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11 septembre 2006
Naissance
Voici
le texte que j'ai écrit pour Louis, pour qu'il ait une trace de la
journée de sa naissance, mon point de vue. Je vous le fais partager,
même si c'est sûrement trop intime, mais j'ai envie de témoigner de ce
voyage et surtout de dire que oui, on peut vivre un accouchement
eutocique, chez soi, sans que ce soit une folie.
En structure médicale, d'après l'avis de professionnels, compte tenu du
périmètre crânien, je n'aurais pu échapper à l'épisiotomie, et mon fils
aux ventouses... Il en a été autrement. Certains parleront de chance,
moi je parle de choix, de volonté et d'accompagnement.
Je sais que j'ouvre là un sujet à polémiques, mais il s'agit avant tout
du récit de la naissance d'un petit homme, et je ne voudrais pas le
voir polluer par des remarques méchantes parce qu'ignorantes, comme
c'est souvent le cas lors de récits d'accouchements à domicile.
So...
Lundi 4 septembre, 7h30. J’ouvre les yeux et je sais que c’est
aujourd’hui que nous allons nous voir. Enfin. Tu as donc choisi le jour
de notre anniversaire de mariage…
Ton père se prépare à partir travailler mais lui aussi sait qu’il va
bientôt revenir, il a un étrange sourire sur moi, comme un regard à
quelqu’un qui part…
8h00, je n’ai déjà plus de doute : le travail est lancé, il faut que je
m’abandonne, que je m’ouvre à toi. Désormais seule, je me fais couler
un bain et plonge dedans au son de Radio Nova, ma dernière connection
au monde de la journée.
A 10h00, ton père m’appelle pour me dire qu’il rentre. Je ne dis pas
non, j’ai besoin de lui, les contractions montent en puissance, sont de
plus en plus rapprochées… J’ai besoin d’être aimée. « Appelle la
sage-femme. » Non, pas encore, il est trop tôt, je ne veux que mon
homme, ma moitié avec moi.
Une fois ton père revenu, un nouveau paysage s’installe.
Il organise tout et surtout m’encourage, me soutient, me dit que je
suis belle. Nous appelons Françoise, notre sage-femme qui me dit de
voir avec Julie, ce sera elle qui viendra. J’avais craint cette
éventualité, Julie est anglaise, elle a un fort accent, je craignais
d’avoir du mal à la comprendre, mais là, soudain, c’est une évidence,
ce sera Julie et c’est très bien ainsi.
Je suis si bien… Les contractions sont terriblement douloureuses, mais
entre elles, je suis dans un état second, une euphorie incroyable
pendant laquelle je revois toutes les belles choses de ma vie : les
parties de pêche aux Laquettes, la rencontre avec ma chienne, ce fameux
premier dîner à Sète avec ton père, le sourire de Fouzia, la photo de
mes parents qui me fascinait tant petite…
Ton père me parle, mais je n’écoute plus. Je ne reviens sur Terre que
pour vivre chaque contraction, chacune plus longue et plus forte que la
précédente. J’ai peur d’un coup, très peur. J’ai mal, si mal… et quand
ça va être pire ? vais-je tenir ? et si cet accouchement à la maison
était une folie ? et si toi tu craques Louis ?
Ton père me rassure, encore et si bien. « Tu es forte, tu sais pourquoi nous avons fait ce choix, tu le veux si fort »
Ses mots ne me quitteront plus, comme un écho dans mes brouillards à venir…
Je perds la notion du temps, je ne pourrais plus l’évaluer de la journée. Ni depuis d’ailleurs…
Julie sonne à la porte, il est 12h30. Elle est souriante et sereine,
toute printanière dans sa jupe à fleurs. Elle veut que je sorte du bain
pour m’examiner. Le moment redouté arrive : le travail avance-t-il bien
? J’ai tant craint ce premier examen…
Je m’allonge sur le canapé, ferme les yeux et me surprend à prier je ne
sais qui… « C’est super Stef, ton col est ouvert à 5-6, tu gères très
bien ». Première étape, première joie. Je sais que j’ai fait le plus
long du travail, reste le plus dur…
Je retourne dans mon bain, seule l’eau presque bouillante soulage la
douleur des contractions. Ton père et Julie me secondent à mon rythme,
si respectueux, si intuitifs de mes besoins. Julie est aux commandes de
la machine, je ne connecte que pour écouter ses directives et ses
conseils, pour lire dans ses yeux de professionnelle comment se passe
le voyage. Ton père est la charnière, l’élément tempérant. C’est lui
qui soulage mes contractions par l’eau, lui qui éponge mon front
trempé. Lui surtout qui encaisse mes élans de femelle en souffrance… je
ne suis plus moi, je ne suis que ta génitrice qui lutte pour que tu
naisses.
Le temps passe à un rythme incroyable, je suis entre deux mondes. J’ai
mal, j’ai peur. Mais je suis si excitée, tant en chemin vers toi que
plus rien ne compte. L’odeur de ton père se mêle à celle de l’eau qui
fume presque. Le thé aussi, Earl Grey si familier.
Nouvel examen de Julie, dans l’eau. 7-8 de dilation. Je suis reboostée.
Je sors de l’eau sur ses conseils pour faire progresser le travail et
ouvrir mon bassin. Je m’installe sur le fauteuil d’accouchement, puis
le ballon. Je souffre horriblement. Je perds pied par moments, mais une
rage violente sort de moi pour me remettre sur les rails…
La dilatation complète est vite là, mais un morceau de col résiste et
ta tête est si grosse mon Louis que tu ne peux te frayer un passage.
Commence un long travail fait de douleur et de patience, pour que tu
puisses passer. Millimètre par millimètre, contraction après
contraction, nous avançons tous les quatre vers la délivrance de ta
naissance. Julie m’aide de ses mains expertes, ton papa est moulé à
moi, il me sert d’appui sur le canapé. Je lui broie le dos, les mains
et les pieds, mais pas une fois il ne se plaint, il n’est qu’énergie et
conviction…
Crainte aussi. Comme moi quand Julie explique la situation : tu te
fatigues mon Louis, il faut surveiller ton cœur au monitoring et me
mettre le masque à oxygène entre chaque contraction. Ce n’est pas
grave, ton cœur est tout de même à 120 battements, mais il faut rester
vigilant. Et surtout faire avancer le travail, pour qu’enfin tu sois
délivré de ton étau.
Alors nous oublions notre angoisse et nous remettons en travail.
Une étrange musique résonne alors, mes cris mêlés aux consignes de
Julie, aux encouragements de ton père et aux bruits de ton cœur à
travers la machine. Tu ne passes toujours pas (nous découvrirons après
que ton périmètre crânien mesure 37 centimètres, c’est énorme mon Louis
pour mon corps novice) mais tu résistes, ton cœur repart dans de
meilleures moyennes, tu sais déjà comment nous aider.
Julie propose une épisiotomie pour me faciliter la tâche, je hurle mon
refus. On ne me touchera pas, et toi non plus ! Elle me masse à l’huile
d’amande douce, je suis soulagée et m’ouvre encore…
« Je vois sa tête, il a beaucoup de cheveux ! »
Maintenant, plus rien ne nous arrêtera. Même la frustration de voir que
la progression est encore si lente. J’ai mal à en pleurer, mal à en
devenir folle. Je ne suis que sueur et cris, mon périnée brûle mais tu
arrives et nous suivons, braves soldats, le rythme que tu nous imposes
pour de longs moments encore…
Mes cris doivent faire trembler les murs, je m’en fous… « Louiiiiiiis ! »
Et soudain une sensation inédite, une vie enfin entre mes jambes prend
forme, je te sens arriver. Encore quelques efforts et ta tête vient se
lover au bord de mes lèvres en feu.
Je reprends mon souffle, l’envie de pousser se calme, comme pour que nous puissions savourer ce moment…
Et puis tu passes… Ta tête est là, si grosse, si luisante.
Tu n’es pas encore sorti complètement que déjà tu cries fort… Je suis rassurée.
Il est 19h40.
Julie sort ton corps glissant et chaud pour venir te poser sur moi. Ton
père dans mon dos éclate en sanglots. Je cherche dans tes yeux déjà
ouverts la certitude que tu vas bien.
Nous passons un grand moment serrés tous les trois, tremblants de la
même émotion intraduisible tellement elle est unique, magique… Ton
cordon nous donne le tempo, j’ai l’impression que nos cœurs sont à
l’unisson, sous le regard attentif de Julie, et son sourire épuisé…
Je ne suis plus la même, définitivement. Je le sais déjà. J’avais dit
que je craignais de ne pas savoir t’aimer béatement dès ta première
seconde de vie. Je me rend compte qu’il ne s’agit plus d’amour, mais
d’un lien charnel si puissant que le reste est accessoire.
Ton père est lui aussi un autre soudain, sa voix me paraît différente. Aujourd’hui encore d’ailleurs…
Julie, délicate marraine, s’occupe de tout sans que je ne réalise.
Test d’Apgar pour toi (9/10 à une minute et 10/10 à 5 minutes, tu es un
chef mon prince !) et mauvaise nouvelle pour moi : je suis déchirée, il
faudra me recoudre. Je savais que ça allait arriver, Julie avait
préparé son matériel et m’avait avertie…
Je m’en fiche, tu es là…
Quelques minutes plus tard, la délivrance se fait, surprenante. Un
dernier soubresaut de vie en moi, violent et inattendu. Une sensation
de vide et de plein à la fois…
Pendant que Julie s’occupe de mes soins, tu découvres les bras de ton
père, qui lui te fixe comme halluciné. Il te serre dans ses bras avec
une aisance qui me fait tout oublier. Tu ne cries pas, tu découvres ton
univers doucement…
Après une douche, je m’installe dans le lit, et tous les trois, comme
un soir de Nöel, nous te découvrons et prenons tes mesures : 53
centimètres, 37 centimètres de périmètre crânien. Pour le poids, Julie
utilise son pèse-bébé en tissu Liberty, tellement plus cocoon qu’un
pèse-bébé glacé… Tu ne dis toujours rien, ton pied pendouille du tissu,
instant de grâce. 3 kilos 750, tu as bien profité de mes orgies de
fromage !
Puis tu viens contre mon sein, tu cherches ma chaleur et mon odeur…
Pendant que Julie examine ton placenta dans l’autre pièce, ton père
m’offre le cadeau dont je rêvais : une bouteille du meilleur des Cognac.
J’ai besoin d’un peu de repos, et toi aussi. Julie et ton père vont
manger un morceau dans la cuisine et surtout trinquer à ta naissance
pour oublier leurs efforts.
Ils nous rejoignent avec un plateau repas, et après quelques derniers conseils et un câlin, Julie rentre chez elle.
Elle passera demain matin, ainsi que tous les autres depuis, s’assurer que nous allons bien.
Restés seuls tous les trois, nous nous découvrons, nous reniflons et
tombons de sommeil, toi lové entre nous, au chaud de notre lit…
Notre nouvelle vie commence…
F., émue de se relire...
09:35 Publié dans Depuis Louis... | Lien permanent | Envoyer cette note
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Commentaires
Merci...
Ecrit par : Loreal | 11 septembre 2006
que j'ai aimé te lire ....
que ça a fait résonner en moi la naissance de mon bibou ....
magnifique !!!!
le meilleur pour vous,
blandine
Ecrit par : Blandine | 11 septembre 2006
C'est une belle naissance, bienvenue à Louis et beaucoup de bonheur à vous trois, un beau et long chemin ...
Emmanuelle
Ecrit par : Emmanuelle | 11 septembre 2006
ça me donnerait presque envie ;)
Ecrit par : flo | 11 septembre 2006
heho ;)
(joli texte mais chuis quand meme bien content d'etre un homme^^)
Ecrit par : matmoon | 11 septembre 2006
super ton recit, ca donne vraiment envie :)
Bienvenu au petit bonhomme!
Ecrit par : thalura | 11 septembre 2006
Magnifique!!! J'en ai les larmes aux yeux! Bienvenue à Louis et félicitations aux parents!
Ecrit par : Gwen | 11 septembre 2006
J'accoucherai de mon premier enfant (un petit gars également) au mois d'octobre et je sais que je n'aurai pas ton courage... Ton récit est bouleversant... d'un coup d'un seul, je me sens nulle, moi, mes angoisses, ma péridurale... Bienvenue à Louis et bravo à tous les deux, heureux parents !
Ecrit par : Lucie | 11 septembre 2006
Merci
mes amours pour ce que vous étes.Merci à toi tite maman qui, dans ta
générosité, à donné à mon pierrot la plus belle chose au monde, celle
qui l'attendait depuis toujours et qui le changera à jamais.Merci à toi
mon ami Pe, car désormais tu est papa et le premier à créer une
famille. Merci,aussi, pour moi, car au dela de Louis, c'est aussi un
peu le petit toto qui ouvre les yeux...
Love.thom.
Ecrit par : tomtom | 11 septembre 2006
tres beau recit et experience je suis encore avec vous d sla piece c'est dingue.
felicitation aux parents et bienvenue au petit Louis.
Edwige
Ecrit par : edwige | 11 septembre 2006
brrr j'en ai la chair de poule, les larmes aux yeux, c'est magnifique tite madame !
merci de nous faire partager cela....
Ecrit par : cahuette | 11 septembre 2006
bravo pour ce recit , il est magnifique .
merci encore car ces sages femmes suivront mon futur aad .
nad , une sudiste
Ecrit par : nadege | 13 septembre 2006
Merci, quel beau temoignage bienvenu a louis felicitation a vous deux, et je vous souhaite plein de bonheur!!!
Ecrit par : clodub | 14 septembre 2006
Magnifique récit !
Plein de bonheur à vous trois ...
Je suis suivie par les même SF et ça fait tous drôle d'entendre parler de Julie en plein métier.
Ecrit par : Séverine | 15 septembre 2006
J'avais oublié que tu avais un blog !! il est extra...
Ton texte est vraiment très beau. Tu écris toujours aussi bien ;)
Plein de bonheur à votre nouvelle petite famille !
Ecrit par : Lise | 18 septembre 2006