Graziella
Graziella, c'est l'histoire de ma vie, c'est certes un peu compliqué, mais c'est tout à mon image.
Ceci est une archive du journal et non pas le journal lui-même.

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mardi 27 mai 2003 à 16h59
Graziella..
Un prénom plutôt original, je dirais. Je tiens à remercier mes géniteurs, mais je ne pourrais dire si ce qu'il évoque me correspond véritablement...

Graziella, jeune femme de 28 ans, célibataire, kinésithérapeute à ses heures perdues, aimant la vie avant tout et plus que tout, et bien cette Graziella c'est moi.

Mon existence est semée d'embûches, à croire que je ne réussis à me mettre que dans des situations impossibles, des situations face auxquelles j'ai du mal à réagir, à prendre position. C'est un peu la raison de ce journal : mettre les choses à plat, utiliser s'il le faut un rouleau à pâtisserie, mais réussir à faire les bons choix.

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mardi 27 mai 2003 à 17h24
aujourd'hui.. aujourd'hui et demain.
Aujourd'hui est le dernier jour du reste de votre vie

Une citation que je me répète chaque jour, un peu comme un mantra. Je n'en connais pas l'auteur, je sais juste que cela me convient. Oublier le jour d'avant, les jours d'avant, se consacrer à ceux qui suivent, ne pas avoir peur. Ne pas regretter.

Ma vie, elle est bien compliquée. Vingt huit années déjà ont passé, mais les évènements marquants se comptent par dizaines voire par centaines.

Une enfance plutôt heureuse, des études passionnantes donc par conséquent trouvées trop courtes, des histoires sentimentales capables de remplir les pages d'un Harlequin. Harlequin, collection que d'ailleurs je n'ai jamais eu le courage de commencer.

Une passion dévorante pour les livres, aussi, peut-être parce que le côté imaginaire me plaît, le fait que ce ne soit pas le réel, que je puisse m'évader de ma vie pourtant intéressante quelques heures dans la journée. J'aurais peut-être du être une littéraire. Non ce que je fais me convient parfaitement.

Le bonheur. Le bonheur, ne serait-ce pas une idée préconçue ? Pour beaucoup de gens le bonheur c'est un foyer stable, un mari (ou une femme) aimant(e), des enfants, un travail intéressant.. Le bonheur, moi je le trouve tous les jours, dans un sourire que l'on m'offre, par exemple. Une conception du bonheur peut-être un peu trop épicurienne. Peut-être ne faut-il pas faire constamment le bilan de sa vie, et se demander si on a fait le bon choix. Peut-être faut-il s'intéresser à l'avenir. Beaucoup de peut-être..

Aujourd'hui est le dernier jour du reste de votre vie, et demain est un autre jour.

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mardi 27 mai 2003 à 23h54
Bowling..
Bowling, parce que je suis de retour du cinéma, où j'ai enfin regardé Bowling for Columbine. Un film qui fait véritablement réfléchir. Merci Michael Moore de nous avoir fait partager ces moments. Merci de soulever les problèmes de votre pays. Merci.

Dans la salle de cinéma, ce soir, des regards se posaient sans arrêt sur moi. J'étais quelque peu gênée, les gens n'ont-ils jamais vu de femme enceinte ? Oui, encore un détail que j'avais omis de préciser. Enceinte, depuis maintenant six mois. Enceinte et célibataire. Quelques explications s'imposent peut-être.

Le père, Eric, a été mon amour d'enfance et d'adolescence, et après quelques années pendant lesquelles nous nous étions perdus de vue, il est réapparu dans ma vie, et bien sûr je suis retombée dans ses bras qui m'avaient tant manqué. Eric est médecin pour Médecins sans frontières, et après deux années passées à mes côtés, pendant lesquelles il travaillait pour le siège, ici, je l'ai prié de repartir, parce que je voyais bien qu'il n'était pas heureux, parce que le travail qui l'intéressait vraiment, c'était le terrain. Et c'est la moindre des choses que je pouvais lui accorder. Il est reparti il y a cinq mois, après les fêtes de Noël. Il n'était pas au courant de ma grossesse à l'époque, il ne l'est d'ailleurs toujours pas.

Un dilemme de plus : lui dire que je porte son enfant, être égoïste et lui demander de revenir, ce qu'il fera de lui-même si je lui dit tout, ou alors ne rien lui dire, et être tout aussi égoïste, en le privant de son enfant. La question je me la suis posée longtemps, je ne sais pas ce qui serait le mieux pour notre enfant, pour lui, pour nous. C'est un peu compliqué, d'autant plus que les nouvelles "du front" se font rares, un coup de fil il y a trois mois, quinze minutes où j'ai pu entendre sa douce voix me dire que je lui manquait, mais rien depuis. Je ne sais pas où il est, ce qu'il fait, et ça me fait peur aussi.

J'ai tout de même beaucoup de chance, lorsque j'y pense. Je me plains peut-être ici, maintenant, mais j'ai vu des gens beaucoup plus malheureux que moi. Mais c'est une autre histoire.

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mercredi 28 mai 2003 à 13h47
Graziella et les petits petons..
Les petits petons

Nous avions pris toutes les précautions. Je prenais la pilule pour ne pas tomber enceinte. Mais j'ai été la femme sur un millier qui est tombée enceinte tout de même. Pas d'erreur dans la prise quotidienne, rien qui puisse justifier ma grossesse.

Quand je suis allée voir ma gynéco deux semaines après la fin de ma plaquette, alors que je n'avais toujours pas eu mes règles, elle m'annonce en souriant "eh bien mademoiselle vous êtes enceinte !".

Je ne vous cache pas ma surprise. S'en suit une longue discussion avec elle sur les causes probables de cette grossesse inattendue. S'en suit également une longue discussion sur l'avenir de cet enfant : aura-t-il des séquelles à cause de cette pilule ? A priori non.

Puis une réflexion dont l'issue s'imposait d'elle même. Oui, cet enfant j'allais le garder. Le garder parce que il était né de l'amour de ses parents, le garder, parce que je crois que je l'aimais déjà.

Ensuite, les nausées ont commencé. Ce qui m'a amené à penser que les nausées relevaient plus de la psychologie inconsciente que de la réalité... Mes premières nausées sont apparues lorsque j'ai appris que j'étais enceinte, pas lorsque je l'ai été.

Ensuite Eric est parti. Il ne s'est douté de rien, il était tellement heureux de préparer une nouvelle mission... Lorsqu'il rentrait le soir et qu'il me racontait sa journée, je ne pouvais m'empêcher de penser à quel point il était malheureux quelques mois auparavant quand il était enfermé dans un bureau. Là, ce qu'il faisait lui plaisait, et on pouvait le lire dans son regard.

Bien sûr il était triste, de partir et de me laisser. Il m'a demandé à plusieurs reprises de l'accompagner. Mais moi aussi j'aimais mon travail, et l'humanitaire m'avait tellement détruit moralement que je n'avais plus le courage de m'y remettre.

Pour en revenir aux petits petons, lorsque j'ai appris que j'étais enceinte, je suis allée l'annoncer à ma meilleure amie, Zora. En fait elle m'a plutôt tiré les vers du nez.. Le lendemain elle arrivait chez moi avec des chaussures de bébé, pour des petits petons, de belles chaussures vertes...

Les chaussures trônent sur le bar qui sépare la cuisine du salon. Depuis le début. Quand Eric les a vu, il a demandé à Zora si elle était enceinte.
- Zora, mais tu es enceinte ?
- Bien sûr que non, Eric. Pour cela il faudrait d'abord que mon célibat prolongé s'arrête... Tu n'as pas des amis célibataires à me présenter ?
- Tu les connais déjà tous et ils ne te plaisent pas. Et ces chaussures, alors, elles servent à quoi ?

Un regard de Zora vers moi, puis une réponse :
- Une idée, je me disais que ça serait bien pour vous deux, un enfant.
- Mais on a toute notre vie pour faire des enfants ! On n'est pas pressés, nous, madame la marieuse. N'est-ce pas, Graziella ?

Discussion close. Je savais qu'il ne voulait pas d'enfants tout de suite. Deux semaines après cette entrevue, il prenait l'avion direction là-bas.

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