laisser croire quoi que ce soit..."
"Il faut répéter les choses pour qu'elles entrent dans nos têtes..."

Je ne peux m'empêcher de noter la cruauté poétique de la situation. Ce soir, à Paris, un garçon et une fille qui ne se connaissent pas ont mal à cause d'Antoine. Lequel des deux l'aime le plus? Est ce que cela s'évalue tout ça, de toutes façons?

L'orage gronde au loin. Dans le métro, la chaleur est insupportable.

Je rentre par la rue Oberkampf. Coup de fil à Lily. "Si tu m'appelles à cette heure-ci, c'est que quelque chose ne va pas..."
"Mmmm...."
"Antoine..."
"Ben oui..."
"Tu l'aimes..."
"...."
"Je vais pas te jeter la pierre..."
Lily aussi vit une histoire compliquée avec un mec qui, pour l'instant, a refusé ses avances, mais ne cesse de l'appeler tout le temps, de la voir tout le temps... Différence notable entre son histoire et la mienne : le sien est hétéro (ce qui limite quand même considérablement les difficultés...)

Je dis à Lily que je veux partir à l'étranger, loin de tout ça, que c'est indispensable, que je suis en train de devenir parfaitement cinglée, que mes crises de claustro reviennent (salut les filles!), qu'il faut que j'aille me construire ailleurs...
"En somme, tu veux fuir... C'est pas ton genre pourtant..."
"Je fuis pas, mais...."
"Si, excuse moi, c'est ça... Et qu'est ce que tu vas faire ailleurs? Cristalliser sur Antoine? Etre encore plus mal parce que tes amis ne seront pas là??? "
"Non, mais..."
"Tu vois, Aubépine, je n'ai qu'une chose à te dire : il faut que tu te ressaisisses. Vous avez passé une semaine de vacances avec Antoine. Le lendemain, vous vous faites un ciné. Il faut que vous vous voyiez moins... Ce n'est plus possible!"
Je sais très bien que Lily a raison. Nous ne nous sommes délibérément pas vus avec Antoine durant 5 mois. Bilan : état stationnaire en voie de dégradation... Alors, ça veut dire quoi? Ne plus voir Antoine pendant 10 mois, un an, deux peut-être?
Je ne m'en sens pas le courage en ce moment...

Jusqu'à 23 ans, je ne savais pas que la faiblesse faisait partie de mes traits de caractère....

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mercredi 16 juillet 2003 à 15h50
Georges Perec, pardonne-moi!
Je me souviens de la première fois que j'ai vu Antoine. Il y a presque un an, à la terrasse d'un café.

Je me souviens qu'il n'avait pas beaucoup parlé, nous écoutant en riant, Paul et moi, déblatérer sur l'Ile de la Tentation.

Je me souviens qu'il s'était moqué de moi, quand toute la bande était venue dîner à la maison parce que ce que j'avais fait était, il faut bien l'avouer, carrément dégueu...

Je me souviens qu'il disait toujours que j'avais un prénom très joli.

Je me souviens que nous voulions tous les deux devenir architectes quand nous étions petits.

Je me souviens qu'il ne m'a pas tout de suite tapé dans l'œil.

Je me souviens l'avoir trouvé rapidement le plus beau du monde.

Je me souviens du regard hilare de mes collègues quand je partais aux toilettes avec mes fringues de rechange en fin de journée parce que nous sortions le soir.

Je me souviens d'une visite nocturne au Louvre où nous voulions tous les deux, une énième fois, revoir les salles de la Renaissance italienne.

Je me souviens que je suis tombée amoureuse de lui en l'écoutant me parler des tableaux. A moins que ce ne soit en le regardant feuilleter des livres dans une librairie.

Je me souviens de mes amis qui me disaient qu'il ne voyait que moi.

Je me souviens d'avoir été énormément à découvert pendant cette période là.

Je me souviens de m'être demandé ce qu'il fabriquait cette andouille à ne rien tenter...

Je me souviens lui avoir effleuré la joue mal rasée en rentrant très tard, un soir, dans un taxi qui nous regardait dans le rétro.

Je me souviens qu'il me prêtait toujours des livres beaucoup trop intellos pour moi mais que je n'osais refuser de peur de passer pour une demeurée.

Je me souviens qu'on marchait beaucoup dans Paris.

Je me souviens qu'il aimait beaucoup la Rive Gauche, et moi, beaucoup la Rive Droite.

Je me souviens de notre étonnement à nous être rencontrés.

Je me souviens d'avoir écrit à ma copine japonaise No, que ,ça y est, cette fois, j'avais trouvé le bon.

Je me souviens, deux semaines plus tard, d'avoir du lui envoyer un petit rectificatif.

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jeudi 17 juillet 2003 à 11h15
Comment Aubépine obtint (d'une façon qui ne l'honore pas) un autographe de Jean-Seb d'"A la recherche de la nouvelle star"...
Dîner chez Justine hier soir, en compagnie de Fred qui vient de trouver un boulot sur Paris.

Fred et moi sommes sortis ensemble il y a trois ans. Comme d'hab', la durée de vie de cette relation a été relativement brève. J'étais un peu trop dépensière à son goût, il écoutait trop Bobby Woomack pour moi... N'empêche, nous nous revoyons toujours avec plaisir. La brièveté des histoires a ceci de positif : je suis restée très amie avec la plupart de mes anciens copains...

Justine et moi lui avons fait remarquer qu'il était désormais à ranger dans la catégorie des "petits bâtards"... Je m'explique : avant, Fred était tout sauf un dragueur. Il sortait avec quelques nanas, envisageant des relations plutôt à long terme. Il a suffi qu'il change de ville pour ses études pour se transformer en véritable Don Juan qui malmène le cœur des filles et se comporte avec beaucoup plus de légèreté. Cela prouve aussi qu'il a pris confiance en lui, ce qui n'est pas un mal.

Je rentre assez tôt chez moi, vers 23h. Je n'ai pas sommeil et propose un verre à Colin. Nous nous retrouvons 10 minutes plus tard.dans un bar d'Oberkampf Il y a un nouveau serveur ultra mignon, que je rappelle plusieurs fois pour des conneries ("Vous auriez un cendrier?", "je peux avoir une paille?", "Y'a un supplément sur les cacahuètes après deux heures du matin?"). Colin se marre. Nous parlons un peu d'Antoine. Colin me déconseille de partir. "tu irais où?"
"Allemagne ou USA..."
"Pour faire quoi?"
"... Je sais pas, je trouverai bien..."
"Si tu pars juste pour Antoine, c'est idiot... C'est le genre de problème qu'il faut régler sur place..."
Je lui dis qu'Antoine me considérait comme sa sœur. Colin, ce serait plus son grand frère. "Il essaie de se construire une famille." C'est vrai.
Avec Colin, j'aime bien discuter. Avec lui, j'arrive à prendre de la distance par rapport à tout ça... Il sait écouter... Il comprend.

On parle des homos. Je lui dis qu'en ce moment, j'ai un peu tendance à en voir partout...
"Arrête, faut pas dramatiser non plus..."
"Ben le serveur, là, par exemple..."
"Je sais pas... Faut voir..."
Je le rappelle sous un prétexte encore plus fallacieux que les précédents ("Excusez
Moi, mais c'est bien un volume de Ricard pour 5 volumes d'eau???")
"Alors?" me demande Colin...
"Je dis non..."
"Aaaahhh... Pas si sûr..."
"Oh là là, je suis trop nulle. Faut que tu me donnes des cours..."
Le café est quasi désert. Il est deux heures du matin...
"PUTAIN? MAIS C'EST JEAN-SEB!!!!!!!" hurlé-je soudain...
"Un pote à toi?" répond placidement Colin.
Je soupire. Pour ceux qui, contrairement à moi, mais comme Colin, ne passent pas leurs vies à mater des conneries à la télé, Jean-Sébastien est un des participants de "A la recherche de la Nouvelle Star", le "Star Académy" de la 6.
Il est là, avec deux amis. Je pense à Lily qui est fan de Thierry mais a supporté Jean-Sébastien.
"J'lui demanderais bien un autographe pour Lily..."
"Bah vas-y, il a l'air sympa..."
"Oh non... La honte...Colin???"
"Oui???"
"..."
"Ah ouais, tu veux que j'y aille, quoi..."
"Steplaît..."
"Bon, d'accord... Il s'appelle comment déjà???"
"Jean-Sébastien, de "à la recherche de la nouvelle star..."
Je regarde Colin s'éloigner. Il papote un peu avec Jean-Sébastien, rigole même... Moi, je fais mine de me concentrer sur la carte, très détaché, genre "c'est-pas-moi-qu'on-prendrait-à-mater-ce-genre-de-programmes-débiles"
Cinq minutes après, Colin revient avec un mot de Jean-Sébastien...
"Il est hyper sympa!" me dit Colin, fraîchement converti aux joies de la télé réalité...
"Ben justement, je me disais, ça ferait plaisir aux jumelles, un p'tit autographe... Tu veux pas y retourner???"
Sentant que je viens de dépasser les limites, je récupère presto l'addition et invite Colin.
Le serveur nous demande : "Il est connu le type là-bas???"
"Ben oui, je réponds, c'est Jean-Sébastien de à la recherche de la nouvelle star..."
"Euh... C'est quoi ce truc???"
Malgré les grands signes de Colin, catastrophé, je me lance dans une grande explication.
L'air consterné du serveur à la fin de ma tirade ne laisse plus aucun doute : pour peu que j'ai jamais eu un peu de crédit auprès de cet exquis jeune homme, je venais de l'épuiser dans sa totalité en une minute trente...

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jeudi 17 juillet 2003 à 17h36
Où chaque effet trouve sa cause...
Pas trop la pêche ces derniers temps...

DONC difficulté à s'endormir.

DONC décision d'aller au troquet du coin avec Colin plutôt que de ruminer seule chez moi.

DONC entraînée dans la débauche (le café pour une jeune fille, mon Dieu!), je rentre chez
moi à deux heures et demie du mat'.

DONC se lever le lendemain pour aller bosser se révèle très difficile.

DONC j'insulte le pauvre Joël Collado (ou Jacques Kessler, je sais plus...) qui ne m'a rien fait si ce n'est énoncer la météo sur France-Inter

DONC je renverse du Bio Framboise sur mon sac Lancel blanc parce que je petit-déjeune dans le noir (gueule de bois oblige...)

DONC je sais pas de quel côté le porter étant donné que sur l'autre face, j'ai déjà fait une tache d'encre bleue grosse comme mon poing (connards de stylos qui fuient...)

DONC, je sors de chez moi très énervée.

DONC je suis encore plus énervée quand je vois que mon marchand de journaux a décidé de faire la grasse mat'.

DONC, je n'ai rien à lire dans le métro.

DONC j'arrive au boulot vraiment très très énervée.

DONC, énervement+ fatigue, je prépare mal mon interview.

DONC, je ne comprends rien à ce que me raconte celui que j'interviewe.

DONC, je ne comprends rien à ce que j'écris.

DONC mon chef me convoque pour me dire que lui non plus n'a rien compris à ce que j'avais écrit (nous sommes donc deux...)

DONC énervée d'avoir écrit un truc nul, je fais une descente au distributeur (situé juste à côté de mon bureau... Autant me faire Hara-Kiri tout de suite...)

DONC, comme je suis contrariée, j'ai besoin de sucre et me chope un Twix et un Coca (même pas Light...)

DONC, je culpabilise (surtout pour le Coca pas Light...)

DONC je me fume une petite clope (c'est mal mais y'a pas de calories...)

DONC je me fais engueuler par un ayatollah du respect de la loi Evin.

DONC je me dis que, finalement, je partirai jamais aux USA, si c'est pour me faire flinguer à chaque fois que je m'en grille une petite.

DONC je rappelle Lily pour lui dire qu'après mûre réflexion, la France a trop besoin de moi et que je ne partirai pas à l'étranger.

Lily me dit qu'elle n'en a jamais douté.

C'est chiant d'être prévisible...

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vendredi 18 juillet 2003 à 15h41
Au creux de la nuit
Lily et Justine viennent de partir.

Mon téléphone sonne.

C'est Antoine.

Il est tard. Il fait nuit. Ma fenêtre est ouverte. Dans la rue, pas un bruit.

"C'est bon, j'ai mon thé, de la confiture, Chopin sur la platine,je suis sur mon lit, on peut parler..." me dit-il.
Moi aussi, c'est bon : je suis sur mon canapé, clope et cendrier à portée de main, Contrex sous le coude et Mozart en fond sonore.

On parle beaucoup de tout et de rien. En fin surtout de tout...
"J'ai du mal à trouver ma place avec toi, Antoine. Parfois, j'ai vraiment l'impression d'être ta mère. Tu es le plus beau, le plus intelligent, je t'adule en quelque sorte... Et toi, j'ai l'impression que tu me testes constamment, à voir jusqu'où vont mes limites, tout ce que je peux endurer de toi... J'ai l'impression qu'avec toi, rien n'est jamais acquis... Que tu peux partir, comme ça, et que je ne te reverrai plus jamais..."

"Tu sais très bien que je t'aime beaucoup...Que tu comptes énormément pour moi..."

"J'aime pas quand tu dis ça. "Aimer beaucoup" quelqu'un, c'est moche comme expression. On dirait que tu as pitié de moi, que tu me fais la charité..."

"Ben??? Enfin, Aubépine, t'es complètement parano!"

"Mais je sais que je suis nulle moi aussi. A te demander tout le temps si tu m'aimes un peu, à rechercher constamment des marques d'affection, des compliments..."

"D'autant que, quand je te fais des compliments, tu crois toujours que je me fous de ta gueule..."

"J'suis nulle, hein?"

"Ben non, mais c'est sûr que notre relation est particulière. Ca va mettre du temps pour tout aplanir. Alors, forcément, on tâtonne un peu..."

"Mais j'ai l'impression que je ne t'ai pas manqué quand on s'est séparés pendant ces quelques mois. Moi, je me demandais tout le temps ce que tu faisais, comment tu allais, j'avais envie de t'appeler... Toi, j'ai pas l'impression que mon absence t'ait beaucoup perturbé..."

"Mais arrête enfin! Moi aussi, j'avais envie de t'appeler, de partager des trucs avec toi... Mais je savais aussi que je t'avais fait du mal, qu'il ne fallait pas qu'on se revoit tout de suite. Et puis, tu sais, le jour où tu auras quelqu'un, tu vas certainement prendre tes distances..."

"Comment ça?"

"Je suis pas sûr que ton Jules sera enchanté de m'avoir dans les parages..."

"Pour l'instant, je te rassure, c'est pas trop d'actualité..."

"T'en sais strictement rien..."

On a parlé de nous, comme ça, près de deux heures. C'est bon, de se sentir seul au monde, relier à quelqu'un par quelques malheureux câbles France Télécom.

En attendant, Monsieur Orange se frottait les mains en pensant à la facture qu'il allait pouvoir m'envoyer à la fin du mois...

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lundi 21 juillet 2003 à 11h12
Des Mousquetaires aux Buttes-Chaumont.
J'avais prévu de ranger mon appart' : pas fait.
J'avais prévu de me coltiner des lessives : pas fait.

Samedi matin, coup de fil à 10 h : C'est Bertrand. "Bon on déjeune toujours comme prévu???" "Mais, t'es pas un peu malade??? T'as vu l'heure??? On appelle pas les gens à 10 h un samedi matin!!!"
"Les gens, non, mais toi oui... T'es toujours super matinale..."
Pour une fois que j'essayais de faire une grasse mat', Bertrand me la saborde en beauté...
Je sors prendre mon petit dej' au café du coin, Libé et Voici sous le bras. Car oui, j'aime bien lire Voici le samedi matin. C'est moins calorique que les croissants et ça n'encombre pas le cerveau.

Je retrouve Aube et Bertrand à un troquet de la rue Faidherbe. Ils m'ont rapporté un cadeau de leurs vacances, ce qui me touche beaucoup. Un joli porte-clef, bien gros. Ca fait le troisième qu'on m'offre cette année. K. m'en avait offert un (très moche, soyons honnêtes...) et Lily un autre avec mon diminutif dessus. Serais-je une fille à porte-clef???

Ils me racontent leur voyage qui, par certains côtés, n'a rien à envier à certaines scènes des Bronzés. On parle du journal qui me manque beaucoup, de l'équipe, on revient sur cette année si chouette tous ensemble, où on arrêtait pas de rire. Je leur parle de mon impression de moins bien écrire qu'avant. Ca m'inquiète. On parle d'Antoine. Je ne m'étends pas vu qu'il n'y a pas grand chose de nouveau de ce point de vue là...

En rentrant chez moi, je passe par une boutique de créateurs que j'aime bien. Je manque de craquer pour une immense capeline en feutre soldée à 100 euros, noire avec de discrètes petites plumes vertes sur le côté. J'adore les chapeaux, surtout en hiver. Mais bon, je décide d'être raisonnable et d'attendre la semaine prochaine, que ma paye soit tombée. En sortant, je prie pour qu'aucune minette, d'ici samedi prochain, ne s'éprenne de cet improbable couvre-chef (que je n'oserai jamais porter, je le sais pertinemment en plus...)

Antoine m'appelle. Me propose qu'on aille s'acheter des macarons chez Ladurée... Et après, c'est moi qu'il traite de bobo... Franchement, si c'est pas l'hôpital qui se fout de la charité...
Je refuse, objectant une grosse flemme et lui intime (pour une fois que c'est moi qui commande...) de venir vers chez moi.

Entre temps, je passe à la librairie pour me ravitailler. Je me prends le tome II de Quartier Lointain, un bouquin d'Erri de Luca, un autre de Mukarami et un cadeau pour Antoine, un livre sur les Cahiers du Cinéma.

On se rejoint au café. Je lui offre le bouquin. "Ah mince, je l'ai déjà..." me répond-t-il. "Tu peux pas l'échanger?" Non, je ne peux pas l'échanger. J'ai mis une dédicace sur la page de garde.
"Pourquoi il faut toujours que tu gâches tout?" je lui demande.
"Pourquoi tu dis ça?"
"Pour rien, laisse tomber..."
Nous rejoignons Elo pour dîner. Antoine, qui n'est censé rester que pour l'apéro, tape finalement l'incruste au dîner, ce qui m'empêche d'avoir une quelconque discussion de filles avec Elo. On parle religion. Antoine est athée, nous, cathos. Mais pas de la même façon. Je tente de démontrer à Elo qu'on peut vivre sa foi en dehors de l'Eglise, que c'est un acte au quotidien. Elle me dit que d'appartenir à une communauté est primordial.

Au détour d'une phrase, je dis à Elo qu'Antoine n'arrête pas de faire des compliments sur elle, que je ne l'ai jamais entendu parler d'une fille comme ça.
"Elle est jalouse" lui explique Antoine.
Je rétorque que oui.
Elo m'engueule : "Je peux t'affirmer, Aubépine, qu'en ce qui te concerne, Antoine n'est pas avare de compliments...Il suffit de voir comment il me parlait de toi quand vous ne vous voyiez plus..."
Je réponds que c'est dommage, parce que ces compliments ne parviennent jamais jusqu'à moi. En disant cette phrase, je me rends compte que je suis franchement nulle.

Nous rentrons avec le dernier métro.

Le lendemain, je prévois une journée autiste.

Je prends mon petit panier, une bouteille de flotte, une livre d'abricots, des bouquins et roule ma poule jusqu'aux Buttes Chaumont.

Rue de Belleville, je passe devant chez Thomas. Thomas est le journaliste qui m'a prise en main quand j'avais 17-18 ans. "Tu veux être journaliste, eh ben au boulot!" Il m'a montré comment faire une chute, une accroche dans un papier, comment affûter son style.
J'en ai réécrit des papiers sous sa coupe. C'était toujours la quatrième, voire la cinquième version qui était la bonne. La copie revenait toujours, surlignée en rouge. "Là, ça, ça va pas... Ca casse le rythme. Là, ta phrase est trop longue. Tu peux en dire autant en moins de mots. Là, c'et mou, tu as perdu ton lecteur..." Je vous jure, les galères, après, c'était le Club Med à côté...

Thomas fait partie de mes Trois Mousquetaires. Je parlerai des deux autres une autre fois... Les trois personnes qui m'ont communiqué leur passion et ont pris le temps de m'inculquer un peu de leur savoir-faire. Encore aujourd'hui, quand j'envoie à Thomas un exemplaire d'un journal dans lequel je publie, je peux être sûre de recevoir en retour, une copie de mon papier surlignée en rouge...

Aux Buttes, je bouquine, puis décide de terminer ma lecture en terrasse, à Ménilmontant. Les arbres du boulevard perdent leurs fleurs. L'une d'elles termine sa course dans mon thé à la menthe. Elle est blanche et verte.

Je regrette que ma mère m'ait appris le nom des fleurs mais ait négligé de m'enseigner celui des arbres.

Je ne sais pas quel végétal inconnu s'est invité dans ma tasse.

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lundi 21 juillet 2003 à 11h24
Les mots qui parlent.
Je tombe en arrêt devant ces quelques phrases du livre d'Erri de Luca :

"Il y a des créatures destinées les unes aux autres qui n'arrivent jamais à se rencontrer et qui se résignent à aimer une autre personne pour raccommoder l'absence. Elles sont sages.

Moi, à vingt ans, j'ignore les étreintes et je décide d'attendre. J'attends la créature qui m'est attribuée. Je suis attentif, j'apprends à parcourir en un instant les visages d'une foule. Certaines méthodes enseignent la lecture rapide des livres, moi j'apprends à lire une foule au vol.

Je la passe au crible, je la rejette tout entière, pas un grain de ces visages ne reste sur ma rétine. Je sais toujours qu'elle n'y est pas, celle qui m'est attribuée. (...)

Attendre. C'est mon verbe à vingt ans, un infinitif sec, sans trace d'angoisse, sans bavure d'espérance, j'attends à vide."

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lundi 21 juillet 2003 à 16h32
Un pour tous et tous à moi...
Comme promis, je reviens sur mes mousquetaires de la plume et de l'encrier.

Il y avait donc Thomas, le roi du stylo rouge, la quarantaine allègre. Il n'avait pas d'enfant. Je me demande si, parfois, je n'ai pas joué ce rôle là. Thomas n'était pas toujours tendre avec moi. Hormis le coup du papier à refaire quinze fois, il aimait beaucoup me donner des contre-emplois. "Il faut prendre des risques, Aubépine. Toi tu n'en prends pas assez..." Cette remarque est toujours d'actualité et je la garde toujours dans un coin de ma tête... On sait jamais...

Bref, Thomas avait remarqué qu'en billet d'humeur, je me débrouillais. Comme il était rédac' chef, il m'obligeait à écrire des papiers d'analyse bien chauds dans lesquels il était pas question de rigoler...

En passant devant son bureau, après avoir récolté mon sujet bien riant, je soupirais bien fort, cognais dans une poubelle au passage, histoire de lui signifier mon mécontentement. Entre deux bouffées de Marlboro, il me lançait "Je t'entends, Aubépine, et c'est pas la peine de ronchonner, parce que ce papier, tu vas me le faire et presto!"
"J'aime pas ça ! "
"M'en fous et magne toi un peu!"
Le Thomas avait bien du mérite parce qu'il faut avouer que j'étais une sacrée emmerdeuse...

Avec Thomas, j'ai vraiment conforté ma vocation. Ecrire, certes, mais aussi, s'ouvrir à plein de choses, avoir des petites antennes qui vous permettent de détecter le bon sujet. Quand on ne se voyait pas pendant un certain temps, il m'envoyait des cartes postales parfaitement loufoques. Je me souviens notamment d'un chat noir hurlant fraîchement sorti d'une baignoire...

Quand nous allions déjeuner ensemble, il arrivait toujours avec un Astro, ce petit jeu à gratter, qui correspondait à mon signe. On n'a jamais gagné. Ca fait longtemps qu'on s'est pas vus et mon Astro me manque...

Il y a aussi Zaï. Zaï est le premier à m'avoir fait confiance, à m'avoir filé des papiers un peu plus conséquents à faire. Il m'appelait la peste. Bizarrement, en essayant de rassembler tout ça, je m'aperçois que j'ai assez peu de souvenirs de Zaï. Des choses marquantes j'entends...Il n'était pas beau du tout mais était d'une telle gentillesse que cela en était scotchant, cela sans mièvrerie aucune. Il adorait le foot et essayait péniblement de m'instruire.
"Donc, Aubépine, le corner, ça se tire..."
"Euh... Devant les buts quand il y a eu faute..."
(Soupir consterné)

Avec Grégoire, ce fut moins facile. On a mis du temps à accrocher. Je pensais qu'il me détestait et lui pensait que je le détestais. Avouez que, dans ces cas-là, c'est pas facile de faire connaissance. Vous nous auriez mis tous les deux dans une pièce fermée, on aurait trouvé le moyen de ne pas se dire bonjour. Grégoire bossait avec Thomas. Ils étaient copains de longue date. Grégoire étant, de surcroît, un brin macho, je l'emmerdais plus qu'autre chose. Il était très strict, plus encore que Thomas. Sauf que lui n'y mettait pas les formes. Quand Thomas disait "Bon, là, ça va pas. Le reste, c'est bien, mais là, il faudrait revoir cette phrase...", Grégoire se fendait d'un "Ca va pas, faut tout refaire." Gloups...

Je suis partie plusieurs fois en larmes du journal à cause de lui. Je me souviens notamment d'un drame causé par mon briquet... Celui-ci était gros, en forme de Roswell. Il fallait lui appuyer sur la tête pour sortir le feu. A ce moment, ses yeux se mettaient à clignoter et il chantonnait la lettre à Elise (je sais pas si vous imaginez l'engin...)

Bref, au bout de la 6ème clope de ma journée, Grégoire déboule et m'engueule copieusement suite au briquet chantant qui emmerde tout le monde (mes collègues de bureau trouvaient ça très marrant eux...) Le soir, je fracassais le briquet contre un mur (et en plus, je suis violente...)

Pourtant, Grégoire m'a appris beaucoup de choses. C'est un reporter hors-pair, toujours barré à Bab-El Oued, doué pour faire parler les gens. A son contact, j'ai appris à affiner mes questions, à mettre les gens à l'aise pour des interviews. Je l'ai revu il y a pas longtemps. Tacitement, nous nous sommes fait comprendre que la hache de guerre était enterrée. Je lui ai envoyé certains de mes papiers. Il m'a répondu d'un très sobre "J'ai bien aimé ton accroche". Mais venant de Grégoire, je sais le prix d'un tel compliment...

Je crois que j'avais un peu le béguin pour mes Trois Mousquetaires. Mais pour eux, j'étais la "casse-bonbon" comme m'a dit Grégoire, qu'ils avaient pris sous leurs ailes. Je me souviens de bonnes petites beuveries où il n'était guère plus frais que moi. Il y a aussi les fêtes du journal où j'ai dansé avec eux, si fière dans les bras de mes idoles.

Je me souviens de Thomas qui avait dragué Justine de façon assez hard, laquelle l'avait vertement envoyé ballader.
Thomas, constatant que je tirais un peu la tronche, était venu me voir :
"Tu m'as jamais fait du gringue à moi..." lui avais-je répondu.

"Permets moi de te dire que, pour moi, cela serait limite incestueux, si je te draguais." Me dit-il visiblement choqué des idées tordues que je nourrissais.

A 18 ans, j'étais encore très nouille...

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mardi 22 juillet 2003 à 12h27
Le déclencheur
Je suis venue, j'ai vu, j'ai déprimu...

Pas envie de m'étendre sur les détails de ce dîner.

Effectivement, j'avais vu juste. Il me draguait bien. Plutôt sauvage, d'ailleurs.
Juste avant d'entrer dans le restau, je ne le sentais pas.

Les entrées étaient à peine arrivées que je me prenais dans les dents une rafale de compliments allant de mon cerveau (bien rempli selon lui) à mon décolleté (idem).
Ca aurait du me faire plaisir. Ca m'a gênée. J'ai commencé à avoir mal au cœur, complètement tétanisée, me demandant dans quoi je m'étais encore fourrée. Me demandant pourquoi, à chaque fois qu'un garçon me complimente, je prends cela comme une agression. Je fuis, prétextant la fatigue (et pourquoi pas le besoin urgent s'aller louer Taxi 2 tant qu'on y est...)

Vraiment pas nette, ma pauvre fille.

J'alerte Lily mais elle aussi est au trente-sixième dessous. Justine est injoignable, tout comme Antoine qui ne répond pas. Je rentre à toutes jambes chez moi, en larmes, sans même savoir pourquoi. Je suis une catastrophe ambulante. Je gâche tout. Je bloque mais je ne sais sur quoi.

Je sors Jérémy des bras de sa belle pour qu'il vienne me consoler. Il me dit que je me fais une montagne de pas grand chose et que j'aurais du me sentir flattée. Alors, je lui explose littéralement à la figure :

"Mais tu comprends pas que je suis paumée en ce moment, que je surnage, c'est tout? Je m'en sors plus, moi."
Jérémy en reste comme deux ronds de flan. "Tu sais quoi, tu devrais peut-être te libérer de tous ces principes qui encombrent ta tête et t'empêchent de vivre. Tu n'es pas obligée de tendre nécessairement vers un idéal. J'ai l'impression que tu oublies le côté ludique des relations amoureuses. Toi, il faut que ce soir sérieux, que cela file droit. En dehors, point de salut."

Jérémy est bien placé pour le savoir.
"Mais c'est moi aussi, tout ça..." Un moi passablement lourd et encombrant.

Je rentre chez moi. Antoine appelle. Il est en province pour quelques jours.
"C'est toujours quand t'es loin qu'il m'arrive des tuiles..." je lui dis.
Je lui raconte tout.
"Qu'est ce qui t'arrive en ce moment, hein, Aubépine?"
"Je suis terrorisée"
Je sais pas pourquoi je dis ça... Là, écrit, ça fait un peu gros, et pourtant. Je sais pas de quoi j'ai peur, mais je suis morte de trouille. Ce micro-fait me renvoie directement à moi, mes peurs, mes angoisses, mes blocages. J'ai peur de moi. Je fais quoi maintenant?

Antoine me parle doucement, me rassure sans toutefois se planquer derrière des paroles passe-partout. Voix apaisante dans la nuit.

Il me manque. Pas comme un amoureux, mais comme Antoine, celui qui m'en fait voir de toutes les couleurs mais aussi, celui qui me comprend le mieux. Mon ami tellement super. Mon jumeau.

J'ai mal au cœur.
Dans tous les sens du terme.

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mardi 22 juillet 2003 à 17h40
Lily
Evidemment, ce matin, un mail de lui pour savoir si je me suis bien reposée.

Je ne réponds pas. Je ne répondrai pas. On verra bien.

Lily va mal à un point qui m'inquiète beaucoup. Une peine de cœur. Nous déjeunons ensemble : elle grapille vaguement quelques légumes.
"J'ai pas faim, j'arrive pas à manger..."
"T'as du pot. Les chagrins d'amour, tu bouffes plus... J'aimerais bien pouvoir en dire autant..."
Elle relève la tête. Ses yeux sont baignés de larmes. Je lis sur son visage une expression de profonde douleur que je ne suis pas habituée à voir chez elle. Une chose me frappe : elle est super belle quand elle est vulnérable (déjà qu'à l'ordinaire, elle est franchement pas mal...)
Ca m'a toujours énervée les mecs qui disent "T'es belle quand tu pleures" ("et mon pied dans tes c..., connard!"Hum, enfin, bref...)

Mais pourtant, je dois bien me rendre à l'évidence. Lily est belle, ses larmes qui roulent sur ses joues...

Je me dis qu'on fait une jolie paire d'éclopées toutes les deux... D'ailleurs, notre moral étant ce qu'il est en ce moment, nos discussions donnent à peu près ceci :
"Ca va toi?"
"Grrrppmph... Et toi?"
"Hhhmmmfff."
(soupir commun qui fendrait même l'âme de Patrick Devedjian)
"Benoît?"
"Hmmmpffff... Antoine?"
"Bouhouhouhhhhh..."
Quand vous pouvez tenir une discussion d'une demi-heure avec quelqu'un à base de "Hmmpff", "Grpppmph" et autres "Bouhouhou", c'est une preuve irréfutable que cette personne est votre amie.

Pourtant Lily et moi, c'était pas gagné... On s'est rencontrés au lycée. Elle traînait avec la bande "rivale" de mes copains et moi. Eux, toujours hyper classe, BCBG, nous en doc et jupes ignobles ramenées des Puces (En attendant, il est vrai que, quand je regarde les photos de classe, Lily a une autre allure que moi, avec mes cheveux coiffés un jour sur dix et mes chemises indiennes : on dirait la fille de Ravi Shankar qu'il aurait abandonné en transit à Roissy...)
On a révisé le bac ensemble (je suis infoutue de me rappeler dans quelles circonstances) et depuis, on ne s'est plus quittées.

Sous ses airs grande gueule, Lily est d'une sensibilité à fleur de peau.
La sentir aussi fragile me désarme. Je suis parfaitement impuissante, et ça, ça fait mal...
Je lui chanterai bien, la chanson de Julien Clerc :
"Ce n'est rien
Tu le sais bien le temps passe et ce n'est rien
Tu sais bien
Ils s'en vont comme des bateaux
Et soudain
Ca revient
Comme un bateau qui s'en va
Et revient
Il y a mille coquille de noix sur ton chemin
Qui roulent
Et c'est très bien..."

Mais s'il y a bien un truc auquel Lily est allergique, c'est la chanson française...

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mercredi 23 juillet 2003 à 10h44
Et la palme de la connerie revient à...Aubépine (Ouuuaaaiiis!)
C'était prévu depuis une petite semaine. Hier soir, je rencontrais Carla. RV est pris à mi-chemin de chez elle et chez moi. A Belleville.

Etonamment, je n'angoisse pas du tout à la perspective de cette rencontre. Ca me semble aller de soi, couler de source... Je suis toute contente.

Nous nous posons aux Folie's, le seul café correct (et ouvert...) du quartier. Il fait bon. La conversation roule toute seule. Il n'y a pas ce flottement que j'ai pu éprouver parfois avec d'autres diaristes (genre "Ahahah, et à part ça, t'aimes bien ça, écrire un journal?") Carla rigole quand je lui dis que j'étais persuadée qu'elle était normalienne. On parle de nos études, de nos boulots, de nos amis...

Je ne sais comment expliquer cela mais Carla semble être de ces personnes qui suscitent l'apaisement. Je me sens bien, super détendue, ce qui ne m'était pas beaucoup arrivé ces derniers temps.

Pas besoin d'en dire beaucoup plus...En plus, j'ai l'impression que je ne saurais pas décrire plus avant ce moment. Les mots me semblent affadir cette soirée super chouette. Avant de partir, je demande au patron d'embrasser Thomas (qui se rend ici avec la régularité qu'a un Chippendale pour faire des UV). Il me répond : "Bon, je lui dis qu'une jolie blonde l'embrasse alors..." Je suis pas sûre qu'avec cette description, Thomas sache que c'est moi... Par mesure de sécurité, je laisse mon prénom...

Je rentre par le métro. Un mec aux beaux yeux bleus s'assied à côté de moi. Il était aux Folie's aussi avec deux de ses copains.

Il me demande ce que je lis. On commence à discuter. Il est vraiment pas mal. Je souris en pensant à Carla qui m'a dit, peu avant que nous ne nous séparions "Et toi, quand est-ce que tu te bouges le cul pour te trouver quelqu'un???" C'est le second effet Carla : deux heures avec elle, et je me fais entreprendre cinq minutes après l'avoir quittée...

La conversation se poursuit. Ma station approche et je me rends compte que je n'ai ni stylo, ni papier (bien pour une journaliste!)

"Je peux te raccompagner?"
"Euh, je suis fatiguée en fait..."
"Ah... Bon, c'est dommage... Tu viens souvent aux Folie's?"

Non, putain, je viens pas souvent aux Folie's... Merde!
Les portes se sont à peine refermées que j'envisage déjà de me fracasser la tête contre le distributeur de boisson situé sur le quai...

Mais quelle nouille!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Donc, répétez après moi : "Aubépine, tu es vraiment la reine des pommes" (pour ne pas dire pire...)

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mercredi 23 juillet 2003 à 14h51
Montagnes russes
Je suis cyclothymique. Ce n'est pas une maladie, C'est juste assez épuisant pour mes proches.
Un jour, je peux être au fond du gouffre, prête à m'empaler sur les grilles du jardin du Luxembourg et le lendemain sautiller partout en m'extasiant sur les rigoles de flotte qui s'écoulent dans les caniveaux.

Comme dit Justine : "Avec toi, faut suivre..."

Hier, par exemple, j'écoutais au boulot la chanson de Romy Schneider dans "Les choses de la vie".
Ca fait :
"Ce soir,
Nous sommes septembre
Et j'ai fermé la chambre
Le soleil n'y entrera plus,
Tu ne m'aimes plus..."

Je pleurnichais mollement, essuyant une à une les larmes qui gouttaient sur mon magnifique clavier Azerty.

Et puis, il a suffi d'un verre avec Carla, du regard d'un garçon, d'un coup de fil de Micha, de Manu et d'Antoine pour que ce maudit blues aille voir ailleurs si j'y suis...

Sur ma platine, les Stereophonics... Parce que "Maybe... Tomorrow"...

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mercredi 23 juillet 2003 à 16h58
La tuile...
Voilà, le couperet vient de tomber : je suis bonne pour garder la maison de mes parents au mois d'août pendant qu'ils partent s'éclater en vacances. A moi les joies de la banlieue et du RER, choses que j'avais un peu oubliées...

Ca faisait un moment que ma tante Steren se tâtait pour venir avec ses mouflets afin de profiter des délices de la capitale mais aussi du grand jardin de mes parents. Et puis, finalement, c'est non. Et qui est la seule andouille de la famille à rester dans le secteur? Ben oui, c'est moi...

Pas la peine de négocier un désistement avec ma mère. J'entends d'ici les réflexions que je pourrais me prendre. Devant ma tronche un peu déconfite, les parents essaient de me vendre le package "villa familiale" comme ils peuvent.

"Tu pourras faire des fêtes!"
"Ouais ben vu le nombre de gens qui restent à Paris au mois d'août, je cours fissa me louer des nains de jardin pour faire les invités!"

"Y'a le jardin!"
"J'y vais jamais!"

"La piscine!"
Arrêtons nous un instant sur ladite piscine... Pas la peine de fantasmer genre "Je le savais bien que le père d'Aubépine, c'était Eddie Barclay!", parce que la piscine fait trois mètres de diamètre. Mais bon, pour peu que je foute des poissons rouge dedans, deux tonnes de sable et quelques galettes de fuel, avec un masque et un tuba, je pourrais éventuellement me croire au bord de la mer...

"Et puis tu auras le chien pour te tenir compagnie!"
Là, c'est le pompon... Parce que j'aime tellement les chiens, que mes parents ont attendu le jour où je n'étais pas là pour l'acheter... Les animaux, ce n'est vraiment, mais alors vraiment pas mon truc... Je vais en faire hurler deux, trois, mais, franchement, à quoi ça sert (à part à m'emmerder pendant l'été???) : si on a besoin d'affection, personnellement, je trouve que les êtres humains, c'est aussi pas mal foutu ! Quand j'entends quelqu'un (et ça arrive!) dire "Oh mon animal, c'est comme mon enfant!", franchement, ça me fait flipper! Et puis, bizarrement, Brigitte Bardot n'a jamais eu ma sympathie (et comme elle s'en fout, ça tombe plutôt bien...)

Bref, le mois d'août à Paris, c'est bien, mais quand on est à Paris... Opinion que mes parents ont décidé de ne pas entendre... Heureusement que Lily et Fanny risquent d'être dans le secteur...

Remarquez, c'est mieux qu'un mois d'août avec Dinah. Dinah était la copine d'une copine de Maman. Comme elle habitait un tout petit appart' à Paris, elle venait garder la maison en août. Moi, j'étais là pour bosser des concours. J'ai eu l'impression de passer des vacances avec la Mrs Danvers dans le bouquin "Rébecca".

Elle me faisait flipper. Elle marchait tout doucement et je n'entendais jamais quand elle arrivait. Je me retournais et elle était dans l'embrasure de la porte, à me regarder... Franchement, je vous jure qu'il y a de quoi devenir cardiaque...

Dinah venait d'un pays qui avait subi la dictature communiste. Ce qu'elle ne manquait jamais de me rappeler genre "Mais toi, tu ne peux pas comprendre, tu es une privilégiée, tu as été gâtée..." Bref, de bonnes séances de culpabilisation qui me faisaient limite regretter à la fin de ne pas être née dans un kolkhoze... Le soir, au dîner, Dinah me racontait sa vie d'avant, dans son pays. Toutes les tuiles possibles lui sont tombées dessus. Quand vous révisez un concours, vous aimez bien vous vider la tête le soir... Avec Dinah, pas de pot, j'avais le droit à un épisode supplémentaire des "Mercredis de l'Histoire".

Dinah aimait bien me fliquer aussi. Je matais la télé, une bonne grosse connerie. Elle s'asseyait silencieusement sur le canapé à côté de moi. Ne disait rien. Et puis, au bout de quinze minutes, elle me lançait : "J'ai l'impression que tu ne révises pas beaucoup..."Le soir, ma mère au téléphone : "Alors, il paraît que c'est plutôt cool, les révisions..." Merci Dinah.

Au bout d'une semaine, je pétai un plomb et me barrai honteusement en Bretagne chez ma grand-mère. "Elle est très très malade, expliquai-je à Dinah, son état se dégrade..." Je tiens à dire que ce mensonge honteux n'était pas de mon cru mais de ma grand-mère. "Faut bien que les vieux servent à quelque chose!" m'avait-elle rétorqué quand je lui avais fait part de mes scrupules à raconter un bobard aussi douteux.

Alors, c'est sûr, la maison de mes parents au mois d'août, ça pourrait être pire.

Avec Dinah dedans, par exemple...

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jeudi 24 juillet 2003 à 11h52
Intelligence night
Antoine vient de rentrer. Il est crevé et propose que nous remettions notre rendez-vous à demain.
"Je te plombe pas ta soirée?"
"Non, non" répondé-je mollement en me résignant à regarder le Bleu de l'Océan sur TF1.

Mais au bout de deux scènes, je pète les plombs...La méchante vient de se faire bouffer un œil par un faucon (quelle imagination débordante, ces scénaristes, alors...)

Je décide d'appeler Carla pour avoir quelques précisions sur ses dernières aventures.

"Tu veux qu'on se prenne un verre?"

Je n'osais pas lui demander mais je suis ravie qu'elle le propose. D'autant que j'aurais bien plus parlé avec elle la veille.

Comme on ne change pas une équipe qui gagne, nous nous retrouvons aux Folie's. Je ne vois pas le temps passer. C'est typiquement la soirée de nanas, à rigoler, se raconter nos histoires de cœur, nos vies... Tout semble évident. J'ai l'impression de parler à une vieille copine. Chacune a vite trouvé ses marques avec l'autre. Le fait que nous nous lisions mutuellement favorise évidemment cette complicité (on connaît déjà un peu les gens qui peuplent nos vies respectives...), mais, même en dehors de ça, je me dis que si on s'était rencontrées par un autre biais, on se serait tout aussi bien entendues.

On se sépare vers 1h15, sur la promesse de se revoir le week end. Je trouve ça toujours stimulant de rencontrer des gens qui, rien que parce qu'ils sont, vous mettent la pêche. Une pêche qui vient aussi du fait que Carla, il faut le dire, est quelqu'un de méchamment intelligent. Ca vous pousse nécessairement... Je ne peux m'empêcher de songer aux prémisces d'une chouette amitié possible...

Avant de dormir, je zappe et tombe sur l'émission de Philippe Lefait, "Autour de Minuit". C'est la première fois que je la vois et je suis scotchée. Je comprends pourquoi je paye la redevance. Lefait reçoit Pierre Michon, auteur dont j'ai vaguement entendu parler et à l'écriture plutôt ardue. C'est tout simplement beau. Lefait arrive à donner le sentiment qu'on est entre nous, lui, Michon et le téléspectateur.

Chose rare : il laisse la place au silence. Cette émission est peuplée de silences. Pas des silences gênants, genre "putain, qu'est ce que je peux bien dire pour meubler", mais ces silences complices : on est tellement bien qu'on n'a pas besoin de parler.

Lefait lit un extrait du bouquin de Michon. Il conclut sa lecture par un "Wahou!!!", enthousiaste. Michon sourit. "C'est bon de vous voir sourire" remarque Lefait.

Pour la première fois, j'ai l'impression que ma télé suinte l'intelligence.

C'est sûr, ce n'est pas en regardant Greg Le Millionnaire que cela risque d'arriver...

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jeudi 24 juillet 2003 à 16h14
Mokhtar, fiancé d'opérette...
Mokhtar est l'épicier de ma rue.

Mokhtar m'aime beaucoup. Cela faisait à peine deux jours que j'étais dans le quartier qu'il me proposait déjà de l'épouser. Je le soupçonne de faire le même genre de demande à tout ce que le coin comporte comme donzelles de moins de trente ans, mais bon, comme je ne l'ai jamais pris en flag, je ne lui prêterai pas de mauvaises intentions...

Son épicerie ressemble à n'importe quel autre rebeu, sauf que, devant chez lui, on joue aux échecs. Il m'a déjà proposé des cours mais je lui ai fait comprendre que m'expliquer les subtilités de ce jeu le mettrait dans le même état que de se taper une pleine boîte d'harissa... J'ai évoqué la possibilité d'organiser des tournois de jeu de l'oie, mais ça n'a pas semblé le brancher des masses.

Mokhtar, c'est un peu le Marie-Christiane Marek du secteur. Il passe toutes mes fringues au crible. Par exemple, il n'aime pas du tout quand je m'habille en "woodstock" (dixit lui-même), ce qui doit arriver une fois tous les trente-six du mois, mais bon... Il aime pas trop ma robe Max Mara, non plus. En revanche, il aime beaucoup ma jupe avec plein de nœuds sur les côtés. Mokhtar est resté très midinette en fait.

Mokhtar m'a demandée en mariage. Pour l'instant, je réserve ma réponse. Parce que, s'il me considère comme sa promise, il me considère avant tout comme une cliente. Quand je rentre tard le soir, je m'arrête toujours chez lui pour acheter une bouteille de Contrex. Genre "je viens de me torcher la gueule, mais bon, je reste quand même une fille saine" (je ne trompe que moi avec ce stratagème débile, mais bon...)

Hier soir, je passe donc à la caisse avec ma sacro-sainte flotte :
"J'te dois combien?"
"Un euro."
"Hein??? Mais hier je l'ai payée 75 centimes... Y'a eu de l'inflation pendant la nuit ou quoi???"
"Oui, mais aujourd'hui tu l'as prise au frais..."
"Et le fait qu'elle soit fraîche, ça me coûte 25 centimes?"
"Ben oui..."
"Mais y'a quelqu'un qui pédale dans ton arrière boutique pour faire fonctionner le frigo ou quoi???"
"Non, mais il faut que je me fasse une marge..."
"Eh ben, je trouve ça mesquin de taxer comme ça sa future femme..."
"Non, bon, si tu veux, je te la fais à 75..."
"Nan, nan, c'est bon, laisse tomber..."
"D'accord ! "

Si j'épouse Mokhtar, il faut que j'envisage donc de payer quand j'allumerai la télé ou quand je voudrai prendre une douche...

Pas super réjouissant comme perspective...

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vendredi 25 juillet 2003 à 11h01
Boulette (et pour une fois, c'est pas moi qui l'ai faite…)
Je suis à la librairie Compagnies, rue des Ecoles, envie d'acheter des bouquins. Je craque pour un autre Erri de Luca, un Woolf, un Beryl Brainbridge et Pierre Michon (merci Philippe Lefait). Je fais un détour par le rayon enfants et me paye quelques uns des bouquins préférés quand j'étais gamine : Hulul, le hibou qui fait du thé aux larmes, Le géant de Zéralda et, le classique des classiques Max et les Maximonstres, chef d'œuvre de Maurice Sendak.

Je me dis que, quand les enfants de mes copines viendront à la maison, j'aurai quelques bouquins sous la main. J'adore raconter des histoires aux enfants, mettre le ton, les lire, les relire, deux, trois, quatre fois...

Antoine me rejoint et se gausse de mes achats. Je me demande comment il lit à voix haute... Enfin, non, ça je le sais (quand je me tape des articles du Monde en long, en large et en travers...) Mais je me demande comment il lirait un livre pour enfants. Je lui demanderais bien de me lire Max et les Maximonstres, mais je pense que, là, il me passerait direct la camisole...

On marche de St Michel à Bastille. On croise Romain Duris, dans sa bagnole pourrie, rap à fond les manettes.

A peine débouchons-nous sur la place des Vosges que Carla m'appelle et me propose de la rejoindre au Mecano avec H. Je lui dis que nous dînons avec Antoine et qu'on les retrouve. Antoine me dit "C'est qui, Carla? Tu m'en as jamais parlé..."
"C'est une copine.", je réponds
"Tu l'as connu comment?"
C'est bien la première fois qu'Antoine me demande comment j'ai rencontré une copine... Je suis pas en galère, moi...
"Euh, c'est un peu compliqué à expliquer" réponds-je consciente de ma nullité affligeante en matière de répartie...

Arrivés au café, nous retrouvons Carla et H. L'ambiance est super détendue... Antoine s'éclipse un moment pour passer un coup de fil. J'hésite à avertir Carla et H qu'il ne sait pas pour le journal. Et puis je me dis, que, bon, on va pas non plus paranoter...

Encore une fois, le bon sens m'a fait défaut puisque, trois minutes plus tard, H dit à Antoine :
"Et je suppose que tu sais pour les blogs de ces deux demoiselles..."

Gloups...

"C'est quoi, un blog" demande candidement Antoine...

"Ah ah ah..." je réponds en me disant que, si j'avais eu, là, présentement, une kalachnikov, H. s'en serait pris une bonne entre les deux yeux...

Aidée de Carla, j'explique donc à Antoine.

"En fait, Carla et moi, on écrit sur le Net..."
"Vous écrivez quoi..."
"Euh... Ben, nos vies..."
"Tu parles de moi???"
"Un petit peu..." (notez cet art maîtrisé de la litote...)

Carla qui adore quand je me fous la honte doit être pétée de rire intérieurement...

Je lui dis néanmoins qu'il est désormais une petite star chez mes lecteurs et que certains d'entre eux l'appréciaient beaucoup... Qu'il était un de leurs personnages préférés... Donc, si vous avez des déclarations à faire à Antoine, vous les laissez sur mon forum, je transmettrai...

S'en suit une longue discussion sur JI...

"Tu dois savoir plein de trucs sur moi, alors" demande Antoine à Carla

"Ah ah ah..." je fais

Carla est assez aimable pour ne pas en rajouter...

Je suis super mal. C'est la première fois que j'ai le sentiment, via ce journal, d'exploiter quelqu'un, sa vie... J'en suis vraiment pas fière...

"C'est quoi l'adresse du site?" me demande Antoine, persuadé qu'après deux Mojitos, je vais bien finir par cracher le morceau...

"Non, non, non" je réponds (vous noterez la richesse de mon vocabulaire...)

Carla choisit ce moment pour péter un verre, ce dont je la remercie chaleureusement...

Vers une heure, nous rentrons chez nous. Antoine me raccompagne et, finalement, tape l'incruste.

"Tu m'en veux?" je lui demande
"Non, au contraire, je trouve ça assez fascinant... Justement, je me demandais, tu vois, un moyen comme ça de s'exprimer..."
"Tu veux faire un blog????"
"Peut-être... Pourquoi pas?" sourit-il.

On discute jusqu'à trois heures et demi.
"Tu dors ici?"
"Ouais, je prends le canapé..."
"Sois pas con, Antoine. Le lit est bien assez grand... Et je me tiendrai bien..."
Et j'ai tenu ma parole. Si on excepte deux trois baisers et des caresses fort chastes.

Au réveil, je réclame juste quelques minutes entre ses bras(oui, oui, je suis pitoyable, aucun doute là-dessus...)

"N'en profite pas, hein..." me vois-je répondre.

Je n'ai donc pas profité (j'obtempère aux ordres qu'on me donne...)

Mais il pouvait difficilement m'empêcher de rêvasser à ce dont j'avais envie...

Avoir de l'imagination, c'est quand même vachement pratique...

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vendredi 25 juillet 2003 à 12h36
Emilie Jolie
Hannah au téléphone :

"Euh, tu m'arrêtes si je me trompe... Mais la musique en fond sonore, là... C'est bien Emilie Jolie?"
"Ben oui" je dis.

"Donc, si je comprends bien, à 23 ans, tu écoutes délibérément Emilie Jolie..."

"Bah non..."
"Ah..."
"Juste les chansons que j'aime bien..."
"C'est-à-dire"
"Ben la chanson du grand oiseau, la chanson de l'extra-terrestre, la chanson du coq et de l'âne, la chanson du hérisson..."
"Ouais, tout quoi..."
"Ben non, tu vois, j'aime pas trop celle de l'autruche par exemple..."
"Et t'as remonté Henri Dès de la cave de tes parents aussi?" grince Hannah.

C'est vrai quoi, j'aime bien Emilie Jolie... Quand je saoulais mes parents, ils me le mettaient sur la chaîne et ils étaient sûrs de ne pas m'entendre moufter pendant au moins une heure. Allez essayer de vous souvenir...

Vous n'étiez pas morts de trouille avec la chanson de la sorcière : "Et j'ai cassé tous mes alambics, plein de ciguë, plein d'arsenic..."
La voix de Georges Brassens : "Quelle est la fée de ce livre qui me donn'ra l'envie d' vivre. Quelle est la petite fille aux yeux bleus qui me rendra heureux..."

Et la compagnie des lapins bleus??? Vous n'avez pas pu oublier ça!!!!

Arnaud aimait beaucoup Neil Young. Accessoirement, il m'aimait beaucoup aussi. Un jour qu'on écoutait je ne sais quel album du sympathique Neil sur son walkman (une oreillette chacun, ça favorise le rapprochement...), il m'a dit : "tu ressembles à Emilie Jolie"

"Comment tu sais, elle existe pas..." lui répondé-je avec cet esprit très cartésien qui me caractérise.

"Je suis sûr qu'elle te ressemble."

J'ai perdu Arnaud de vue, depuis. N'empêche. On m'a rarement dit une chose aussi jolie que cette éventuelle ressemblance avec Emilie Jolie....

Eh oui, je suis niaise et nostalgique... Mais ce n'est plus un scoop depuis belle lurette, non?

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lundi 28 juillet 2003 à 09h00
C'est le souk !
Dimanche soir. Rendez vous avec Carla aux Folie's (si vous voulez nous trouver, nous y tenons une permanence quasiment tous les soirs, entre 22h et 1h30 du mat'...)

Elle est super jolie, une robe noire super seyante, et une mini toque en fourrure. Y'a pas à dire, je vous le garantis, cette fille a la classe...On parle de plein de choses, nos familles, nos boulots, d'éventuels projets communs, de nos amours...Avec Carla, tout coule de source. Je lui confie des trucs super personnels, parce que, voilà, c'est tout... Je me sens en confiance... Le voir, ça me met la patate...

Je lui raconte mon samedi avec Antoine. Je l'ai lancé sur le thème « si on avait des enfants » (oui, oui, je sais, à croire que mes parents ont oublié de me greffer un cerveau à la naissance...) Dans un café, nous rigolons et brodons sur ce thème (enfin lui... Parce que moi, je suis à fond...) On en déduit que, si on avait une fille, qui héritait de la poitrine de sa mère et de la silhouette de son père, on pourrait peut être en faire un top-model (nous sommes des gens très modestes, Antoine et moi...), ce qui nous éviterait de nous soucier de notre retraite...

Antoine bouquine pendant que je rêvasse comme une abrutie à cette petite fille qui a autant de chance de voir le jour que Maïté de gagner le 500 mètres haies...

Je dis à Carla que je veux Antoine, ne serait-ce qu'une fois... « Dis le lui » me répond-t-elle. Oui, elle a raison... Je recommande des Mojitos pour nous deux. On en a déjà pris deux, on est déjà bien gaies, et c'est bon.

C'est à ce moment que je reconnais, au comptoir, mon inconnu de l'autre soir (oui, oui, celui qui m'avait proposé de me raccompagner et que j'ai envoyé bouler comme une niaise...) Carla est ma bonne étoile, y'a pas à dire... Il est avec un copain... Je l'interpelle. Ils viennent s'asseoir à notre table... On papote de leurs boulots, des broutilles. Il se souvient de mon prénom et de mon job. Carla, fine mouche, s'éclipse de temps en temps pour discuter avec des mecs au comptoir...

« Le mec, là-bas, il m'a chargée de te dire qu'il veut discuter avec toi... » m'annonce-t-elle, maline...

Un peu plus tard, nous bougeons. Carla se rend au salon. Je rentre chez moi, pour rejoindre Lily qui va pas fort. Nous prenons le métro avec Bertrand (l'inconnu, donc...) Je prie pour ne pas me casser la gueule dans les escaliers. Je suis beurrée comme un P'tit Lu et me concentre de toutes mes forces pour ne pas dire de conneries... Je vous le dis, les talons dans ces cas-là, ça aide pas...

« Je m'excuse pour l'autre soir, me dit-il, j'ai pas été très fin... »
« Pas de problème, je réponds, tu as dit que tu étais attendu... C'est ta copine ??? »
« Ben ouais... » me répond-t-il, contrit...

Là, lecteur, je m'autorise une appartée... Il faut savoir que je suis la championne toute catégorie des mecs maqués... Je sais pas comment je fais... Je dois avoir écrit en gros sur la tronche « Ami, ta régulière t'emmerde, Aubépine assure le piment dans ta vie... »
Donc, le coup de la copine, je m'y attendais vaguement. Je décide donc de la jouer cool, genre la femme libérée que ça gêne absolument pas (alors que si, quand même...)

« Bon... Et dis moi, tu dragues toutes les filles du Folie's comme ça ??? »
« Ben non,je te jure, j'étais sincère, l'autre soir... »
Le métro arrive à ma station.
« Je peux te raccompagner ce soir ? » me demande-t-il...
« Oui »
On descend la rue.
« Elle est pratique cette rue, parce qu'on arrive rapidement au centre de Paris » me fait-il remarquer.
Désarmée par la pertinence d'une telle affirmation, je ne peux qu'acquiescer. Il me quitte vers chez moi...

Au café, il m'a donné son mail (enfin, sans l'intervention de Carla, j'en serais encore à me morfondre ou à me taper la tête contre un distributeur de Twix...)

« J'attends de tes nouvelles par mail, alors... » conclut-il.
Je dis oui...

Je vais chez Mokhtar m'acheter des clopes. Avant, je passe à l'attaque et décide d'appeler Antoine..

« Allô » je dis
« Oh là, t'as bu, toi... »
« Ouais... » (rire que je voudrais de petite fille espiègle mais qui ressemble plus à celui d'une alcoolo en passe de coma éthylique)
« Ca va ? »
« Je veux coucher avec toi... Juste une fois... »
« Oui, bon, c'est ce que je dis, t'as trop bu, vas te coucher... »
« EH ! OH ! ME PARLE PAS COMME SI J AVAIS CINQ ANS, OK ????? J'ai bu, mais je suis lucide... Je suis totalement désinhibée... C'est tout... Alors, c'est oui ??? » (notez la finesse de l'auteur, digne d'un cachalot dans un magasin Baccarat... On comprend mieux pour quoi elle est célibataire...)
« Bon, Aubépine, arrête maintenant, tu sais très bien que je peux pas... »
« Et si je te dis que ça me rendrait service ? »
« J'en doute fort... »
« Ben alors, dis pas que tu m'aimes... »
« Je t'aime énormément, mais pas comme ça... »
« Ben, je sais pas, on le fait, et puis tu penses à autre chose... Un pompier, un policier, j' sais pas, moi... »
« Aubépine »
« Oui, bon pardon... Je suis désolée... Mais je t'aime moi... J'ai envie de toi parce que je t'aime. Pas de pot, c'est tombé sur toi... T'y peux rien, moi, non plus c'est comme ça... Bon allez, je vais me coucher, salut... »

Mokhtar me dit « Tas l'air contrarié... »
« Ouais »
« Un mec ? »
« Ouais »
« Oh, là là, mais c'est la vie, ça.... »
« Bon, j'peux avoir mon paquet de Marlboro Lights, oui ou faut que j'aille ailleurs???? »

« Je te collerais bien une baffe » me dit Lily quand je lui raconte le (nouvel) épisode d'Aubépine et les homos...
« Juste une fois » je gémis...
« Oui, eh ben non... L'autre, il m'a l'air très bien... »
« T'as raison, il a juste une copine... »
« On s'en fout... Tu sais ce dont tu as besoin Aubépine ? C'est de t'amuser... Alors tu flirtouilles avec le mec des Folie's avec qui ça a l'air bien parti et tu oublies Antoine deux secondes... »

Pour me remonter le moral, j'écoute Emilie Jolie promis, je demande un cerveau pour le Noël 2003...).
La chanson de la sorcière : « J'attends le prince charmant/j'attends le prince de sang/ qui viendra un jour me délivrer/ me sauve-e-eeeerrrr... »

« Ta gueule, connasse » je lui dis...

Texto d'Antoine : « C'est difficile pour moi aussi. Pardon, mais je ne peux pas... »

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lundi 28 juillet 2003 à 12h11
Well done...
Comme mes copains n'en peuvent plus de mes histoires avec Antoine (mais ils sont trop polis pour me le signaler...), je me déchaîne ici... Vous, personne ne vous oblige à me lire et si certains veulent m'engueuler, je ne suis pas obligée de les lire non plus...

J'ai relu son texto des dizaines de fois. Essayé de lire entre les lignes (franchement, disserter sur un texto, faut vraiment avoir que ça à foutre...)

"C'est difficile pour moi aussi..." Quoi? Je comprends pas... Je comprends rien. Ou je veux rien comprendre (mais bon, au final, c'est du pareil au même...)

J'essaie de regarder les Monthy Pythons à la télé, mais je les trouve pas drôles du tout.

Coup de fil de Justine, ce matin :
Moi : "J'suis au boulot je te rappelle plus tard... J'ai plein de trucs à te raconter."
"Ah" elle fait

Il y a quelques temps, elle m'aurait dit "Bah, vas-y, dis moi en deux mots ce que c'est..."

Là, non... Alors je zappe l'épisode Antoine (parce que là, je pense que Justine serait franchement atterrée...) et je lui parle juste de Bertrand "Tu sais, le mecdu métro, de la semaine dernière..."
"Non, je sais pas..."
"Je te l'avais pas dit?"
"Faut croire que non..."

Je n'ai donc pas parlé de cette histoire à ma meilleure amie, qui, elle-même, n'est plus autant passionnée par ma vie qu'elle pouvait l'être.

J'ai l'impression que nos modes de vie nous éloignent. Elle a son copain depuis un moment déjà, avec qui elle va sans aucun doute convoler, tandis que je suis encore dans les histoires débilo-tumultueuses... Je n'ose plus l'appeler quand je déprime parce que j'ai le sentiment de la saoûler à mort (quand je ne la réveille pas... Mais ça, je reconnais que c'est pas cool...)On s'aime énormément, mais on évolue plus dans les mêmes sphères. Je pense qu'elle connaît, tout comme moi, l'existence de ce fossé. Ce n'est sûrement que temporaire... Mais c'est chiant quand même... Du coup, en ce moment, c'est cette pauvre Lily qui se voit obligée de jouer le rôle Macha Béranger...

Lily est très cartésienne :
"Est ce que tu sais pourquoi tu l'aimes au moins?"
Oui, parce qu'Antoine, c'est Monsieur Plus. Plus intelligent, plus cultivé, plus beau (Lily masque à peine un grognement... On a jamais eu les mêmes goûts en matière de mecs...), plus sensible...

Je dis à Antoine : "Il n'y a que toi que j'ai envie de rendre heureux. Et je sais que je pourrais réussir..."

Il ne dit rien.

J'ai envie de lui dire "Je t'aime" tout le temps, mais c'est pénible de se heurter à un mur. Alors je ne dis rien. Au lieu de ça, je trace des grands A sur la plage, sur les vitres de mon appartement, des voitures ("C'est le A de "apprenti" je réponds si on me demande d'où vient cette affection soudaine pour cette voyelle...). Je dis son prénom à mi-voix, dans la rue, juste parce que j'aime le dire. Je ferme les yeux et je le vois. Je lis (ou du moins, j'essaie de lire...) les auteurs dont il me parle. Je le regarde droit dans les yeux.

Quand il me demande "A quoi tu penses?" Je réponds "A rien, je rêve..." Si j'étais honnête, je dirais "je pense à toi". Mais je ne veux pas le faire flipper.

Alors, forcément, un jour, à force de ne rien dire, j'en dis trop, je dis tout...

Cf hier soir.

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jeudi 31 juillet 2003 à 10h43
Le prolo et la bourgeoise
Je suis jalouse d'Elo.

Je vais dîner chez elle, l'autre soir. Avant, on prend un verre avec Antoine. On traîne... Il n'a rien de prévu pour le soir et n'a aucune envie de rentrer chez lui.

"Tu crois qu'Elo accepterait que je prenne l'apéro avec vous?"
"Evidemment, mais après tu te casses, hein?"
Ben oui, parce que ça fait deux fois qu'on dîne avec Elo, deux fois qu'on peut pas se raconter nos histoires parce qu'Antoine tape l'incruste...

"Oui, oui, je prends un verre et je dégage..."
Une heure plus tard, Antoine se sert du gaspacho "T'es sûre Elo, ça t'embête pas que je reste???"

On parle de nos familles. Le Nord, l'Italie, la Normandie se mêlent allègrement dans nos conversations. Je repense à cette phrase de Duras "De quel lieu viens-tu?"

Je viens du Nord, travailleur et orgueilleux, je viens de l'Italie, volubile et excessive.

Antoine et Elo se lancent dans une discussion politique. Ils ne sont pas du même bord. Antoine parle, parle, parle. De la PAC, des intermittents, des nouveaux adhérants à l'UE. Je ne comprends pas grand chose. Elo répond, expose ses arguments. Ils parlent de lois dont je ne soupçonnais même pas l'existence. J'ai super honte et me dis qu'il faudrait que je lise autre chose que les pages Culture et les faits div' dans Libé. Je me sens à la masse. Avec moi, Antoine ne parle jamais politique. Quasiment jamais. Avec Elo, il se révèle fougueux, passionné.

On se sépare. Je rentre avec Antoine. Je lui dis que je me suis sentie idiote, qu'il ne faisait jamais preuve, avec moi, de tels élans militants.
"C'est parce qu'on est du même bord, j'ai pas besoin de te convaincre... Et puis, avec toi, on parle de plein d'autres choses..."
"Mmouais..."
Je me sens inculte.

Je lui dis que je l'ai trouvé super virulent avec Elo. Que le côté anti-droite vaille que vaille, c'est facile.
"La droite, c'est simplement des valeurs différentes des nôtres. Y'a pas que du mauvais non plus..."
"Simplement" des valeurs différentes???" gronde-t-il...
"Oui, ce ne sont pas les nôtres. Ca ne veut pas dire qu'elles ne sont pas respectables."

Je me fais engueuler comme c'est pas permis.Je ne sais pas ce que je dis. Moi, je n'ai jamais eu dans ma classe que des élèves boursiers. Evidemment, moi, mes parents m'ont transmis un bagage culturel que lui n'a pas eu...

"Ca va, le couplet de la bourgeoise et du prolo, tu peux t'en dispenser avec moi, merci..."

Je ne dis plus rien et marche en faisant la tronche. Je hèle un taxi. Quitte à être bourge...

Dans la voiture, j'évite le regard d'Antoine et me concentre sur le flot des voitures sur le boulevard (passionnant)
Je sens une chiquenaude sur mon bras. Antoine me sourit :
"T'es un gros con" je lui dis
"Je sais. Pardon..."
"Ne me reparle plus jamais comme ça, OK??? Tu crois quoi? Que j'ai été élevée dans une bulle? Oui, j'ai été favorisée, mais pas pourrie gâtée. J'ai toujours bossé pendant mes vacances, pendant l'année aussi pour me faire un peu d'argent, et...."
J'assomme Antoine sous les remontrances.
A la fin de ma diatribe, il dit :
"Pardon, c'était nul..."
"Tu m'étonnes..." je réponds en m'enfonçant dans le siège.

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samedi 2 août 2003 à 20h12
Le bureau des pleurs
La soirée est idyllique. Il est beau, drôle, intelligent, cultivé... Il me plaît. A deux heures du matin, Mounir nous met à la porte de son bar. Il paye. "Non, laisse, c'est pour moi..." Ca faisait longtemps que je n'avais pas entendu cette phrase.

Devant chez moi : "Bon...Ben..."
Je lui dis qu'il a une copine. Que je n'ai pas envie de jouer les remplaçantes. Il me dit qu'il comprend. Mais que je lui plais, voilà tout... Je lui dis que je n'ai pas envie d'avoir mal. Il me dit qu'ila envie de m'embrasser. Je lui dis que moi aussi, mais... Sa bouche étouffe la mienne. Et je me dis, "allez, advienne que pourra"

Je suis bien dans ses bras, dans mon lit. Dans l'obscurité, je lui demande "qu'est ce que tu fais?" "Je te regarde..." "Mais tu vois rien..." "Je vois ton sourire..." C'est vrai que je souris... Il me demande "A quoi tu penses?" Antoine aussi me demande ça tout le temps. Je vais finir par croire que je suis une rêveuse impénitente. Je pense que j'aimerais bien qu'il ne parte pas. Mais je réponds "à rien".

Il part, tôt le matin, retrouver (je suppose) sa régulière.
Je me retrouve seule, à six heures du matin, à regarder les clips sur M6. Complètement vide. Complètement conne. J'aimerais bien lui en vouloir mais même pas...

J'appelle Carla, Antoine, Lily : la triade de la mort, spécialistes ès-problèmes aubépiniens. Je réveille Carla et Lily et je dérange Antoine avec son nouvel amoureux. Y'a pas à dire, je suis un pur boulet.

Tous les trois trouvent les mots justes. Des mots différents, mais qui agissent comme un baume. Il y a Carla et son dynamisme, sa confiance en l'autre hallucinante. Il y a Antoine et sa profonde tendresse, palpable dans son message sur son répondeur et dans les 3 coups de fils qu'il me passe durant la journée pour savoir si ça va. Il y a Lily et sa logique cartésienne, sa voix maternelle et rassurante qu'elle adopte quand elle assure la permanence SOS "Copines en détresse".

"Il y a des gens qui t'aiment autour de toi" me dit Antoine.
Ca tombe bien.
Parce que je les aime très fort aussi.

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dimanche 3 août 2003 à 15h23
Ne pas laisser filer les choses
Je ne fais rien. Je traîne devant la télé. Je feuillette des livres. Passe quelques coups de fil.

Je pense à Bertrand. Je me dis qu'il ne faut peut être pas laisser filer les choses. Quitte, effectivement, à être la deuxième. Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas. En amour, j'ai un côté Don Quichotte très très prononcé : après l'offensive sur un homo, je m'attaque maintenant au mec maqué depuis Mathusalem...

Mat me dit que cela vaut peut être la peine. Sans non plus le harceler, genre Glenn Close dans "Liaison Fatale", mais au moins, garder le contact... Voir comment cela peut évoluer.

Antoine me demande : "Il t'a dit qu'il était amoureux de toi?"
"Je suis pas irrésistible au point qu'un mec qui passe la nuit avec moi me fasse de grandes déclarations au matin. Pourquoi, ton mec, il te l'a dit?"
"Ben ouais..."

Y'a pas à dire, Antoine, quand il veut être vache, il sait s'y prendre.

Je pense aux dernières positions du Pape concernant les homosexuels. Ca ne respire pas la tolérance, c'est indéniable. Chose qu'Antoine ne manque pas de me faire remarquer comme si c'est moi qui écrivais les discours de l'ami Jean-Paul.

"Ca me conforte dans mon athéisme" me dit-il.
"Tous les cathos sont pas comme ça." je réponds
"Oui, mais c'est votre chef."
"Et alors, quand le chef dit des conneries, on n'est pas obligé d'adhérer..."
"Vous êtes une minorité à ne pas vous braquer sur la question des gays." me dit-il.

Je repense à cette histoire dans le Libé de cette semaine. Un gay qui s'est fait virer dans un groupe de caté pour adultes, à cause de ses préférences sexuelles.

Je me demande parfois si ceux qui se disent cathos et sont ouvertement racistes et/ou homophobes (je ne dis pas qu'ils sont majoritaires, mais ils existent...) ont déjà ouvert le Nouveau Testament.

Là, pour le coup, ça suinte l'ouverture et la tolérance. Jésus accueille Marie-Madeleine, la prostituée, Matthieu, la pharisien, Zachée, le collecteur d'impôts...

Exposé comme ça, je sais que ça fait gnan-gnan. Mais voilà : le Nouveau testament, c'est tellement limpide, tellement évident, que ce n'est pas la peine d'en faire une explication de texte.

Quoique...

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dimanche 3 août 2003 à 21h16
Plantation de filles
Mail d'un ancien lecteur qui me dit que, contrairement à ce qu'il écrivait il y a quelques mois "dans un moment d'errance" (sic!), il n'est plus amoureux de moi...

J'en suis un peu marrie. D'autant que, s'il faut des moments d'errance pour que les mecs tombent amoureux de moi, j'envisage sérieusement d'aller racoler dans les cellules de dégrisement des commissariats.

J'ai autour de moi une plantation de filles supers et déséspérément seules.

Fanny objecte que, de toutes façons, aucun des couple qu'elle côtoie ne lui fait envie.

Elisa fustige le féminisme qui a complètement détruit les mecs.

Lily se plaint de son haut degré d'exigence en la matière.

Gwen a décidé qu'elle ne voudrait que d'un rebeu.

Mel a du mal à oublier son ex, pourtant un sombre connard.

Chris semble ne même pas y penser.

Alexandra cherche, dans la vie, le type qui sera la copie conforme de Benjamin Malaussène, le personnage de Pennac (et, en deuxième choix, Mark Darcy de "Pride and Prejudice" de Jane Austen)

Quant à Chloé, elle ne désespère pas de dire un jour, en face, à Paul tout le bien qu'elle pense de sa personne (en cinq ans, Chlo, t'aurais eu le temps...)

Gaïa butine et dit qu'elle a bien le temps de se poser.

Pour ma part, je persécute les gays et les macs maqués. Dans la lignée, j'espère pouvoir ajouter prochainement à mon palmarès :

*le réfugié en phase d'expulsion
*le membre d'Action Directe en taule depuis 20 ans (et qui en a encore 10 à purger...)
*le malade en phase terminale
*le sous-commandant Marcos

Y'a du boulot...

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lundi 4 août 2003 à 11h44
Photos de famille
Je suis seule à la maison.

Et comme d'hab', je fouille dans les tiroirs. Dans les photos. Il y a le mariage de mes parents. Ils ont 23 ans, mon âge. Mon père a l'air d'un gamin. C'est mon grand-père qui les marie.

Il y a moi, toute petite. Des vacances en Dordogne, alors que j'ai un an. Je suis à la terrasse d'un café, avec Papa. Il lit L'Equipe, je suis à côté, avec mon Pomme d'Api.

Il y a ma sœur et moi, dans notre maison en Bretagne. On a les mêmes pyjamas, on sourit toutes dents dehors.

Il y a nous et nos cousins, sur la plage, dans une voiture en sable que ma mère et nos tantes nous ont construite.

Il y a ma sœur, mon frère et moi. Il est au milieu, étouffé par ses deux frangines qui le couvrent de bisous.

Il y a mon arrière-grand-mère que j'adorais.
Quand elle est morte, j'ai retrouvé des lettres que je lui avais envoyées (on s'écrivait beaucoup). Il y avait notamment une coupure d'article (paru dans Astrapi...) sur un nouveau type d'opération au laser pour soigner les yeux malades. J'y avais joint un petit mot (vu l'écriture, je dois avoir 8-9 ans) : "Comme ça, tu verras mieux très très bientôt."

J'ai aussi retrouvé un ruban que je lui avais envoyé à peu près à la même période. J'avais vaporisé mon parfum dessus. Elle l'avait aussi gardé. Le fait qu'elle ait conservé une babiole pareille est certainbement la plus belle marque de tendresse qu'elle pouvait me témoigner. Elle avait des yeux d'un bleu incroyable.

C'était une scientifique et elle avait épousé mon arrière-grand-père qui était journaliste sportif. Je l'aimais énormément. Vers la fin de sa vie, elle est partie en maison de retraite. "Alors, comment va ton mari?" me demandait-elle quand je venais la voir. Elle me confondait avec l'une de mes tantes. Je repartais en pleurant.

Un jour, je trouvai sur sa table de chevet un recueil de Charles Péguy. Je lui demandai : "Je savais pas que tu lisais Péguy..." Elle me répondit, piquée : "Evidemment, je lis Péguy ! Pour qui me prends-tu?"

La dernière fois que je l'ai vue, elle nous a dit : "Je vous aime énormément, vous savez..." Elle est morte quelques jours après. Elle me manque toujours. J'ai oublié sa voix. Mais pas son regard, ni sa démarche, ni son langage et sa plume, raffinés et élégants.

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lundi 4 août 2003 à 14h54
Lucky Man
Le temps s'étire au boulot.
Langueur du mois d'août.
Du coup, mails et coups de fil se multiplient.
Ma cheville me faisant toujours souffrir (à Venise, je ne me déplacerai qu'en gondole, c'est dit), je la garde en l'air, appuyée au radiateur. Il devient donc délicat, dans cette posture, de répondre au téléphone d'une main, et à un mail de l'autre.

Comme dirait une délicieuse serveuse apparemment débordée à qui je demandais une fourchette (ça peut aider pour manger...) "Eh ! Je suis pas Vishnou, hein ! "

En attendant, je pousse la musique à fond. Ca résonne dans les couloirs déserts. Etrange ambiance...

Colin m'appelle. "Je n'arrive pas à joindre Antoine. On me dit que son numéro n'est pas attribué..."
"Ah..."
"Et le fixe est constamment occupé..."
"Oui, il est pété"
"J'aime pas ça. Ca m'inquiète..."
"A mon avis, il a pas payé sa facture, c'est tout...Tu veux que j'essaye?"
"OK et le premier qui arrive à le joindre appelle l'autre."
Y'a pas à dire, nous maîtrisons l'art du psychodrame...

Je me dis qu'Antoine est quand même un sacré veinard. Son téléphone est aux abonnés absents? Deux amis se font du souci pour lui. Trois personnes sont tombées amoureuses de lui cette année...

Et il trouve le moyen d'être introuvable...

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mercredi 6 août 2003 à 11h44
Malgré la canicule, l'orage gronde toujours...
Je retrouve Antoine pour trouver un cadeau pour Elo.
Ila super mal à la gorge. On s'arrête à une pharmacie.
"C'est peut-être un début d'angine..." hasarde -til.
"Je te jure, si tu me refiles une saloperie alors que je pars en vacances dans deux jours, je t'arrache la tête."
"Oh ça va Aubépine !"
La violence de son ton, le degré d'irritation de sa voix me clouent au sol. Je sors de la pharmacie et fais semblant de regarder les vitrines. Je ne l'ai jamais entendu me parler ainsi.
Il me rejoint :
"Ca, je pense que cela devrait plaire à Elo" dis-je d'un ton glacial.
"OK"
Sortis de la boutique :
"Qu'est ce qu'on fait?" demande-t-il.
"Je sais pas. On n'est pas non plus obligés de se coller tout le temps ..."
"C'est sûr."
"On se retrouve ce soir alors..."
"C'est où?"
"Du côté du Mur de la Paix..."
"Joli symbole."
"Certainement."
Je file, espérant qu'il me rattrapera. Mais non.
De toutes façons, je dois trouver un cadeau pour son anniversaire à lui. Kenzo est fermé. Il n'y a rien chez Paul Smith, ni chez Dries Van Noten. Il y a bien ce T-Shirt chez Marc Jacobs, mais bon... Il fait vraiment trop minet.
Désespérée, les pieds en compote, je termine chez Rykiel. La boutique est déserte et les vendeurs ravis de m'aider (des vendeurs de prêt-à-porter sympas, c'est suffisamment rare pour être noté...)
J'ai une veine pas croyable puisque les fringues d'été sont encore soldées à 40 %.

Je rentre par Paris-Plage, toujours aussi désolant. Je n'aime décidément pas cet endroit où les gens "jouent" à la plage.

Je passe au bar de Manu pour me faire offrir un verre mais, pas de pot, il n'est pas encore arrivé.

Je croise Judy qui reluque de façon ostentatoire mon sac Rykiel Hommes avec l'air de dire "eh ben ma poulette, c'est bon, t'es passée dans la catégorie des nantis..."

Le sac continue à susciter les interrogations puisque Mokhtar me demande si j'ai un nouveau fiancé.

"C'est pour Antoine..." je lui explique
"Aaaahhh... Le seul, l'unique..." rigole-t-il.

Juste le temps de passer rapidos sous la douche et je repars au pique-nique d'Elo.

Antoine est déjà là. Il me fait une place. Je le snobe. Il me chiquenaude le genou. Il fait toujours comme ça quand on s'engueule (et Dieu sait que ça arrive souvent, mon Dieu...)
"Quoi?" je dis avec mon ton de poissonnière.
"Ca va?"
"Pourquoi? Ca t'intéresse?"
Il soupire. Quand je veux être odieuse, je fais ça super bien.
On regarde la Tour Eiffel scintiller
"Pardon" je dis
"T'es chiante, hein..."
"J'aime pas quand on se dispute..."
"Mais moi non plus, qu'est ce que tu crois? Que je m'en fous?"
"Euh... Oui?"
"Y'a des baffes qui se perdent, je te jure..."
Je regarde la Tour Eiffel, ma tête sur ses genoux.
"Je suis heureuse pour toi. Avec Paul..."
"Merci. Moi, je m'inquiète pour toi..."
"Ah bon, j'ai l'air tellement attaquée?"
"Mais non... J'aimerais te voir heureuse."
"Je suis pas malheureuse. C'est déjà ça..."
Il me dit qu'il pique-nique avec Paul demain.

Nous filons pour prendre le RER.

C'est peut-être la boisson. Sur le quai, je lui lâche : "Parfois, je t'aime tellement que j'ai l'impression que mon coeur va exploser." Il pose sa tête sur mon épaule.

Arrivés à la maison, on se prend un thé Mariages. Apparemment, Paul compte lui faire livrer quelque chose pour son anniversaire. Antoine est tout excité. Je ne peux pas lutter. Je remercie Paul de m'en avoir fait prendre conscience. Je me sens conne avec mon cadeau.

Le lendemain matin, j'oblige Antoine à faire un photomaton avec moi (c'est une tradition, j'ai une collec' de photomatons avec mes amis...)

Dessus, on est beaux.

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mercredi 6 août 2003 à 18h10
"Bienvenue dans la cabine photovision..."
Gare de Z., 9 heures ce matin. Un garçon et une fille entrent dans un photomaton.

C'est la fille qui a insisté. Elle dit qu'elle adore le photomaton, qu'elle en a un avec chacun de ses amis.

Lui rechigne. Ils ne sont pas coiffés, pas lavés (ils sont partis en catastrophe). La fille dit qu'ils feront les photos en noir et blanc, comme ça, on verra moins leurs sales tronches.

Le garçon cède parce qu'il sait que quand elle veut "vraiment" quelque chose, elle n'en démord pas jusqu'à ce qu'on accède à sa demande.

Ils font deux photos. Une chacune. Il lui demande laquelle elle veut. Elle dit qu'elle s'en fiche. Que les deux sont biens. Sur les deux, elle est à moitié coupée. On ne voit qu'un oeil, son nez, une moitié de bouche. Lui, en revanche, on le voit en entier. Elle dit que c'est toujours pareil : il s'étale et les autres peuvent mourir.

Il prend son train; Il va retrouver celui qu'il aime. Elle n'a pas grand chose à faire. Elle doit passer voir sa grand-mère qu'elle a beaucoup trop négligée ces derniers temps.

Sur le trajet du retour, elle regarde la photo. C'est eux et ce n'est pas eux. C'est cliché, mais c'est vrai.

Physiquement, ils ne se ressemblent pas, pas à ce qu'ils sont habituellement. Elle se trouve un air ingénu, un côté minette qu'elle ne pense pas avoir. Lui a un air éthéré, très romantique, la mèche au vent. Ce n'est pas trop lui non plus.

Mais en les regardant tous les deux, elle les retrouve. Il a la tête inclinée vers elle. Est ce par affection ou parce qu'il craint que sa
tête ne soit pas dans le cadre? Elle a l'oeil grand ouvert, décidé comme si elle cherchait à comprendre le fonctionnement de l'appareil. Elle a un sourire en coin parce qu'elle n'est pas dupe de la situation.

Non, ce ne sont pas deux amoureux qui font une photo pour la ranger ensuite dans leur portefeuille et la contempler à tout moment. Quoique, elle avoue. Elle l'a rangée dans son portefeuille.

Elle n'est pas objective, pourtant, elle a le sentiment qu'il passe quelque chosedans cette photo. Une profonde affection. Une complicité particulière.

Ils s'aiment. Ils ne savent pas trop comment. Cet amour a tellement muté depuis qu'ils se connaissent. Violent, passionnel, contrarié, unilatéral, fraternel, vache, incommensurable, tendre, triste, tactile, fusionnel, exclusif, apaisé, orageux, inconditionnel.

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jeudi 7 août 2003 à 10h58
Les intuitions de Colin.
Colin appelle ce matin pour parler à Antoine... qui a déjà filé.

« Ca va pas ? » je demande, craignant le pire au ton de sa voix.
« Si, mais ça me fait trop de bonheur d'un coup. »
Colin vient de se trouver une copine avec laquelle il semble que cela se passe super bien. Mais quand on est pas habitué au bonheur, celui-ci fait toujours flipper. Je le rassure comme je peux. Je suis sincèrement heureuse pour lui. Colin est un garçon gentil, intelligent et tellement fragile en même temps.

« Arrête d'analyser. Tu es heureux, ben voilà, c'est génial. Pas la peine de remuer tout un tas de trucs ! C'est comme quand tu fais la planche. C'est naturel, facile et délicieux. Il suffit de se laisser porter... »

Je ne me connaissais pas ces savoirs nautiques dignes de Muriel Hermine, mais bon, l'image me semble assez juste...

« Mais toi aussi, tu vas trouver ce que tu cherches... » me dit Colin...

C'est marrant, quand je réconforte les gens, ils se croient toujours obligés de me dire, à un moment ou à un autre de me dire que ça va s'arranger pour moi... Je dois vraiment faire dépressive au bord du gouffre...

« Hier, quand je t'ai vu sur la terrasse, j'ai eu une intuition... »
« Ah bon, parce que tu fais Madame Soleil, aussi ? »
« Non, je te jure, ces intuitions, c'est pas n'importe quoi... Ca fonctionne vraiment... »
« Bon et alors, tu voyais quoi pour moi me concernant ? Le couvent ou l'hospice ? »
« Non, je te voyais heureuse. Dans le Sud, avec tes enfants, trois ou quatre... »
« Dans le Sud ??? Je déteste le Sud ! Au-delà de la Loire, c'est le bagne pour moi ! «
« Tu n'as pas des origines dans le Sud ? »
« Euh bah si... Italiennes... un peu... »
« Et tu n'aimes pas l'Italie ? »
« Si j'adore... Donc je vais me maquer avec Eros Ramazzotti... »

C'est con, mais les intuitions de Colin, elles me font du bien... On a besoin de s'entendre dire des choses positives, même si elles ne reposent que sur du sable et deux verres de trop dans le nez.

Colin me parle du photomaton.

« Tu peux pas m'en faire une copie ? Vous êtes biens tous les deux dessus. Elle a un truc de spécial cette photo. Il y a untruc qui passe entre vous et ça se sent... »

Ah... Comme quoi, il n'y a pas que moi qui projette des trucs sur ce petit bout de papier...

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jeudi 7 août 2003 à 20h55
J'achète !
Demain, je pars pour Venise. Je m'en faisais une joie il y a encore quelques jours. Mais maintenant, je me sens bouffée par plein de conneries.

Je laisse derrière moi un Antoine très amoureux, et qui, au cas où je ne l'aurais pas compris, me le répète en boucle.

Je laisse derrière moi Colin, également en pleine Love Story et qui me réclame des adresses d'hôtel à Rome pour y emmener sa chère et tendre.

Je laisse Bertrand et un goût d'inachevé. Je pense l'appeler demain peu avant mon départ. J'ai envie de lui dire mon envie de ne pas laisser filer les choses. Quitte à le faire flipper. J'ai la faiblesse de croire aux histoires qui commencent joliment, même si elles sont bancales. j'ai envie de lui dire que je veux juste ses conversations, souvent, ses lèvres sur les miennes et ses mains sur mon corps, parfois. J'ai envie de lui dire que "la courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur", parce que ce sont les seuls vers de Paul Eluard que je connaisse.

Je laisse les plantes crevées de mes parents (pourtant je les ai arrosées tous les jours...)

Je laisse mon appartement dans un état innommable.

Je laisse Elo qui m'a l'air repartie d'un (très) bon pied.

En revanche j'emporte un noeud dans l'estomac, venu de je ne sais où. Je culpabilise mais ne sais de quoi.

C'est au tour de Mat' de se faire du souci pour moi. Elle me dit les choses simplement. A peur d'être maladroite, de me blesser. Je lui dis qu'elle est une de mes amies les plus chères et que je sais que les mots qu'elle pourra dire ne sauraient me faire de peine. Au contraire : ils sont la preuve de son amitié. Elle me dit que cela ne peut plus continuer ainsi avec Antoine. Je lui dis que je ne me connaîtrais pas, je me trouverais profondément pathétique.

Pourquoi je ne sais pas, comme ma mère, voir les choses avec simplicité? Pourquoi faut-il toujours que je triture les événements, trouve à chaque fois le hic, me complaise dans l'auto-contemplation ? Je me fais honte avec mes problèmes de seconde zone.

Je vais voir "Le coût de la vie". Antoine me dit que le personnage de Vincent Lindon me ressemble. Un type à la générosité exacerbée, pour mieux acheter l'estime des autres. C'est vrai. Moi aussi j'achète les gens pour qu'ils m'aiment. Je ne sais pas ce qu'est le geste gratuit, ni même le don.

J'achète. Je ne sais faire que ça. Acheter et me lamenter.

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vendredi 8 août 2003 à 12h03
La vie est parfois mal faite
J'ai envie de parler à quelqu'un mais il n'y a personne...

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lundi 18 août 2003 à 10h31
Venise, sans heurts
Vacances paisibles. Nous habitons un petit appart', sur une île de pêcheurs, désertée par les touristes.

On ne se sent pas obligés d'enchaîner les visites. J'enchaîne, en bouquinant, les verres de Prosecco à la terrasse des cafés. Je joue à la Vénitienne avec mon italien de cuisine. Il n'y a que moi qui y crois. Mais c'est bon de jouer. Un vieux monsieur me demande si j'habite le quartier. Je lui réponds que je ne suis pas italienne, ou alors, de très loin. "Vous avez les yeux aussi bleus que le Grand Canal. Et vos cheveux prennent la lumière comme les filles d'ici." C'est bateau, cliché, mais ça fait du bien. Je suis d'ici. Un peu.

Hannah, Louis, Marianne et Lily s'entendent à merveille. On a des discussions de vacances, celles qu'on peut se permettre avec les gens avec lesquels on est bien. C'est souvent Hannah qui lance les sujets :
"Quels prénoms pour vos enfants ?"
"A quoi ressemblera votre mariage?"
"Racontez la fois où vous vous êtes le plus méchamment fait larguer..."
"Qui vous a fait la plus belle déclaration d'amour de votre vie?"

On raconte, chacun tour à tour. On rigole, on s'offusque, on parle jusqu'à pas d'heures sur notre terrasse qui domine la ville. Ou alors, on va s'asseoir près du ponton avec une bouteille. L'eau clapote à nos pieds. Les ponts qui mènent à l'île tranchent dans le noir de la nuit. C'est bon d'être avec des gens simples. Des gens qui ne jurent pas que par l'analyse, qui ne voient pas, dans chacune de vos phrases, même la plus anodine, de quoi illustrer une théorie lacanienne.

Lily et Louis arpentent la ville. Elle veut tout voir. Marianne et Hannah sont moins stackhanovistes. Pour ma part, je fais le minimum vital. La Biennale d'Art Contemporain. On a l'impression que l'ensemble des clients de la boutique Colette se sont téléportés ici. Un repaire de branchouilles...Les œuvres du français Bustamante sont décevantes. Les Russes proposent de magnifiques pastels sur cartons représentant une ville, ainsi qu'une fresque qui mêle allègrement kitsch américain et réalisme socialisme. J'expose à Marianne ma théorie très poussée quant à l'art contemporain : "Face à une œuvre, je me demande toujours si je la mettrais dans mon salon..."

Lily sort en trombe du pavillon tchèque. Un Christ immense y est représenté. En guise de suaire, il porte une tenue de gymnaste. En guise de croix, il est en appui sur des anneaux. De part et d'autre, des installations vidéos représentent des hooligans qui le huent. Je trouve ça très beau. Mais sors pour rechercher Lily, visiblement choquée. Je ne la trouve pas. Mais tombe sur un garçon. Il me regarde. Je lui lance un sourire. Il me fait un signe, désignant Lily, derrière des buissons touffus en train de vitupérer contre la débilité de certaines œuvres. Je remercie le jeune homme d'un sourire. Qu'il me rend. On ne se quitte pas des yeux. Je devrais aller lui parler. Je n'ose pas.

"Arrête de draguer ! " gueule Lily que la République Tchèque a, apparemment, fortement agacée. Je m'étonne de sa réaction, d'autant qu'à ma connaissance, elle n'est pas catho.

"C'est définitivement pas une ville pour rencontrer un mec." Je dis dans un éclat de génie. Il n'y a que des amoureux partout.
"Ouais, répond Lily, je pense que pour être encore moins emmerdées par des mecs, on peut envisager que les vacances à Mykonos..."

Nous arrivons à la dissuader de faire un tour en gondole. Nous allons à la plage, mangeons des gelati à la pelle (enfin, bon, j'avoue... Surtout moi...)

Je dors beaucoup, ce qui pousse Lily à écrire sur une carte à des amis communs "C'est sympa ici, sauf que, Aubépine devant faire une sieste toutes les trois heures, le rythme des visites est très sporadique." Je griffonne pour ma part que Lily a emballé un pigeon sur la place St Marc.

Je visite l'Accademia avec Marianne et Hannah. Celle-ci est fan du Tintoret. Marianne scotche sur les Giorgione. Pour ma part, je ne décolle pas des Bellini (pas les cocktails, hein... Y'a pas que la biture dans la vie... Il y a aussi la culture ! )

Le soir, on écoute David Bowie. Je fume ma clope, assise au bord de la fenêtre, en bouquinant "Le meunier Hurlant" d'Arto Pasilinaa que j'ai ramené.

Parfois, l'angoisse remonte à la surface. Elle est vite annéantie par les rires et les blagues de mes camarades...

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lundi 18 août 2003 à 11h19
Samedi en demi-teinte, dimanche en chapeaux.
Coup de fil à Carla pour prendre un verre. Antoine appelle juste après. Il nourrit le chat d'un ami dans le quartier. Il se propose de nous rejoindre.

En terrasse, elle commence à interroger Antoine sur son homosexualité. Je me rends compte que c'est un sujet que nous n'abordons jamais tous les deux. Nous l'éludons. Peut-être parce que c'est suffisamment présent entre nous pour que nous n'ayons pas, en plus, envie d'en parler. Carla lui demande depuis combien de temps il sait, si ses parents sont au courant, l'interroge sur son nouvel amoureux. J'écoute d'une oreille. Je n'ai pas envie d'entendre. Et d'un coup, je me demande : "mais qu'est ce que je fous là ? Qu'est ce que je fais à passer mon temps avec un mec, qui, de toutes façons, ne voudra jamais de moi?" Si je veux devenir une fille à homos, je suis totalement sur la bonne voie. Je crois à une manœuvre volontaire de Carla pour me démontrer l'absurdité de ma situation et l'en remercie secrètement. Celle-ci m'avouera que ce n'était absolument pas conscient, qu'elle était juste curieuse. Au final, le résultat est le même. Il faut que j'arrête ça fissa. Je n'ai pas à m'accommoder de la souffrance permanente. Avant de partir à Venise, j'ai déjà chargé Antoine de donner notre photomaton à Colin (je passais mon temps à m'abîmer les yeux sur cette photo stupide...)
Devant sa surprise ("Elle ne te plaît pas, cette photo de nous ?"), je rétorque que Colin en avait réclamé une copie. Autant lui donner l'original.

Carla partie, nous nous engueulons avec Antoine (pour changer) :
"Ca m'énerve. Dans notre relation, tu es en position de force."
"Et comme tu aimes le pouvoir, ça te met hors de toi..." rigole-t-il

Je déjeune le dimanche midi avec Jérémy. J'adore ce type. Toujours là quand je n'ai pas la pêche, intelligent, caustique, beau à sa façon. On prend un thé chez lui puis nous retrouvons Théo.

Je suis avec mes deux anciens amoureux. Mais nos liens avec Théo se sont distendus, tandis qu'ils se sont renforcés avec Jérémy. Marianne nous rejoint car je lui ai signalé la présence d'un marchand de chapeaux sensas à des prix défiants toute concurrence. J'en achète un noir avec des plumes et une capeline avec des plumes aussi. Je ne le porterai jamais, mais il me plaît trop pour que je le laisse filer.

Marianne est fan de Jérémy. "Il est très attentionné" note-telle. C'est vrai. Marianne, elle, est folle d'un Australien apparemment adorable. Elle est magnifique, son bronzage ressortant avec sa chemise blanche. Elle me dit de faire attention à moi : "Je n'aime pas que mes amis soient malheureux. Tu mérites mieux que de la peine."

Dans le RER, je décide d'étrenner mon chapeau. Après tout, après le RER, je pourrai le mettre n'importe où. Les gens me regardent de travers. Moi, je prends l'air détaché, plongée dans la lecture d'un roman atrocement chiant.

J'appelle ma grand-mère. "J'ai trouvé un chapeau pour le mariage..."
"Quelle couleur?"
"Noir"
"Tu ne pourrais pas mettre autre chose? Pour une jeune fille en plus, le noir, c'est triste..."
"Mais c'est la seul couleur que je porte..."
"Je sais bien..." soupire-t-elle, comme si je venais de lui annoncer que non, décidément, je serais toujours d'un niveau déplorable au hula-hoop.
En rentrant, j'appelle Marianne :
"Merci pour cet après-midi... Je voulais juste te le dire, parce que voilà, ça m'avait fait super plaisir. Et puis, le fait que tu me considères comme ton amie, alors qu'on se connaît que depuis deux, trois mois, ça me touche énormément..."

C'est bon de dire aux gens qu'on les aime.

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mardi 19 août 2003 à 10h05
Voisine, mon amour
Je garde la maison de mes parents. Une grande maison, avec plein de trucs qui grincent la nuit, un grand jardin facile d'accès, bref, tout pour vous faire passer une nuit sereine et reposante.

J'ai donc installé mon campement dans le salon. Cela fait plusieurs jours que je me ruine le dos à dormir sur le canapé, le chien de la famille à mes côtés qui ronfle comme un sonneur. Si un rôdeur venait, je ne pense pas que je pourrai compter sur ce délicieux clébard pour m'aider de quelque façon. Il roulerait une grosse gamelle au premier pervers qui aurait des envies de m'égorger. J'ai donc planqué sous ledit canapé un couteau de cuisine. On ne sait jamais. Mon portable et le téléphone fixe sont également à portée de main.

Depuis que je suis rentrée d'Italie je dors donc en moyenne quatre heures par nuit. Inutile de préciser que, l'aurore venue, je ne suis pas d'une humeur délicieuse...

Ce matin, en sortant, je tombe sur une sympathique matrone dont le visage m'est vaguement familier.
"Bonjour ! Je suis une de vos voisines ! " me dit-elle d'un ton guilleret.
"Bonjour."
"Dites moi, votre chien, qu'est ce qu'il hurle dans la journée ! "
"Ce n'est pas mon chien, c'est celui de mes parents. Je garde leur maison."
"Ah ben n'empêche, je vous dis, il hurle toute la journée !"
"..." (que voulez-vous répondre à ça ? "Oui, je sais, mais ne vous en faites pas, dès ce soir, je lui tranche les cordes vocales avec mon couteau de cuisine????")
"Et puis il hurle toute la journée, hein... C'est parce qu'il est tout seul..."
"Oui, mais voyez-vous, je me vois difficilement l'emmener au travail..."
"Vous pourriez lui acheter des jouets, ça l'occuperait..."
"Mmmhhh..."
"Non, mais moi je vous dis ça, c'est pour votre bien..." (nous y voilà...) Parce que bon, s'il y a des gens malades ou fatigués, ils peuvent envisager de porter plainte..."
"Vous voulez dire que VOUS envisagez de porter plainte..." (mon RER vient de me passer sous le nez et je deviens passablement hargneuse...)
"Oh moi, non, mais les autres..."
"Quels autres?"
"Ben les autres..."
"Bon, écoutez, vous m'envoyez les flics si vous voulez, je me débrouillerai avec eux... Là, je dois aller travailler..." (genre, je glande pas moi, à saoûler mes voisins avec leurs bestioles...)
"C'est pas la peine de vous énerver..."
"Je ne m'énerve pas mais cela fait deux RER que je rate, j'aimerais aller au boulot au lieu d'écouter des discours sur la psychologie animale."
Long silence.
"Vous n'aimez pas les animaux." me lance-t-elle avec le sérieux de Brigitte Bardot devant un chat avec trois pattes et un oeil.
"Non, franchement non, je ne les aime pas, je n'irai pas acheter de jouet à ce chien qui peut très bien jouer tout seul. Comment font les enfants uniques selon vous ?Mais je vous rassure, je le nourris quotidiennement... Maintenant, si en plus des flics, vous voulez appeler la SPA..."
"Vos parents vous ont très mal élevée, Mademoiselle..."
"Ah ben oui, faut appeler la DDASS aussi !Au revoir Madame..."

Reste à annoncer aux parents que, en plus des plantes, j'ai entretenu, durant leur absence, les relations de bon voisinage...

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mardi 19 août 2003 à 15h34
Des bouquins et des hommes
Je profite du dej pour aller faire un saut dans les librairies. Je ressors avec 5 bouquins.

Lettres à Mlle Blumenfeld, de David Mc Neil

Kyoko de Murakami Ryu

Le destin de Nathalie X de William Boyd

Je rachète également Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim. On a du me l'emprunter car je n'arrive plus à mettre la main dessus.

Les secrets de Jeffrey Aspern font aussi parti du lot. C'est Marianne qui me l'a recommandé. Je n'ai jamais lu Henry James. J'ai un problème avec les écrivains qui ont "James" dans leur nom. Genre PD James ou James Joyce...
J'hésite devant un bouquin de Marc Augé. Puis me dis que, comme tous les ouvrages de socio, d'ethno ou d'anthropo que je possède, il finira, rongé par la poussière et l'humidité sans qu'aucune de ses pages ait jamais vu la lumière du jour.

Les livres, offrir des livres, c'est pas rien quand même (c'est décidément la journée des scoops...) Il ne me viendrait pas à l'idée d'offrir un livre que je n'ai pas lu, par exemple. Si j'offre un livre, c'est parce que je l'ai aimé, parce que j'ai envie qu'une personne que j'aime aime ce que j'ai aimé (richesse et variété du vocabulaire, quand tu nous tiens...)

Quand j'offre un livre, c'est une preuve d'amour. Je t'aime assez pour que tu partages un bout de moi. Il y a des gens, même si je les connais depuis longtemps, je sais que je ne leur offrirai jamais de livres. Il y en a d'autres que je connais depuis une semaine, j'ai déjà envie de leur offrir la Pléiade en intégral (euh, non, j'aime pas La Pléiade... Ca fait bouquin de vieux...)

Offrir un livre à un garçon, par exemple...C'est souvent assez emblématique des rapports que vous entretenez avec la personne. A Jérémy, j'ai offert des livres que j'aimais, enfant (il est fan d'illustration). Lui ne m'en a jamais offert. Il m'offrait du vin ("Et bon anniversaire ma pochetronne !" ) Ca reflète assez bien ce qu'a pu être notre flirt. Micha m'offrait des bouquins qui me passaient bien au dessus, genre, écrivain mésopotamien du Vème siècle aux phrases encore plus longues que celles de Proust. Jean m'offrait des bouquins d'archi avec trois tonnes de dessin sur la première page. J'ai aussi remarqué que je tombais systématiquement amoureuse des garçons au moment où je les accompagnais dans des librairies...

"Ca va. On se fait plein de petits cadeaux, des bouquins..." C'est quand il m'a dit ça que je me suis dit que, effectivement, entre Antoine et son Jules, c'était une affaire qui roule.

En fait, je voudrais un garçon qui m'offre plein de livres.

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mercredi 20 août 2003 à 15h21
Du coq à l'âne
Rendez-Vous demain soir avec Bertrand, après envois de plusieurs mails de part et d'autre.

Pari avec Elsa : elle pense qu'il y aura dérapage. Je pense que non. Un dej' est en jeu.

Nul doute que je préférerais inviter Elsa.

Ai regardé hier soir deux films de Sautet avec Justine. N'avais jamais vu les Choses de la Vie avec Piccoli et Schneider. Joli film. Bizarrement, la chanson interprétée par Romy Schneider ne figure à aucun moment. C'est Jean qui m'avait saoûlé avec cette chanson. Il l'adore. Dialogues de Dabadie parfaitement ciselés (comme d'hab').

Association d'idées : son fils (à Dabadie) sert de traducteur à l'entraîneur de foot de l'équipe nationale du japon. Un jeune homme carrément beau. Il semble être également au goût des Japonaises puisqu'il possède son propre site web avec tout un tas de photos notamment de sa prime enfance. Il faudra que je pense à demander à No si elle le connaît, elle qui gravite dans la communauté française tokyoïte.

No semble d'ailleurs vouloir rester au Japon définitivement. Elle parle désormais de la France avec horreur. Et insiste sur le manque d'humilité dont nous souffrons gravement. Je l'écoute mais me dis que c'est triste de penser que notre amitié risque de s'effilocher dangereusement. Rien ne semble plus la retenir ici. Elle se construit une autre vie, là bas. Là où se trouvent ses racines maternelles. Départ sans retour. Mais retour aux sources.

Tout en bossant, je télécharge de la musique.
Beaucoup de Death in Vegas, le dernier album.
Journée calme.
Décidément très calme.

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jeudi 21 août 2003 à 11h08
Etre le "rien" de quelqu'un
Carla et Jérémy se sont rencontrés. Malheureusement, celle-ci lui a révélé un truc sur moi que Jérémy ne savait pas.C'est de ma faute, j'aurais du la briefer avant.

Nous prenons donc un pot avec Jérémy sur la place de la Sorbonne (beurk ! )
"Pourquoi tu ne m'en as pas parlé, Aubépine?"
"Parce que tu n'aurais pas compris."
"Tu me l'aurais dit un jour ou l'autre..."
"Non, je sais pas... Pas forcément..."

Ca jette un froid. Je triture nerveusement les pages de mon livre.

Jérémy continue :
"J'ai dit à Carla qu'il ne s'était rien passé entre nous."
"Ah bon, pour toi, c'est "rien". Ca fait plaisir."
"Un flirt, quoi...."
"Oui, oui, "rien", j'ai bien compris..."
"C'est sûr qu'on a pas vécu les choses de la même façon..."
"Mmmm... Excuse moi, mais être assimilée à un "rien", ça a du mal à passer..."

Je suis le "rien" de beaucoup de garçons. C'est moche.

J'ai Bertrand (du journal) au tel ce matin qui m'engueule parce que le rencard avec Bertrand 2 prend le pas sur un dîner qu'il prévoyait. Je les adore Aube et Bertrand. Ce sont un peu mon grand frère et ma grande sœur. Tout comme Gwen.

Le journal me manque beaucoup.

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lundi 25 août 2003 à 11h09
Le blues vous va si bien...
J'ai blindé mon week end. Je ne veux pas rester seule.

Justine et son copain viennent dîner vendredi soir chez mes parents. Nous faisons un barbecue sur la terrasse. "Je te trouve resplendissante" me dit Justine
"Tu te fous de moi, non?" je réponds.
"Bah non, je sais pas... Y'a un truc... T'es vachement bien, je trouve..."
Le blues me va bien, alors...
On met Bowie à fond sur la platine. On parle de rock. Le copain de Justine est super calé. Ju et moi, on aime pas les Rolling Stones. "C'est bourrin, non?"
Les hurlements de Stan nous font comprendre que ce n'est pas la peine que nous envisagions une quelconque carrière de critique musical.
J'aime Justine parce qu'avec elle, mes jérémiades ne prennent pas. "C'est facile pour vous, je dis, vous êtes ensemble depuis longtemps, ça roule... Mais moi, j'enchaîne les histoires à la petite semaine. Ca doit bien vous faire rigoler tout ça..."
"Ben oui, répond Justine, d'ailleurs avec Stan, on passe nos soirées à se foutre de ta gueule, c'est bien connu...."
Je souris. Ca me fait du bien de passer la soirée avec eux. Ils s'aiment, d'une force qui crève les yeux mais d'une façon pas du tout excluante. Je ne tiens pas la chandelle. Ils sont là pour moi, pour me chouchouter, me remonter le moral.

Samedi, je déjeune avec No. Du shopping est prévu dans l'après-midi. Elle m'offre une paire de baguettes perso et un plat marocain. Ca me touche d'autant plus que moi, j'arrive les mains vides.
"T'es particulièrement jolie aujourd'hui" me lance-t-elle
Décidément, c'est la loi des séries. No me dit que je mérite mieux qu'une place de deuxième. Je sais pas. Dans ce cas précis, je sais pas.

Au Comptoir des Cotonniers, je me lâche sur un T Shirt bleu pétrole, une jupe noire asymétrique et une blouse roumaine, noire également. Nous investissons également dans des sous-tifs. Un véritable déchaînement. Là encore, je n'achète que du noir. C'est la couleur qui me va le mieux. Nous retrouvons Elo et prenons un verre.

Je rentre chez mes parents pour ranger avant le retour imminent de ma sœur (j'oublie de sortir le couteau de cuisine de dessous le canapé ce qui me vaut aujourd'hui les moqueries de Béatrice et m'oblige à lui expliquer mon histoire de camping sur le canapé. Elle est morte de rire...)

Coup de fil de Marco, mon cousin italien.
"Ben alors, il paraît que t'étais à Venise?
-J'ai essayé de vous appeler tous les jours...
-On était à la montagne...
-C'est dommage parce que je suis venue avec trois copines ultra mignonnes..."
Marco lance un hululement de dépit...
"Bon, sans ça, t'as pas changé, t'es toujours blonde?
-Oui
-Bouclée?
-Oui
-Chiante?
-Pas de soucis...
-Et tu parles toujours aussi mal italien apparemment...
-Oh ça va hein...Marco ?
-Oui?
-J'aurais bien aimé vous voir...
-En venant en plein mois d'août, c'est pas gagné...
-Viens à Paris...
-Si tu me présentes des copines...
-Promis !"

Marco répond tout à fait à l'idée qu'on peut se faire de l'Italien de base... Une vraie pub pour l'office du tourisme.

Dimanche, brunch avec Marianne et Hannah, pot avec Carla et Malia ensuite. Je ne suis pas au mieux de ma forme. Carla me dit que ce que les gens aiment chez moi c'est ma "pureté".
"Pardon?
-Bah oui, ton côté romantique nunuche assumé..."
Vu que Barbara Cartland n'est plus, je me dis qu'il y a un créneau à occuper.

Dîner avec Gwen, Bertrand et Aube.
Gwen demande : "Alors, avec Bertrand 2?"

"J' ai pas envie d'en parler." Je réponds. Ca laisse les trois comme deux ronds de flanc. D'habitude, je ne rechigne pas à raconter mes histoires à grands renforts de moulinets de bras, d'imitations, d'exagérations... Là, j'ai envie de garder ça pour moi. Je n'ai pas envie qu'ils émettent un quelconque jugement sur cette histoire, notamment Gwen qui fait rarement dans la dentelle ("C'est un gros connard, putain, celui là, c'est vraiment un abruti de première...")On dîne vers Nation. Je n'arrive pas à me concentrer sur la conversation. Je me fais plusieurs fois rappeler à l'ordre. "Tu es vachement jolie, ce soir" me dit Bertrand...Décidément, il faut que j'envisage de me faire jeter en l'air un peu plus souvent, ça me va bien au teint apparemment...

Je prends congé tôt, vers 23h30. Je rentre à pied. Je prends le boulevard Voltaire, désert à cette heure ci. Je chantonne pour faire passer le temps.
Rentrée chez moi, je n'arrive pas à dormir et regarde Les Parapluies de cherbourg.
Je me rends compte que, quand je l'avais vu pour la première fois vers 10-11 ans, je n'avais rien saisi.

Ce film est magnifique. A l'aune de mes 23 ans, il rayonne.

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lundi 25 août 2003 à 15h11
Comment deux morts-vivants blvd St Michel reprennent figure humaine vers la rue St Jacques...
Antoine vient de se faire plaquer par son jules (par mail, la classe...)
"On est synchro, là, tous les deux..." ironise-t-il.
"C'est malin." je réponds.
Nous marchons sur le boulevard. A un moment, nous croisons nos reflets dans la glace d'une boulangerie. Nous nous regardons et éclatons de rire. On n'est vraiment pas beaux à voir, nos poings serrés au fond des poches, une moue boudeuse aux lèvres, à pousser à intervalles régulières des soupirs à fendre l'âme.
"Bon, faut qu'on arrête, là... On dirait qu'on rentre de Tchétchénie..." je dis. Antoine acquiesce.
On se pose pour déjeuner. On parle de Paul, de cette réaction un peu inattendue. Ou, au contraire, compréhensible du fait qu'il ait un mec depuis plus de dix ans...
"Si ça se trouve, c'est son officiel qui l'a obligé à écrire le mail, avec un flingue braqué sur la tempe ..." hasardé-je.
"Non, je pense pas... Sans ça, le mail aurait été bardé de "gros connard", "petit enfoiré" ou autres trucs de ce genre..." rigole Antoine.
"Tu fais peu de cas de sa subtilité, dis-moi..."
Je repense à cette discussion qu'on a eu l'autre jour, sur le fait qu'on devrait ouvrir une librairie.
"Ah ouais, m'avait dit Antoine, c'est vrai que des librairies gays à Paris, y'en a pas beaucoup...
-Mais pourquoi "gay" la librairie??? En gros, pendant que tu dragues, moi je me fais le sale boulot??? T'es vraiment égoïste !
-Booon, d'accord...
-D'autant que, comme librairie gay, y'a déjà Les Mots à la Bouche, qui est vachement bien...
-Qu'est ce que tu vas fabriquer là-bas, toi?
-Bah, je drague, tiens...
-T'es conne..."

Bref, nous avons mis au point une judicieuse répartition des tâches : Antoine range les livres du haut d'un escabeau, comme ça, les clients intéressés par autre chose que les livres (et les filles) seront contents, tandis que je me range derrière le comptoir, avec mon décolleté et un sourire jusqu'aux oreilles... C'est beau la parité...

Mon portable sonne :
"Aubépine ? C'est Thomas..."
"THOMAS!!!!!"
Antoine manque de faire un infarctus et les autres clients se demandent depuis quand les Walkyries ont droit de cité dans les restaus parisiens.
"Tu as laissé un message pour moi aux Folie's, je rappelle..."
Je n'avais pas de nouvelles de Thomas depuis au moins février (je n'en avais pas donné non plus, il faut bien l'avouer...) Habitué des Folie's, j'avais demandé au patron de lui dire que j'étais passée et aimerais le voir... Je ne vais pas vous refaire un speech sur Thomas, j'en ai déjà parlé... Mais je vous jure : je connais peu de journalistes aussi brillants et aussi pédagogues (ben oui, c'est quand même le seul qui a eu le courage de me former aux joies de ce sympathique métier...)
On parle de nos boulots, de nos derniers projets... J'ai l'impression de repartir 7 ans en arrière quand il m'appelait pour me dire que j'étais bonne pour venir bosser le week end ("et pas de discussion, OK?") Un dîner est prévu prochainement avec Zaï, peut être Grégoire... J'ai hâte. Je sautille comme une gamine. Je chantonne "Sur les abords du périphérique, j't'ai aperçue par ma viiiii-treu..."
"C'est quoi, ça??? demande Antoine atterré par mes goûts musicaux.
-Alain Chamfort, "Baby Lou"...
-Mon Dieu..." soupire-t-il.

Oui, bon, j'avoue que pendant les vacances, je lui ai aussi infligé... Michel Delpech.
"Mais c'est pas possible... T'étais ménagère de moins de 50 ans dans une autre vie ou quoi???"
-Ben quoi, j'aime bien moi, Michel Delpech..."Wight is Wiiiight, Dylan is Dylaaaaan..."

Non, mais sans ça, je vous jure, j'ai des goûts honnêtes. Tenez, là, présentement, j'écoute les White Stripes...
C'est juste que mon oncle Anatole, quand il me baby-sittait, me mettait Alain Chamfort en boucle... Et comme tout ce que faisait Anatole était parole d'Evangile (il a quand même réussi à me persuader, quand j'avais 5 ans, que je ne grandirais plus...Je m'étais donc faite à l'idée que je ne dépasserais jamais 1m28...)Bon, ça aurait pu être pire... Michelle Torr, par exemple...

Nous ressortons du dej' regonflés à bloc. Antoine met juste un bémol :
"Tu peux juste arrêter de chanter "Pour un flirt avec toi" pendant deux minutes? J'en peux plus, là..."

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mardi 26 août 2003 à 10h29
Allons-z-à la campagne...
Justine est venue à la maison hier soir pour mater les Liaisons Dangereuses à la télé.
"Euh... J'ai eu la flemme de faire les courses" je dis.
Inventaire du congélo : du poisson et au moins trois paquets d'épinards hachés (je suis un peu une monomaniaque de l'épinard... J'adore ça, ce qui me valait l'affection sans bornes de la dame de la cantine quand j'étais en maternelle...)
"Bon... On va aller se chercher des pizz', non ?"
"Ce serait pas du luxe..." assène Justine déprimée par le contenu du congélo.

Donc, les Liaisons Dangereuses. Une adaptation honnête si on passe sur le jeu sans nuances de Rupert Everett, les minauderies de Natassja Kinski et les costumes de Catherine Deneuve (c'est pas possible, Jean-Paul Gaultier a voulu lui faire une blague ou quoi???)

"Au fait, me dit Justine, mes grands-parents proposent qu'on vienne passer un week end chez eux dans la Nièvre en septembre..."
"Ouais !"

Non, non, je n'ai rien pris d'illicite. Ca me fait vraiment plaisir de passer un week end dans la brousse avec des personnes de 70 ans et des brouettes. Parce que, quand on arrive chez les grands-parents de Justine, c'est génial.

D'abord, qui dit "grands-parents dans la Nièvre" dit forcément "grands parents mitterrandiens" donc de gauche. Eh bien chez moi où le grand-parent de gauche est une denrée aussi rare qu'un neurone chez Stéphanie de Monaco, ça fait du bien. Imaginez un dej' qu'on termine sans porte qui claque, sans "n'empêche, le 21 avril, vous faisiez moins les malins", c'est reposant... Quoique, la dernière fois qu'on est venues, le grand-père de Justine nous avait un peu engueulées : on n'avait pas voté PS au premier tour de la présidentielle. Comme beaucoup de monde, on envisageait de s'y mettre pour le deuxième tour...Non, les grands-parents de Justine sont fantastiques. Sa grand-mère est une Juste, c'est-à-dire qu'elle a sauvé des Juifs pendant le Seconde Guerre Mondiale.

Et puis il faut reconnaître que chez eux, on picole bien. Son grand-père nous sort toujours des supers vins pour les repas. Impossible de sacrifier le sacro-saint apéro ou d'avoir à quelque moment que ce soit son verre vide. Bon, ça, c'est super sympa. Le seul souci, c'est qu'après, il faut assurer la conversation. Hors, je tiens super mal l'alcool. Quand j'ai bu, j'ai l'œil gauche qui part en sucette, je ricane bêtement et je peux difficilement faire trois mètres sans me vautrer par terre. L'année dernière, Justine et moi avons ainsi fait la visite de Nohant (la maison de George Sand) mortes de rire en nous prenant des portes sous l'œil désespéré de la guide ("Donc, c'est ici que George recevait ses invités, dans ce magnifique salon au style baroque... Mesdemoiselles, non mesdemoiselles, on ne s'assied pas sur le canapé Louis XV!!!!")

Cette maison (des grands-parents de Justine, pas de George Sand, hein...) n'a rien de particulier. Mais elle est sympa. C'est ici que nous avons déboulé juste après le bac, pour les vacances, à une petite quinzaine de copains. Depuis, la grand-mère de Justine refuse de la lui prêter à nouveau. Et l'expérience "vacances 97" est fréquemment rappelée à l'intéressée. Bon, il faut bien dire que nous avions un peu semé le souk dans le village. On mettait FFF à fond toute la journée, on faisait pétarader la mobylette de Justine dans tout le patelin et on terrorisait les caissières du Shoppi ("QUOI?????? Vous avez plus de Nutella????" "Nnnnon...")

Le problème, c'est qu'on avait aussi mis le souk "dans" la maison. Fanny a pété la balançoire en s'asseyant dessus, on avait mis au lave-vaisselle les verres en cristal de la grand-mère de Justine (mais on savait pas que c'était du cristal...), on a du également un peu trop sauter sur les lits (des lattes avaient pété...) Pour ma part, j'avoue avoir fait de la mobylette dans le jardin (c'était pour m'entraîner...). A la fin, les plates bandes du grand-père ressemblaient au circuit Carole avec de larges sillons creusés entre deux bégonias (preuve que je m'étais améliorée, les sillons n'étaient pas creusés "sur" les bégonias...)
Pour arranger nos affaires, une voisine avait appelé la grand-mère de Justine en racontant que, le soir, nous nous amusions à lancer des...merguez sur les murs de la maison...N'ayant jamais assisté à l'une de ces cérémonies merguezophiles, j'en déduis que, dans la Nièvre, les champignons hallucinogènes jouissent d'un terrain fort propice à leur culture (et à leur consommation...) Justine a promis que, le jour où elle hériterait de la baraque, elle ferait payer à cette voisine ce mensonge éhonté...

Les grands-parents de Justine aiment à nous rappeler fréquemment ce séjour mémorable. Mais la grand-mère tempère en disant : "Mais je sais que toi, Aubépine, tu n'as rien fait..." Voulant conserver leur estime, j'évite d'évoquer le coup des bégonias et Justine me souffle un "Fayotte ! " bien placé. Est-ce ma faute à moi, si je n'ai pas une tête de vandale ?

En parlant de campagne (et pas de vandalisme), Libé publie une interview de Jean-Louis Murat à l'occasion de la sortie de son dernier album... Ce type doit être un sacré mégalo, mais bon, ses textes sont si beaux qu'on (enfin moi en tout cas...) lui pardonne aisément... Je me permets d'en retranscrire un extrait que je trouve assez marrant : "Chaque fois que tu demandes un prêt de 4,5% au Crédit Agricole, ils te balancent "Imagine". C'est pour ça que j'ai jamais pu saquer John Lennon. En plus, d'avoir fait spliter les Beatles à cause d'une biche-il a quand même trouvé la plus conne à New York ! - ce type a fait des chansons qui peuvent servir au Crédit Agricole !"

J'y peux rien... Ca me fait rire...

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mardi 26 août 2003 à 12h35
Justine, psy du lundi soir (assure la tranche horaire avant Mireille Dumas)
"T'AS PAS FAIT CA?" glapit Justine...
"Ben si..." je réponds honteuse.

Si, j'ai envoyé un mail à Bertrand pour lui dire que, voilà, j'ai besoin d'un peu de temps sans le voir, que je le trouvais génial, et que ça me faisait mal de passer à côté de lui. Enfin de nous...

"Bon, reprend Justine en s'allumant une Philippe Morris et en essayant de reposer le briquet parmi l'amas de trucs qui jonchent ma table basse, tu veux VRAIMENT que je te dise ce que j'en pense ?
-Euh... Tu vas m'engueuler, là, non?
-Comptes là-dessus...
-Donc, non, je ne préfère pas... Bon, enfin, si, vas-y..."

Justine soupire...
"Franchement, je me demande pourquoi je te donne mon avis, tu ne l'écoutes jamais de toutes façons...
-Mais si j'écoute !
-Y'a des gens qui se battraient pour avoir mes conseils... Je devrais te faire payer, tiens !
-On fonctionne pas pareil, c'est tout...
-Peut-être, n'empêche moi, j'ai tiré les leçons de ce qui m'est arrivé...
-Mais moi aussi !
-Tu parles, ouais..."

Justine me connaît comme personne. Le jour de la rentrée du CE1, j'arrivais dans une nouvelle école. La maîtresse lui avait demandé de s'occuper de moi.
"Comment tu t'appelles?" m'avait-elle demandé, ravie de pouvoir jouer à la poupée avec une Tinnie grandeur nature.
"Aubépine" je dis entre deux spasmes sanglotants.
"Comment?" demanda Justine qui, elle me le dit plus tard, n'avait jamais entendu ce prénom.
"AUBEPINE !!! T'es sourde ou quoi ???" répondis-je avec cette bonhomie qui me caractérise.
Cette conversation marqua le début d'une amitié qui dure depuis 18 ans (nous n'en sommes pas peu fières d'ailleurs...)

Enfin, en attendant, c'est moi qui me fais engueuler... Justine est effarée.
"T'as pas encore compris, que, là, tu te mettais en position de faiblesse?
-Ben si, mais bon, voilà, quand j'ai des choses à dire aux gens, je les dis...Et puis arrête un peu, tous les mecs ne profitent pas de la sincérité des filles pour s'en rengorger...
-Je dis pas ça. Je dis juste que là, tu es complètement grillée.
-Je sais
-Or, c'est bien de se la jouer détachée, genre "moi je suis trop cool et tout et tout..." pour pas faire flipper...
-Tu sais bien que je sais pas faire...
-Eh ben APPRENDS !!!!
-Et si j'ai pas envie?"

Justine lève les yeux au ciel... "Alors, là... Forcément... C'est irrécupérable..."

Honnêtement, j'admire vraiment les filles qui savent ménager leurs effets, se faire attendre et tout...Moi, je suis du genre à ruer dans les brancards. J'ai du me prendre plus de murs qu'Ayrton Senna (bon, je reconnais, elle est franchement de mauvais goût celle-là...)

"Il te faut tout tout de suite..." me reprochait Jérémy.

Il faut bien avouer que je ne compte pas la patience au rang de mes qualités... Mais bon, c'est comme une belle fringue (pardon pour cette comparaison hasardeuse...) : si elle me plaît, je ne vais pas attendre qu'elle soit en soldes !

On a mis Jeanne Moreau sur la platine (si un de mes lecteurs conserve encore une once de respect pour moi après l'énoncé de mes goûts musicaux...)

Nous arrêtons de parler pile au moment du refrain de "L'Indolente" :
"Les jeux de l'amour sont comme les jeux du hasard,
Qui rêve du cœur, souvent est servi de pique noir..."

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mardi 26 août 2003 à 15h50
FAQ
Je me demande si dépenser autant de blé dans de la lingerie n'était pas une énorme boulette.

Fanny se demande si elle doit emménager avec Anne-Lise plutôt fin août ou début septembre.

Lily se demande si c'est pas Nicolas Rey qui fait la pub pour le parfum "Allure"

Mat se demande si tous ses papiers sont bien en règle pour son départ en Acadie.

Marianne se demande si le mec de la salsa, trop beau, va revenir danser sur les bords de Seine un de ces soirs.

Gwen se demande si c'est normal de se faire piquer six vélos en un an.

Maud se demande si quand un mec lui dit qu'elle est "aussi jolie que Lara Fabian", elle doit le prendre comme un compliment.

Justine se demande qui a eu l'idée de créer une ligue européenne anti-notaire.

Elsa se demande si ça se dit "avoir son comptant de quelque chose"

Ma mère se demande si je n'ai pas par hasard, un nouveau Jules (j'aurais jamais du lui parler de ces dépenses inconsidérées en fanfreluches...)

Ma cousine se demande si le sac Vuitton de la fille là-bas, est un vrai.

Lucie se demande si Tom Ford est "vraiment" un mec brillant.

Ma grand-mère se demande quel âge j'ai déjà...

Jeanne se demande si elle ne s'est pas planté en recopiant la recette du Parfait au Café, parce que, là, franchement, il n'a de parfait que le nom.

Hannah se demande si un mec et la préparation de l'agreg' ça ne fait pas beaucoup pour une seule année.

Alda se demande pourquoi nous déclinons toujours ses invitations à venir la voir chez elle en Irlande.

Julia se demande si on peut, dans la vraie vie, passer du statut de meilleure amie à celui de petite copine.

Je me demande pourquoi je n'ai pas remis les pieds au Pick-Clops depuis au moins deux ans alors que j'adorais cet endroit.

Héloïse se demande si les gens savent qu'avant d'être un personnage de "Bridget Jones", Mark Darcy est le nom du héros de "Pride and Prejudice", le roman de Jane Austen.

Alice se demande si elle n'aurait pas préféré s'appeler Angèle.

Clara se demande,si, la ménopause, ça se prépare.

Violette se demande si c'est elle qui a un problème ou si ce sont les autres.

Elizabeth se demande si ça ne vaudrait pas le coup de prendre un abonnement à la bibliothèque municipale parce que, bon, dans les livres qu'on achète, il y a forcément du déchet.

Lison se demande si les lecteurs de Zurban sont aussi graves que ceux de Nova.

Stéphanie se demande si elle est plus une mère à fille ou à garçon.

Claire se demande qui sont les gens qui vont voir les spectacles de Jean-Marie Bigard.

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mercredi 27 août 2003 à 11h26
Nocturne
Théo me demande s'il m'est possible de lire son scénario dans la soirée et de lui donner mon avis via une fiche pour le lendemain. Je me demande vraiment pourquoi il me les file à la dernière minute mais bon... Je m'apprête à refuser quand il m'annonce, que, tout le monde étant en vacances, il n'a que très peu d'avis pour le retravailler et que le mien lui serait précieux. Je me demande vraiment comment je peux encore me laisser avoir par de telles flatteries et accepte. Il doit passer vers 10heures du soir.

Antoine appelle. Les choses ont l'air de s'arranger avec Paul. Je lui propose de passer regarder la seconde partie des Liaisons Dangereuses avec moi.

"D'accord, mais tu ne fais pas de réflexions sur Catherine Deneuve." Antoine est fan. Je promets donc puisque je n'ai pas envie d'être seule. Coup de fil de Théo à 21h58. "En fait, je t'envoie ça par mail..."Bon.

Nous allons nous balader avec Antoine puisque plus rien ne me retient chez moi. Il est content. Pour Paul.
"Tu as bien fait de batailler un peu. Ca a l'air de payer...
-Attends, je sais pas, on va voir...
-A mon avis, ça a l'air bien barré quand même..."
Nous longeons le Père Lachaise en silence. Il y a très peu de voitures sur le blvd Ménilmontant. Un vélo fait résonner sa sonnette à toute volée.
"Ferme-là, crétin ! " je dis
"Aubépine..."
Il n'y a que nous sur le trottoir. Nous et des échafaudages.
"A quoi tu penses?" me demande Antoine.
-Je me dis que pour le coup, moi, j'aurais peut-être dû batailler un peu plus ferme...
-Mais tu ne le fais pas...
-Non...
-Pourquoi ?
-Parce que je n'ai pas envie de me blesser.
-Si tu te retires du jeu, c'est que tu sais que c'est mort...
-Mais non, mais je n'ai pas envie de repasser une année comme celle que je viens de passer à cause de toi, c'est tout...
-N'empêche, il est un peu lâche quand même...
-Excuse moi, mais je crois que tu es bien la dernière personne à pouvoir donner des leçons à quelqu'un en la matière. Tout du moins, en ce qui me concerne...
-C'est vrai. T'as raison..."
Nous continuons à marcher en silence. Quasiment tous les cafés sont fermés. Juste quelques bouibouis dont la clientèle déborde sur la chaussée éclaboussent le boulevard de ronds de lumière.
"Je ne veux pas te faire de la peine en disant ça... reprend Antoine.
-Et pourtant...
-Je t'ai fait de la peine?
-Oui. On dirait que ça te fait plaisir de me rappeler que pour moi, ça a encore raté, que je me suis encore fourrée dans une histoire impossible, que dès le début, ça allait forcément capoter...
-Mais non ! Je veux juste que tu fasses attention à toi..."

Nous rebroussons chemin.
"Dis moi, me demande Antoine, tu ne te balades pas trop dans les rues par ici toute seule le soir...
-Bah si, ça arrive... Quand je rentre de soirée... j'aime bien marcher la nuit...
-Oui, eh ben fais attention s'il te plaît... Je ne suis qu'à moitié rassuré de te savoir en vadrouille dans des rues où il n'y a que des mecs, comme ça...
-Oui maman..."
Antoine dit qu'au moins, avec nos histoires, on ne s'ennuie pas. "Regarde tout ce qui s'est passé cette année... Ca bouge, les choses changent en l'espace de quelques heures, on rencontre plein de monde, on s'égratigne... Au moins, ça vit ! "

Il dit qu'il sent plein de bons trucs pour moi en ce moment. Ils devraient ouvrir un cabinet de medium avec Colin... Je le soupçonne de me sortir là un mensonge éhonté histoire de rattraper les boulettes de toute à l'heure.

. Nous prenons un verre chez Mounir. "Je te raccompagne au métro" je dis à Antoine.
"Vous avez raison, les rues ne sont pas sûres" rigole un client en terrasse.

Devant chez Mokhtar, un mec que je connais de vue me demande si je sais où se trouve la rue W.
"Oui, c'est là où habite votre copine..." je réponds
"Comment tu sais?" me demande-t-il héberlué
"Parce qu'on se croise souvent..."
"Aaaaahhh... Je me disais bien que ton visage me disait quelque chose... Si je te demandais où se trouve la rue W, c'est justement pour rentrer en contact de façon pas trop brutale..."
"Bonne soirée"
"Oui et à bientôt alors..."

"Il t'embête le mec là, mon p'tit cœur..." demande Mokhtar
"Non, non, il voulait juste le chemin pour rentrer chez lui..."
Je chope ma bouteille de Contrex et file chez moi.

Le client de la terrasse me hèle : "Vous l'avez vraiment raccompagné au métro votre gars !!! Vous l'avez même pas ramené chez vous ???"
"Non, non, passée une certaine heure, je les renvoie toujours chez eux." je réponds en rigolant.

Mounir me souhaite bonne nuit en repliant les chaises de son café.

Je m'endors en écoutant Macha Béranger consoler, entre deux bouffées de cigarette et un tintement de briquet, une enième âme en peine.

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jeudi 28 août 2003 à 10h04
Phô et usage de Phô
J'ai un peu trop bu. Mais en même temps, ce n'est pas tous les jours que je revois Germain. Germain et moi nous sommes rencontrés l'année de préparation du concours. Nous avons décidé de le bosser ensemble. Nous aurions tout aussi bien pu mettre ce temps de révision à profit pour rédiger un guide des meilleurs bistrots de Paris : La Chaise au Plafond le matin pour revoir les langues, les Folie's l'après-midi pour l'histoire, le soir le Rital pour la philo. J'ai eu le concours. Pas Germain. Cela ne l'a pas affecté plus que cela, il est parti en province faire de l'art, dans un domaine où il excelle. Nous nous revoyions sporadiquement, au gré de ses venues sur la capitale ou de mes déplacements en reportage dans sa région.

Bref, hier soir, Germain était là, avec Perrine, sa copine. Nous nous retrouvons à Ménilmontant et allons nous prendre un Phô à Belleville. Je ne sais pas pourquoi, je m'attendais à ce qu'il ait changé physiquement (alors que nous nous sommes vus en janvier...). Il n'avait pas changé. Nous parlons de nos projets, de nos vies, de nos famille. Quand ils parlent, Germain et Perrine disent "on". Je dis "je".

Nous allons prendre un verre aux Folie's. "C'est là qu'on s'est vus pour bosser la première fois" remarque Germain. J'avais complètement oublié mais une fois qu'il me l'a dit, je suis même capable de dire à quelle table nous étions assis cette fois-là.

Nous sommes en terrasse. Devant nous, un homme installe ses livres sur le trottoir. Il est passablement éméché. S'asseoit dans le caniveau, adossé au pare-choc d'une voiture. Une femme lui achète quelques bouquins, lui tend l'argent. Il ne se réveille pas. La femme s'inquiète, lui glisse l'argent dans la poche de sa chemise, lui parle. Un passant le secoue. Entre son intervention et le réveil de l'homme s'écoulent quelques dizaines de secondes qui laissent prévoir le pire.

C'est à ce moment là qu'arrivent quelques policiers qui lui demandent de remballer la marchandise. La femme s'interpose, proteste avec véhémence. Les policiers restent fermes. La femme n'en démord pas. L'homme remballe ses livres, s'éloigne pendant que la passante s'énerve. Il s'approche de Pépé de Belleville (c'est lui qui se fait appeler comme ça, ça ne s'invente pas...) qui fume, adossé à une voiture. On ne comprend pas ce qui lui dit mais en dix secondes, Pépé de Belleville hurle :
"Oh ça va, toi ! Ta gueule ! Dégage, viens pas me faire chier ! Et tu me respectes, tu me respectes, C'EST COMPRIS????"

Entre la justicière de Belleville et Pépé, à la terrasse du Café, on ne sait plus où donner de la tête...Les mots fusent, on ne saisit que des bribes décousus de la conversation :
"... la bio d'Yves Montand..." dit l'homme aux livres.
"...injuste..." dit la femme.
"...la loi..." arguent les policiers
"...ta gueule..." enchaîne Pépé
"...bouchez le trottoir !!!" grogne une passante

Puis, tout se calme. Les policiers continuent leur ronde, la femme regagne sa table, Pépé s'allume une nouvelle cigarette et l'homme aux livres les redéploie sur le trottoir.

"Ca vous embête pas de tenir la boutique cinq minutes??? Je dois passer un coup de fil..." nous demande-t-il.
On répond que non, en espérant que la police ne va pas repasser immédiatement ("Dites les jeunes, c'est vous qui assurez l'interim ???" "Euuuuhhhh...")

L'alcool commence à taper contre mon crâne. Germain est fatigué. Nous rentrons. Je me fais la réflexion que, dans le métro, on voit très peu de femmes lire des quotidiens (si on fait exception des gratuits, mais bon, ça, on est d'accord, c'est pas vraiment de la presse...) Je me dis que l'émancipation passe aussi par la lecture des journaux, que ce n'est peut être pas un hasard (quand j'ai un peu bu, j'émets des théories propres à décoiffer toute l'EHESS...)

Dans la rue, une femme, connue comme un peu folle dans le quartier, fixe la devanture d'une librairie en ricanant nerveusement. Longtemps.

Je me tourne pour voir où son regard se porte. Ses yeux sont braqués sur la biographie d'Hillary Clinton.

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vendredi 29 août 2003 à 09h56
Soirée Mollusque
Je passe au Journal. En attendant que Gwen et Bertrand aient terminé leurs papiers, je bouquine les journaux que je n'ai pas eu le temps de lire. Je papote avec ceux qui sont là. Je fais des parties de PacMan. Rituel immuable.
Nous allons prendre un verre. Gwen demande ce qu'on fait après. Je lui dis que je compte rentrer. Mes excès de la veille m'ont crevée et je n'ai quasiment pas été chez moi de la semaine. Gwen semble déçue. Mais je suis vraiment nase et je ne me sens pas de discuter. Je n'ai pas envie de parler en ce moment. Parce que je n'ai rien à dire.

Nous rentrons avec Bertrand à pied. On parle boulot, de ce que je devrais faire, de ses expériences à lui De la pénurie d'embauche actuelle. Nous passons la Seine. Ca sent la rentrée, le flot de voitures a repris sur les quais, les concertos de klaxons aussi. Bertrand me laisse, je le regarde s'éloigner sur son petit vélo. A côté de moi, à un feu rouge, un groupe de Portugais parle très fort.

Je remonte la longue, très longue rue Ledru-Rollin.Une voiture passe. De la fenêtre du conducteur s'échappe l'air de "Avec le temps" de Léo Ferré. C'est d'une gaieté folle, tout ça.

J'arrive chez moi. Je zappe honteusement sur Popstars. Non, en fait, pas honteusement du tout. J'avais envie de le regarder. C'est drôle parce que, parmi les visages, on reconnaît des recalés de la Star Académy, d'A la recherche de la Nouvelle Star mais aussi des habitués du plateau de C'est mon Choix... Je me dis que mon cas est un peu moins désespéré : je regarde des conneries à la télé, mais au moins, je n'en suis pas au stade où je décide d'y participer. En même temps, c'est touchant (et je le dis sans condescendance...), ces gens qui attendent avec ferveur la décision du jury, qui placent tous leurs espoirs dans un extrait de chansons. Ces filles de 18 ans qui pleurent parce qu'elles sont recalées et qui considèrent que c'est la fin de tout. Est-ce finalement autre chose qu'un simple examen ? La seule différence, c'est que cela se passe dans un milieu plus "glitter". Quand je pense qu'il y a quelques semaines, je faisais tout un speech sur l'émission littéraire de Philippe Lefait...

Justine appelle. J'ai essayé de la joindre sans succès plusieurs fois dans la soirée. Elle a une vente, demain, qui l'angoisse. Je ne me fais pas de soucis pour elle. Elle est super compétente et, ce qui ne gâche rien, dégage énormément de charme. Le genre de fille qui vendrait sans ciller un congélo à un Inuit. Je suis contente qu'elle appelle. J'avais besoin de me faire remonter les bretelles, suite au spleen latent qui m'envahissait ce soir. Et ça, Justine sait faire comme personne.
"Mais c'est quoi, cette manie de voir tout en noir en ce moment..." rigole-t-elle. Elle me parle de Machin qui n'a réussi à décrocher qu'un CDD de quatre mois, de Truc qui est au chômage depuis deux ans, de Bidule qui vient de se faire planter par son copain... "Bon, t'en es pas là, non?"Non, effectivement. Nous prenons congé.

Je n'ai pas sommeil. Je n'ai pas envie de lire. Alors je décide de faire du ménage (à1 heure du matin, ça me semble raisonnable). Je brique la salle de bain, la cuisine, le frigo, je range mon bureau, ordonne mes disquettes, mes dossiers, mes livres. Je fais un tas de journaux à balancer. Le tas m'arrive au dessus du genou. Il y a même un Libé de mars dans le lot...

Le mariage de ce week-end me coûte bonbec. Entre les billets de train et la chambre d'hôtel, je m'en tire pour près de 150 euros. Je me demande vraiment à quoi va bien pouvoir ressembler la fête. Cela fait au moins 10 ans que je n'ai pas vu Mathilde. Je ne connais pas son futur mari, et donc, encore moins, leurs amis. J'espère juste avoir le temps d'aller voir la mer.

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vendredi 29 août 2003 à 11h28
Dialogue de sourds.
Dans le métro. J'essaie de me concentrer sur un roman imbitable (comme tous ceux que j'ai achetés dernièrement d'ailleurs...)
Je lève les yeux et constate que le type assis en face de moi me fixe avec insistance, un grand sourire aux lèvres.

"Bonjour" me dit-il.
-Bonjour.
-Excusez moi de vous déranger, mais..."
Ca y est, je me dis, le gros lourd du métro, c'est pour ma pomme. Je me demande quelle réflexion débile je vais pouvoir ajouter à ma collec' (non, non, ce n'est pas de la prétention... N'importe quelle fille peut faire de même... Le métro suscite le rapprochement... Avec mes cop's nous procédons même à des soirées best of...Ca fait un peu échange d'images Panini, c'est marrant...)

Donc, en stock, j'ai déjà (entre autres...) :
-"Vous êtes pas d'origine bretonne?"
-"Hello, are you English? American? Ah bon, t'es française..."
-"Ton père est un voleur. Il a pris toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans tes yeux..." (ça, on l'a toutes entendu au moins une fois...)
-"Vos yeux, c'est des lentilles?"
-"Je vous ai déjà croisée... Dans mes rêves..." (Stop, n'en jetez plus ! )
-"Cette bague, là, c'est une alliance?"
-"C'est quoi comme matière votre collier" (geste à l'appui, avec la main qui approche dangereusement de la gorge...)

Mais l'inconnu du métro m'en sort une inédite :
"J'aime beaucoup ce que vous faites..."
"Pardon ???"
"Ben, oui, vous êtes bien journaliste, non???"
Alors, là, je me dis, ça y est, c'est le début de la gloire... Si tes lecteurs te reconnaissent dans le métro, le Prix Albert-Londres, c'est pour l'année prochaine...
Vilement flattée, je deviens tout de suite beaucoup plus aimable (honte à toi, Aubépine ! )
"Oui, oui, effectivement... Vous avez lu mes papiers?"
"Non, non, je vous écoute... A la radio..."
Ah...
Là, je me dis qu'il y a un bug... Parce qu'à part une sortie scolaire à la Maison de la Radio, je ne me souviens pas avoir jamais brillé sur les ondes...

"A la radio?" je répète un peu ahurie...
"Ben oui, sur RTL, je vous ai vue sur RTL..."
"Attendez, vous m'avez vue à la radio???"
"Ben oui !!!!" dit le type agacé d'avoir à discuter avec une lobotomisée.
"Mais, à la radio, on ne peut pas voir les gens..., répliqué-je, pleine de bon sens, vous êtes sûr que vous ne parlez pas de RTL9, la chaîne de télé?" (je sais pas pourquoi je dis ça, vu qu'il ne m'aurait pas plus vue sur RTL9...)
"Eh ben moi je vous ai vue à RTL, la radio, vous savez..."
"Devant le siège de RTL, rue Bayard???"
"Mais non !!! Oh là là, mais elle comprend rien celle là ! Je dis que je vous ai vue "à" la radio..."

Heureusement, ma station arrive. Un peu décontenancée (j'aurais donc un sosie qu'on peut voir à la radio...), je lance :
"Bon, ben au revoir..."
Le mec tourne la tête vers la fenêtre. Je l'entends juste grommeler :
"Ouais, c'est ça... Connasse... "

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lundi 1er septembre 2003 à 12h37
week end
C'était un beau mariage. Un très beau mariage, même. Un château, avec un grand parc à l'anglaise qui s'étirait pour plonger finalement dans le fleuve.

Mathilde était belle et heureuse. J'ai souvent vu des mariées stressées, aller de l'un à l'autre des invités pour remercier qui, de l'argenterie Guy Degrenne, qui pour la timbal de chez Christophle. Pas Mathilde. Elle prend le temps, se promène avec son mari sur les bords du fleuve, loin des hôtes. Elle a bien raison.

Je retrouve Anne, la sœur de Mathilde. Une fille adorable, gentille et intelligente. Elle a épousé Noé, un type totalement exubérant, fou de sa femme ("Faut dire, j'ai ramé pour l'avoir..."), passionné. Je les aime beaucoup tous les deux. Noé me présente ses deux sœurs qui ont à peu près mon âge. Egalement des filles sympas avec qui nous discutons en vrac d'Afrique, de politique, de médecine, de presse.

Le père de Mathilde passe nous saluer. "C'est fou, dit-il, c'était un bébé, une gamine, une jeune femme. Je n'ai rien vu passer et tous les soirs, pendant la nuit, je me demande, est-ce que j'ai fait tout ce que je devais faire pour mes filles?"

A dîner, je me retrouve à côté d'un jeune prof d'allemand, ravi de voir que la langue germanique n'était pas un facteur rédhibitoire pour tout le monde. Nous parlons de Brecht, de Böll, de "Goodbye Lenin" qui sort prochainement sur les écrans français. Les discours se succèdent et là, encore, le père de Mathilde marque des points : "St Paul a dit "que la femme soit soumise à son mari". J'en tirerai deux conclusions. Premièrement, St Paul était célibataire. Deuxièmement, il ne connaissait pas Mathilde..."

Je retrouve Noé au café. Il parle de son métier avec enthousiasme. "On a de la chance, on a des métiers de création, s'enflamme-t-il, alors nous devons avoir envie, toujours, se fixer des exigences, tout le temps..." Je l'avais peut être un peu oublié ces derniers temps. Il est bon de se l'entendre dire...Noé ajoute : "c'est dommage que mon frère ne soit pas là. J'aurais bien aimé te le présenter. Vous vous seriez certainement bien entendus..." Un dîner est donc programmé pour la rentrée, avec ses sœurs, décidément très sympathiques...

Je rentre avec mes grands-parents. Ce voyage en province nous a permis de parler. Ils s'inquiètent de me savoir heureuse ou non. Je leur dis que mon incapacité à tenir une relation longue m'angoisse un peu. Encore plus quand je vois ma plus jeune sœur Alice, filer le parfait amour avec son copain de puis plus d'un an. Moi, je n'en ai jamais été fichue. Alice me dit à ce sujet : "Excuse moi, mais tous les mecs biens tu les plantes pour t'amouracher de purs boulets." De ce point de vue là, elle a raison et je ne la savais pas aussi attentive à ma vie sentimentale (sur laquelle je reste très discrète...) que ça.

Mon grand-père me dit : "Tu me permets de formuler une opinion?"
Je me vois mal refuser (un grand-père, ça se respecte...).
"Alice est une fille simple. Elle vit, elle profite, elle ne se pose pas de questions ... Toi -bon, je dis ça, mais je me trompe peut-être - j'ai le sentiment que tout est sujet à questionnement, à tergiversations, à analyse. Laisse toi porter..."

Je sens les larmes me monter aux yeux. Parce que je voudrais être comme Alice, que tout aille de soi. Mon grand-père me regarde dans le rétro : "Ah non, hein ! Du nerf ! "

Ma grand-mère ajoute : "Et puis n'ai pas honte de ton milieu..."
Sur le coup, je me dis que, ça y est, elle refait du lobbying en faveur des petits gars de l'UMP. Mais au fond, elle n'a peut être pas tort. Je suis profondément moulée dans une conscience politique de gauche mais aspire finalement à des valeurs bourgeoises de droite... Le grand écart est forcément un peu dur à effectuer (déjà que je suis pas souple...)

Dans le train qui me ramène sur Paris, je réfléchis à tout ça. A côté de moi, un lecteur de l'Equipe s'est avachi sur l'accoudoir pour dormir. Il menace, à chaque virage, de s'affaler sur mon épaule. La mer s'éloigne. Les champs, les bocages, les petites villes de province lui succèdent. Le temps se fait nuageux. Bientôt, la banlieue, puis, Paris.

Je m'invite chez Aube et Bertrand pour un verre. J'y vais à pied, en longeant le boulevard de Charonne. Je chante Disco 2000 de Pulp (What do you do on Sunday, Baby/ Would you like to come and meet me maybe/ You can even bring your baby/ Ooooh-ooh-ooh-ooh-ooh-ooh-oooooooh), je me fais taxer deux clopes, me fais aborder par des types visiblement désoeuvrés (je comprends pas... Y'avait foot pourtant à la télé...), je marche d'un pas rapide.

Dîner avec Elo au Dar Zap, sur le blvd de Ménilmontant. C'est drôle, j'ai l'impression que nous avons été fabriquées sur le même modèle elle et moi. La peur de ne pas être aimées, des aspirations qui dépassent l'Himalaya, la passion des gens, de l'Autre...Nous tentons un verre aux Folie's mais c'est en train de fermer (à22h... c'est quoi ce souk?)

Je rentre chez moi. Je regarde le résumé des championnats du monde d'athlétisme, cet époustouflant relais féminin. J'ai coupé le son de la télé. Sur ma chaîne, j'ai mis du Higelin. Un drôle de décalage s'opère entre la musique ("Y'a des allumettes au fond de tes yeux/ des pianos à queue dans la boîte aux lettres/ des pots de yaourts dans la vinaigrette/ et les oubliettes au fond de la cour...") et ces sportifs qui tricotent des gambettes sur une piste qui semble interminable.

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lundi 1er septembre 2003 à 17h42
Comment une purée patate/carotte conduit directement aux images Panini...
Abordons ensemble (enfin, ceux qui veulent, je ne force personne...) un sujet au très haut intérêt sociologique :
"Comment mangeons-nous?"
Je n'entends pas par là le nombre de calories que nous ingérons, ni même le fait qu'il faudrait manger dix fruits et légumes par jour, ni même que, franchement, le Nutella devrait être interdit vu toutes les saloperies qu'il y a dedans.

En fait, je m'aperçois que je connais bien quelqu'un si je sais comment il mange. Je sais par exemple, que Justine a la foutue manie de tremper, à l'heure du goûter, ses gâteaux dans son verre de Tropicana. Je sais aussi qu'elle ne mange jamais la croute de ses pains au chocolat (tant mieux, c'est moi qui récupère les miettes...) Je sais que ma sœur mange toujours la boule de glace au café en dernier parce que c'est celle qu'elle préfère, et qu'elle la mange très très très lentement. Je sais que Lily est une tarée des gnocchis, qu'elle pourrait en bouffer une semaine entière, à tous les repas. Je sais que K. n'envisage pas un repas sans tofu, mil, ou autre graine à oiseaux de ce genre. Je sais qu'Henri mange fébrilement une baguette de pain par repas (et cette enflure fait cinquante kilos tout mouillés...)

Les viennois ont ainsi failli briser notre amitié à Justine et à moi... Justine mange toute la chantilly et, seulement après, elle mange le choco tout seul. J'ai toujours considéré que c'était une véritable abberration. Si on vous met de la chantilly ET du chocolat, c'est bien pour les mélanger, non? Mais en même temps, c'est vrai que la chantilly, c'est bien meilleur que le choco... J'ai tenté maintes fois de convertir Justine à mon procédé. Je m'autorise une cuillerée de chantilly seule, mais, après, je mélange tout. Mais cela ne l'a pas convaincue. Elle continue à manger la chantilly toute seule, sous mes cris d'orfraie.

Le même genre de problème s'est posé avec les Délic' Choc. Pour ma part, j'entame d'abord les quatre coins, là où le chocolat dépasse un peu. Ensuite, avec les dents du bas, je râcle le choco restant. Il ne me reste alors plus que le petit beurre. Je procède de même avec les Twix (sauf qu'au choco s'ajoute le caramel, ce qui rend l'opération très délicate...). Justine me dit alors que je procède de la même façon avec les Délic'Choc qu'elle avec les Viennois... Bon, elle a pas tout à fait tort...

Ce que j'aime particulièrement, c'est, quand il y a des patates et des carottes à l'eau, les écraser consciencieusement en une sorte de simili-purée. Ca a le don de rendre dingue ma mère. "Enfin, Aubépine, tu n'as pas 70 ans, tu as des dents, alors arrête d'écraser comme ça les aliments ! "
J'y peux rien, les patates/carottes écrasées, c'est ma madeleine de Proust... C'est ce que me préparait Mamie, ma nourrice, quand elle me gardait... Ah là là, les patates/carottes, sur la table en formica, à regarder fixement l'authentique moulin à café, les pieds tapant contre les chaises des années cinquante, avec le joli linoleum turquoise (j'avais demandé à mes parents d'acheter le même, ils n'ont jamais voulu...)

Mamie gardait un autre petit garçon, Richard, qui avait huit ans quand j'en avais quatre. Je le trouvais super beau et super intelligent. En plus, Richard avait une collection d'images Panini assez impressionnante qu'il trimballait partout, enroulée dans un gros élastique. Je lui avais demandé à de nombreuses reprises de me donner quelques écussons. Mais en vain. Mes parents m'avaient acheté quelques paquets, que Richard me rackettait en deux temps trois mouvements quand nous jouiions à la tapette ( euh... Pas de mauvais esprit. Il s'agissait en tapant sur des cartes de les retourner... Celui qui y arrivait raflait toutes les images...). Non contente d'avoir transformé (avec l'aide de Richard) la maison de Mamie en véritable tripot, je décidai de passer à l'action.
Richard rentrait tous les midis pour déjeuner. Un jour patates/carottes, je prétextai une envie pressante pour m'éclipser et aller faire les poches de Richard où je trouvais ledit paquet de Panini. Enfin, il était à moi. N'ayant pas de poches, je le coinçai sur ma hanche, avec l'élastique de mon kilt (eh oui, quand j'avais quatre ans, ma mère me mettait des kilts...)

Richard part à l'école, moi aussi. A quatre heures, Mamie nous récupère. Richard est énervé. Il ne retrouve plus son paquet d'images. C'est le drame au goûter. Nous retournons la maison, je participe activement aux recherches (quelle petite ordure...), je compatis même en lui faisant des bisous pour le consoler sous l'œil attendri de Mamie. En vain (et pour cause...)

Nos parents viennent nous chercher. Mamie raconte la mésaventure de Richard à ma mère. Sur le chemin du retour, j'explique à Maman combien c'est bête pour Richard, il a du les perdre dans la cour et quelqu'un de méchant a du les lui voler. C'est l'heure du bain, je pose soigneusement mes vêtements sur une petite chaise en planquant les images sous ma jupe.

Dans la baignoire, tandis que j'essaie pour la cinquantième fois d'initier Béatrice aux joies de la plongée sous-marine, j'entends la voix de ma mère. Pas celle des bons jours...

Elle arrive, brandissant le paquet d'images :
"Dis donc Aubépine, ça sort d'où, ça?"

Autant dire que j'ai passé un sale quart d'heure. J'ai même du appeler Richard pour m'excuser. J'ai été interdite de Récré A2 pendant une semaine.

Par la suite, Richard gardait toujours ses images avec lui et les comptait avant que je m'en aille. "C'est bon, Madame, elles y sont toutes ! " disait-il à ma mère. "J'espère bien." Répondait-elle en serrant les dents.

Pour me consoler, mon oncle Anatole m'offrit un album avec des images des stars des années 70-80.
Je collais mes images toute seule, dans l'album, à la grande joie d'Anatole. Comme je ne savais pas très bien compter, j'avais interverti certaines vedettes. Cindy Lauper se retrouvait ainsi en lieu et place de France Gall, tandis que Boy George squattait l'emplacement normalement dévolu à Sylvie Vartan.

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mardi 2 septembre 2003 à 10h21
Eveillés.
Je devais passer au Journal hier soir pour relire et, éventuellement, retravailler un papier. Or sa publication a été reportée. Je me retrouve un peu conne puisque j'avais été contrainte d'annuler le dîner chez Claire en prévision d'une soirée boulot...

Je prends le bus, descends à Strasbourg St Denis pour finir le trajet à pied. Je longe le canal St Martin. C'est définitivement la rentrée. Les voitures tracent, les mobs pétaradent, chez Prune, les bobos ont repris leurs habitudes. Je fais un arrêt au Franprixe, car je crois me souvenir que mon frigo développe une certaine ressemblance avec la devanture d'un magasin russe. J'aime bien regarder ce que les gens mettent dans leurs caddies. Surtout les célibataires... Les filles le blindent de légumes, de Taillefine, de biscuits Gerblé. Les mecs collectionnent les pots de riz au lait ou de Mont-Blanc, font des réserves de gruyère râpé et de pizzas surgelées.
A la sortie, un type, apparemment pris en flag' de vol, insulte copieusement le vigile en usant de termes méchamment racistes. Le vigile rigole : "Je suis peut-être noir, mais moi, je vole pas dans les magasins..."

Je passe par le square. Le gardien me raconte ses vacances. A la table de ping-pong, je croise Wolfgang (ça ne s'invente pas...), mon adversaire habituel à ce jeu. Il doit avoir 11 ou 12 ans. Il a la tête du Petit Nicolas. Il me propose une partie. Je décline et propose de prendre RV pour samedi matin. "Tu vas voir, je me suis vachement amélioré pendant les vacances. Je vais te mettre la pâtée !" rigole-t-il. Wolfgang a apparemment oublié qu'il n'avait pas besoin de s'améliorer pour me mettre KO. Nos matchs se concluent habituellement par un 21/15 en sa faveur. Faut dire qu'il ne joue que par amorties ce qui a le don de me mettre hors de moi.

J'ai à peine posé mes courses qu'on frappe à ma porte. C'est Ali, le fils de la voisine d'en face.
Il a une trop bonne bouille, un côté poulbot en black.
"Salut !" me dit-il les mains enfoncés dans ses poches.
"Salut Ali..." je réponds
"Dis, on va faire une partie de badminton?"
"Oh... Euh... Maintenant?"
"Alleeeeeez... Demain, c'est la rentrée..."

Je sors donc mes raquettes et le volant (chez moi, c'est un vrai dépôt Go Sport...) et nous sortons dans la rue. Comme il y passe très peu de voitures, on peut faire des matchs sans problème. Certains voisins, alertés par nos hurlements (je sais pas faire du sport discrètement...) se mettent à la fenêtre ou nous rendent le volant quand il vient se percher sur le rebord de leur fenêtre. Ali ahane comme Monica Sélès à chaque fois qu'il renvoie le volant. Arrive Marc, un voisin et son fameux vélo. Marc est la seule personne que je connaisse qui rentre dans un café sur son vélo, sans en descendre. Il arrive donc fréquemment, qu'avec ses roues, il écrase les pieds de deux trois consommateurs ou qu'il finisse sa course la tronche sur le flipper ("Ouaahh, regarde ça, Mounir, j'ai fait l'extraballe ! ").

Nous rentrons chacun chez nous. Pour ma part, je vais boire un Perrier Citron, le Libé sous le bras, au café du square. Je me fais piquer le journal par deux types en terrasse et nous commençons à déblatérer autour de l'actualité du jour. Ils sont drôles et futés. L'un essaie de nous démontrer par a+b que Le Parisien est un journal de gauche tandis que l'autre espère que Luc Ferry envisage prochainement une séance chez le coiffeur. Lily trouve que c'est difficile de parler aux gens. Moi non. Si on est seul dans un café à Paris, il n'est pas nécessaire d'attendre très longtemps pour que quelqu'un vienne vous parler. Et pas forcément le gros dragueur du coin.

Je rentre. Rien de prévu. Ca faisait une paye que ce n'était pas arrivé. Je commence à mater Pique-nique chez Osiris, le téléfilm de Nina Companeez, mais non, décidément, je trouve ça trop mauvais.

Alors je regarde la fin de Sous le sable que j'ai déjà vu. C'est toujours aussi beau.

J'enchaîne sur le Chagrin et la Pitié, le doc de Marcel Ophüls sur la collaboration en France. Ophüls pose la question des motivations de son entrée en résistance à un chef du maquis. Celui-ci répond qu'il en avait marre, dans les restaus, de voir que les steacks étaient réservés aux Allemands.
Plus tard, Pierre Mendès-France parle avec ironie de ce comité de dames de la bourgeoisie parisienne qui avait décidé d'envoyer des rosiers sur la ligne Maginot afin d'égayer un peu la vie des soldats.
Il parle de ces coulées de gens sur les routes de l'exode.
Anthony Eden rapporte le récit de son vol de retour vers l'Angleterre, avec Churchill, le jour de son anniversaire. Alors que l'avion vole très bas au dessus des côtes bretonnes, il se demande s'il reverra jamais intacts ces magnifiques paysages...
Quand Ophüls demande à Mendès s'il en veut aux Français, en tant que Juif, Mendès répond avec une grande douceur teintée de détermination un simple "Non". Il rappelle juste les dangers de la propagande, la nécessité de raconter tout cela et de tenir la jeunesse en perpétuel état d'alerte.
Je me souviens qu'il y a un peu plus d'un an, nous avons tous oublié de nous réveiller.

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jeudi 11 septembre 2003 à 14h42
Pause
J'ai envie d'arrêter un peu d'écrire ce journal.
Parce que ça n'avance plus.
Parce que ça tourne à vide.
Parce que je me sens un peu débordée par lui.
Parce que, écrire sur soi, au bout d'un moment, ça commence à bien faire...

En un sens, je trouve que c'est plutôt bon signe. Je me servais un peu de cet endroit comme d'une béquille. Je n'en ai plus besoin. Si je reviens écrire ici, ce sera pour d'autres raisons.

Alors je prends un peu le large. Juste un peu.

Merci tout le monde !

A bientôt !

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