Dernière mise à jour: 01/05/00
Numéro 1

Sommaire

Edito
Interview:
Zubial
Théorie:
Participation du public
Y'a-t-il une communauté des diaristes ?
Pratique:
Liens
Lecteurs:
Dialogues de diaristes
Ailleurs:
Reality Asylum
Boîte aux lettres
Les participants


Edito

Ca faisait longtemps que j'avais envie de créer une sorte de magazine sur les journaux online. En partie parce que je fais partie du groupe des écriveurs et que je voudrais voir des gens sérieusement parler de ce qu'on fait, mais aussi parce que j'aimerais que les choses aillent plus loin.

Les journaux online n'ont jamais été aussi à la mode que maintenant. Un certain nombre d'articles sur le sujet ont été écrits dans des quotidiens (Le Monde, Le Soir), des périodiques (Télérama), à la télé (France 3), maintenant un livre (Cher écran), et j'en oublie. Les journaux online, en tant que prolongement des journaux papiers publiés n'ont rien de nouveau. Certains sont bons, d'autres mauvais, certains sont aimés, d'autres détestés, certains auteurs travaillent sur le journal, d'autres se contentent d'y jeter des idées rapidement. Mais le public en général semble s'intéresser à ce que les journalistes appellent un phénomène. Or, à chaque article paru dans la presse sur les journaux, le sentiment général a été que le contenu de l'article était au mieux inexact, et au pire complètement faux et de parti pris. Est-ce qu'il ne serait pas temps de faire nous-mêmes les articles ? Il serait peut-être temps que les écriveurs eux-mêmes parlent de leur travail sans attendre qu'un journaliste le fasse à leur place et se trompe invariablement parce qu'il ne fait pas partie du milieu.

Pour la première fois tout le monde peut être acteur. Toute personne avec un modem et un ordinateur peut montrer (je n'ose pas utiliser le terme publier) son journal et le voir lu en temps réel, seulement quelques minutes après qu'il a été écrit. C'est ce nouveau rapport entre écriveur et public qui est intéressant et devrait être le centre d'attention. Pourquoi vouloir un public ? Qu'est-ce qu'il implique ? Quels sont ses influences ? Qu'est-ce que les écriveurs en font ? Est-il souhaitable ? Faut-il avoir peur du public ? Faut-il avoir conscience sur chaque page que ce qu'on dit peut être utilisé contre nous dans une cour de justice ? Faut-il penser au lecteur en écrivant ? Faut-il le faire participer ?

Le côté pratique du journal devra aussi être représenté; non seulement le pourquoi, mais aussi le comment des journaux est intéressant. Comment faire un journal qui est lisible ? Quelles règles suivre pour rendre un journal agréable à lire ? Comment rendre l'écriture d'un journal pratique du point de vue de l'écriveur ? Quels sont les choix à éviter ? Le but n'est pas ici de critiquer un journal en particulier, mais définir en général des règles qui font qu'un journal est pratique et/ou agréable. Ces règles permettront aux auteurs de journaux de lire le point de vue d'autres auteurs ou du public et éventuellement changer leur vision de leur journal.

C'est dans cette optique que je propose de lancer ce petit magazine dont le but est d'offrir un endroit unique où proposer ses réflexions en dehors d'un journal en particulier. Les sujets qui seront abordés dans ce magazine ne sont pas pré-définis, mais seront tous en rapport avec les journaux online au sens le plus général. Par exemple, ils ne seront pas limités à ce que les écriveurs pensent, les lecteurs sont les bienvenus s'ils veulent exprimer leur point de vue, en particulier sur le comment des journaux puisqu'ils sont les mieux placés pour le savoir. Cependant, les règles élémentaires de la vie sociale devront s'appliquer ici, c'est-à-dire que les insultes, les vendettas, et autres manques de respect n'apparaîtront pas.

Pourquoi la création d'un magazine plutôt que l'utilisation de la mailing list ? L'inconvénient d'une mailing list est que ceux qui y participent traitent les messages comme des e-mails: ils les lisent vite, répondent vite, et ne réfléchissent pas forcément beaucoup. Tout ce que la mailing list peut générer est une discussion rapide et des traitements des sujets superficiels. La taille moyenne des messages échangés le montre bien. L'utilisation d'un magazine, au contraire, permet de forcer la réflexion et d'approfondir les sujets en évitant la forme du dialogue des e-mails: un article de magazine n'est pas un e-mail: il a un début, une conclusion, et une argumentation. J'aimerais que les écriveurs profitent de l'occasion de pouvoir s'exprimer de façon ordonnée pour réfléchir à leur travail, pour donner leur avis sur leurs motivations, sur leur vision de ce qu'ils font, pour chercher à aller plus loin dans leurs réflexions. La réflexion ne peut qu'être bénéfique à tout le monde et peut orienter l'évolution des journaux online dans leur ensemble vers quelque chose de meilleur. Il faut aussi replacer ce magazine dans son contexte. Il n'est pas un endroit où la Vérité sera dévoilée. Il ne faut pas y chercher des vérités absolues que tout le monde doit accepter sans discuter. Il s'agit au contraire d'opinions qui peuvent parfaitement être discutées. Mais elle ne pourront l'être que si tout le monde participe.

Pour l'instant sa forme n'est pas définitive. Je trouve que les interviews ont quelque chose d'intéressant en cela qu'elles permettent à quelqu'un de mettre les choses au clair, d'expliquer sa démarche sans devoir construire un raisonnement et prouver ce qu'il dit. Une section où chacun pourra donner son avis sur un sujet en rapport avec les journaux s'impose d'elle-même puisque c'est le but premier de ce magazine. Une partie des mails reçus, dont le sujet est en rapport avec ce qui est dit ici sera publiée dans une section à part pour encourager le débat. Son rythme de parution n'est pas fixé non plus. J'aimerais qu'il soit mensuel, mais ça sera largement dépendant de la participation de chacun.

Ce magazine est ce que vous en faites: si personne ne participe, il n'existera pas. Ce n'est pas la production d'une élite pour les autres. C'est un service de tout le monde pour tout le monde.
 

 

Interview: Zubial

MöngôlO: Première question, bateau: qu'est-ce qui t'a poussée à créer un journal online ?

Zubial: Pour être vraiment franche, je ne le sais pas. Je lisais religieusement le journal de l'avocat et à
l'occasion celui de Brigitte Gemme qui est une connaissance personnelle et je leur enviais leur tribune. Cette tribune ouverte de laquelle ils faisaient ce qu'ils voulaient.

Je venais d'obtenir une adresse URL et je ne savais pas trop ce que j'allais en faire. J'ai voulu en faire un billet essentiellement d'opinion. Pas que j'en n'ai pas, mais les choses ont dérivé sur mon quotidien.

MöngôlO: Est-ce que tu avais un journal papier avant ? Si oui, est-ce que c'est très différent du journal online ? Qu'est-ce que ça t'apporte de plus ? Qu'est-ce que ça t'apporte en moins ?

Zubial: J'ai toujours eu depuis ma toute tendre adolescence, ce que j'appelle un petit cahier rose (peu importe la couleur). J'y mettais déjà à cette époque de petites scénettes de ma vie que j'arrangeais à ma sauce. De cette manière, je prenais une certaine distance face à ce que je vivais. 

Ce que ça apporte de plus, le regard des autres. On n'évolue que si on sait bien se regarder dans le miroir que sont les autres. Je l'exploite un maximum avec le journal on-line.

Ce que ça apporte en moins? La critique abusive, non constructive, un espèce de jugement de la part des autres. Pour certains, c'est un plus, pour moi, c'est ce que je ferais volontiers sauter dans le dur métier qu'est celui de diariste.

MöngôlO: Est-ce que le online est important, ou juste une coïncidence ?

Zubial: Le fait que ce soit on-line, c'est ce qui fait que je continue et que j'essaie, pour le moins, d'être assidue. C'est ma motivation, c'est aussi pour moi une création.

J'aurais probablement pu choisir d'autres moyens de diffusion qui auraient tout aussi bien pu jouer le même rôle. Mais le net s'est présenté à moi et comme c'est beaucoup plus facile de publier sur le net (peut-être un peu trop) je continue.

MöngôlO: Est-ce que la forme journal est absolument nécessaire ? Pourquoi pas une autre forme d'expression ?

Zubial: Je n'ai jamais voulu que ce soit un journal. D'ailleurs, je suis toujours la première à dire que ce que je fais, ce n'est pas un journal intime. Je fais des billets. Je confie dans ces pages ce que je confierais à mes amis et à ma famille, pas plus, pas moins. Je ne cache pas grand chose de ma vie personnelle, j'ai toujours été très ouverte. Alors s'il y en a qui veulent appeler ça un journal intime...

Le journal est devenu pour moi un point de départ mais il n'est pas dit que je ne bifurquerai pas vers une autre forme comme le journalisme, la création littéraire, je ne sais pas.

MöngôlO: Combien de temps passes-tu tous les jours sur ton journal ? Est-ce que tu penses que c'est trop ou trop peu ?

Zubial: Il y a un an, je pouvais y mettre des heures. Une à deux heures par jour assise devant mon ordinateur plus toutes les heures que je prenais pour réfléchir à ce que j'allais écrire.

À l'époque, j'avais ce temps. Mon journal était dans mes priorités dans une journée. 

Mais les choses ont bien changé depuis. J'ai un travail qui me prend beaucoup plus de temps qu'avant, mes études aussi. J'ai maintenant un amoureux et je n'ai pas l’intention de faire passer mon journal avant tout ça. 

Il est tout aussi important pour moi mais et j'aurais vraiment envie d'être capable d'y mettre des heures comme je le faisais avant. Mais soyons réaliste, mon journal m'a appris de grandes choses sur moi et sur les relations humaines que je pouvais avoir. Après avoir échafaudé des théories, il faut maintenant les tester. Et ce n'est pas assise devant mon ordinateur que je vais y arriver! ;)

MöngôlO: Est-ce que tu recherches un but en écrivant ? Est-ce que tu travailles ce que tu écris pour atteindre ce but (par exemple dans la forme) ?

Zubial: Oui je travaille la forme. Je trouve ça très important. Quand je lis un journal, c'est la première chose qui va m'accrocher. Davantage que le contenu. 

Et je trouve que j'ai la responsabilité d'écrire quelque chose de bon mais aussi beau. C'est tellement facile et rapide l'Internet aujourd'hui et on y retrouve tellement n'importe quoi, qu'on oublie qu'il y a des gens qui nous lisent. Que je mette du temps pour soigner la forme, c'est me respecter et respecter les gens qui me lisent. Je veux aussi attirer l'attention. Surprendre, émouvoir. Ça fait partie du travail que je fais sur la forme.

MöngôlO: Est-ce que tu penses aux lecteurs quand tu écris ?

Zubial: Oui et non. Quand on parle de contenu, je n'y pense pas du tout. J'écris ce que bon me semble sans penser. Quand je pense à forme, j'y pense à 90 % pour eux et 10 % pour moi. Mais je dois être fière de ce 90 %. Parfois je me dis que si j'écris quelque chose comme ci ou comme ça, ils ne comprendront pas. Et la plus part du temps, je fais confiance à l'intelligence de mes lecteurs.

Tout est relatif alors je ne dois pas nécessairement chercher à faire passer des messages au gens.

Il m'est arrivé à plusieurs reprise de me dire: "En l'écrivant comme ça, c'est ça qu'ils vont comprendre". Et de me rendre compte que tous et chacun avaient compris les choses à sa manière mais pas à la mienne. 

Alors oui j'y pense mais je ne changerais rien pour leur faire plaisir.

MöngôlO: Est-ce que le nombre de lecteurs qui passent sur ton journal est important ?

Zubial: À une époque c'était plus important que tout. C'était mon moteur de motivation. Maintenant je pense plus en terme de nombre. J'apprécie davantage quelques rares lecteurs que je peux toucher sincèrement qu'une grande masse.

MöngôlO: Est-ce que tu es poussée a faire des choses dans la vie réelle pour pouvoir ensuite les raconter a tes lecteurs ?

Zubial: JAMAIS. Si je fais quelque chose, c'est d'abord et avant tout pour moi et si je peux en parler dans mes billets, tant mieux.

MöngôlO: Tu utilises beaucoup de dialogues dans tes pages. C'est peut-être une vision personnelle, mais ça me fait toujours bizarre. Pourquoi utilises-tu tant de dialogues ? Pourquoi pas un discours plus indirect ?

Zubial: Parfois, quand on veut faire passer une émotion, faire passer des impressions en particulier, je dois faire entrer les gens dans une situation, les faire entrer dans ce que j'ai vécu. C'est le moyen le plus efficace que j'ai trouvé pour toucher à l'essence même de ma vie. 

C'est comme si tu parlais de quelque chose de bon que tu as mangé. Tu ne peux pas leur faire goûter mais si tu peux leur faire sentir, peut-être comprendront-ils mieux tes impressions?

MöngôlO: En tant que nouveau gestionnaire d'un cercle de journaux (SDV), qu'est-ce que tu penses des écriveurs ? Sois honnête.

Zubial: Je trouve que la qualité des débuts n'y est plus. Parfois, on voit des gens avec un style nouveau arriver mais c'est souvent de courte durée. Où sont passés les avocats, les Gargils, les Réal. 

Où sont passées les chronique de Rosemont-les-bains que je lisais goulûment? À mon avis, au moment où ont se parle, aucun diariste, pas même moi, n'est à la hauteur de ce qu'on a déjà connu dans les débuts. Tout le monde fait son petit journal et ne soignent pas soit la forme ou son contenu. On écrit pour avoir des lecteurs, pour se faire des amis. On écrit pour rentrer dans la petite gang d'un cercle. Je trouve ça pathétique. 

Avant, ma lecture quotidienne de journaux pouvait durer plus d'une heure. Maintenant, j'en fais très vite le tour. Et dans ceux que je lis encore, je les lis souvent plus par habitude que par intérêt.

La démocratisation d'Internet a balancé plusieurs choses, entre autre la qualité. On ne se force même plus pour trouver un titre accrocheur, quand je refaisais le site de la SDV, j'ai du écrire à une demi-douzaine de journaleux pour leur demander de changer leur titre parce qu'ils l'avaient baptisé "Mon journal intime" ou "ma vie".

J'ai aussi peur que mon propre journal soit avalé par toute cette platitude. Les gens vont se dire "encore un autre journal intime on-line" en tombant sur le mien. J'ai toujours aimé être différente des autres mais quand je tombe sur un journal où son auteur utilise la même couleur de fond, la même couleur d'écriture que mon journal, ça me fout les boules. Certains diront que ça devrait me toucher mais pas du tout. Je me dis seulement que les gens n'ont plus tellement d'imagination.

Des gens m'écrivent pour me dire: "Depuis que je lis ton journal, j'ai commencé le mien, voici l'adresse!" Je vais voir par curiosité mais en général le commentaire me fait dresser le poil sur le corps. 

Mais comme je dis souvent, l'Internet est un pays libre où on peut rencontrer un paquet de zigotos.

Les gens font ce qu'ils veulent et c'est probablement mieux. 

Je ne vais probablement pas me faire d'amis avec ces propos. Mais ça fait longtemps que je voulais dire ça. Il y a une espèce d'hypocrisie entre les diaristes. Tout le monde il est bon et tout le monde il est gentil. De cette façon, il va peut-être parler de moi dans son journal et ça va m'attirer un paquet de nouveaux lecteurs ou je vais être enfin dans LA GANG! C'est triste. Ces journaux là, je ne les lis pas. 

MöngôlO: Il y a eu beaucoup de (mauvais) bruit autour de la réouverture de la SDV. Comment l'as-tu pris ? 

Zubial: Premier problème, j'ai mis un temps fou à réactiver le site. C'était plus ou moins volontaire. Je voulais marquer un temps entre les deux. J'avais des idées mais je ne savais pas trop comment les mettre en application. Réal avait fait un sacré bon boulot et c'est pas facile de faire mieux.

Puis on a eu beaucoup de problèmes avec l'hébergement.

Et le retour s'est transformé en immense mascarade. J'ai commencé par le prendre personnel.

Comment ne pas faire autrement quand les attaques viennent toujours du même côté ! Puis je me suis faite à l'idée. Quoi que j'ai fait, j'allais toujours essuyer des rebuffades. C'est malheureux parce que j'ai perdu beaucoup d'intérêt. 

Puis il y a eu l'histoire du forum. Mais je me sens tellement détachée maintenant. Ils peuvent bien se taper dessus s'ils le souhaitent. Je me dis que ceux qui en sont victimes ne l'ont pas toujours cherché mais certains oui. 

Je devrais faire comme un gestionnaire de cercle de ma connaissance, garder une certaine distance ;)

MöngôlO: Le nombre de journaux augmente très vite dernièrement et on approche maintenant de la centaine. Qu'est-ce que ça t'inspire ?

Zubial: Je me dis que dans la masse, on a peut-être plus de chance de tomber sur un petit bijou. Mais pour l'instant, ça ne m'inspire rien de bon qui vaille!

MöngôlO: Merci Zubial.


Participation du public

Une des questions qui me travaille depuis longtemps est celle de la participation du public dans la vie d'un journal. Le fait qu'on fasse partie d'un groupe qui a choisi un lien direct avec ses lecteurs implique qu'ils soient importants pour la vie du journal. Si les lecteurs étaient sans importance, nos journaux online ne seraient pas nés et seraient restés dans un cahier dans un tiroir de la commode. Pourtant, la question du rôle de ce public n'est pas claire. J'ai entendu beaucoup d'avis allant du "le public est sans importance pour moi, j'écris pour moi-même" au "j'écris seulement pour les lecteurs". Est-ce qu'il faut faire participer ce public ?

D'abord, voici ma définition de "participation du public": j'entends par "participation du public" toute influence du public sur un journal qui résulte d'un choix de son auteur. Par exemple, si un lecteur fait fermer un journal pour diffamation comme ça pourrait arriver, ça ne compte pas comme participation du public parce que c'est involontaire. C'est juste subi. Au contraire, prendre en compte les avis ou les conseils des lecteurs fait partie de leur participation au journal parce que premièrement on a accepté l'avis, et deuxièmement on en a pris compte.

La participation du public peut prendre deux formes très différentes: la participation où il est visible, et celle où il est invisible. On peut imaginer qu'un auteur de journal publie les mails qu'il reçoit pour qu'ils soient lus par tous les autres lecteurs. C'est clairement un cas de participation de type visible: les mails sont physiquement mis sur le journal aux vues de tous. Le lecteur reste même l'entité qu'il est, il n'est pas filtré par l'auteur. C'est un cas extrême, mais qui ne serait pas complètement insensé: j'ai un échange de mails avec mes lecteurs, ça fait partie de ma vie, et en particulier de ma vie d'auteur de journal, donc ça peut faire partie de ce que je mets dans mon journal. Cependant, cette participation visible et directe n'est pas très intéressante puisqu'elle laisse le lecteur en tant que lecteur dans un journal.

La participation invisible peut-être directe ou indirecte. Quand un lecteur écrit à un auteur pour lui faire part de ses réflexions sur le journal, contenu ou contenant, il s'attend à avoir un effet. Si j'écris à un auteur pour lui dire que l'organisation de son journal le rend peu pratique pour la lecture par lots, je m'attends à ce qu'il approuve et change sa façon de faire. De même, quand j'écris pour dire que je ne suis pas content de sa façon de traiter un sujet, pour manque total de sensibilité par exemple, je m'attends à ce qu'il revienne sur sa page et donne des explications. Quelque part, je cherche à modeler le journal comme je le voudrais parce que je suis un lecteur et que c'est mon droit. Beaucoup plus indirectement, quand je pense que certaines personnes viennent lire mon journal, je ne peux pas m'empêcher de le changer. Le simple fait de me dire que quelqu'un le lit me fait passer dans la position de l'observateur et non de l'observé (comme je dis souvent, je suis quantique). Cet observateur a une vision différente du journal, plus proche de celle de l'observé. Mais en même temps, comme je reste la même personne physique, l'observateur et l'observé échangent des informations. L'observateur se met à se demander comment l'observé fait son journal. Quelle technique il utilise. Dans quelles conditions il a besoin de se mettre pour écrire. Ce qu'il essaie de dire en écrivant. De ces questions, l'observé récolte les échos et essaie de répondre, se pose des nouvelles questions, remarque qu'elles changent sa vision de son journal. Ces questions passent plus ou moins directement dans le contenu de journal. Le public a participé très indirectement.

La question n'est donc pas est-ce que c'est possible, mais est-ce que c'est souhaitable. La théorie du journal au sens habituel du terme (donc papier) voudrait que le public ne participe pas. Le journal est une activité solitaire et personnelle, et toute influence extérieure peut être ressentie comme une aliénation, une désappropriation du journal. Si des lecteurs influencent la forme ou le contenu d'un journal, il devient en partie le leur. En tant qu'auteur, je trouve cette idée de donner une partie de mon journal à quelqu'un parfaitement repoussante. D'autres auteurs partagent mon avis. Les journaux personnels qui sont devenus publics, par publication dans des magazines ou en tant qu'oeuvre à part entière, ont été écrits dans l'isolement, sans influence du public, que la décision de le rendre publique était prise pendant son écriture ou bien plus tard. C'est là la principale différence entre journal traditionnel et journal online. En mettant le journal online, on a fait le choix informé de se soumettre à l'influence du public. Et cette influence est réelle, qu'on l'accepte ou pas. Même si l'écriture d'un journal online est toujours une expression des couches les plus basses de sa personnalité, le fait qu'on ait choisi de le mettre online, toujours à ma connaissance avec un moyen d'être joint facilement par les lecteurs, change les règles du jeu. Si je choisis volontairement d'être joint par les gens qui lisent mon journal, surtout aussi facilement qu'à un clic de souris, je fais le choix d'autoriser un rétro-contrôle de mon journal par ce public: je dis quelque chose, ils le lisent, ils m'en parlent, ils changent mon univers, je change mon journal. A ma connaissance, tous les journaux sans exception ont choisi de mettre bien en évidence une adresse mail où être joint. Même les journaux qui se vantaient au début de ne pas vouloir de contact avec les lecteurs ont vite craqué et ajouté la petite adresse. Certains auteurs vont même plus loin en demandant régulièrement à leurs lecteurs qu'ils lui écrivent. Il est donc évident que les auteurs de journaux veulent cette participation, même si elle n'est pas clairement exprimée. Je ne peux pas ignorer cet effet du lecteur sur moi et mon journal. 

Et le public a quelque chose à m'offrir en tant qu'auteur de journal. Il peut me montrer mes erreurs de présentation, mes erreurs de raisonnement, ou mes manques de sensibilité. Il peut aussi m'apporter en me racontant son journal, en comparant sa vie à la mienne. Jamais dans ma vie autant de personnes m'ont raconté leur vie que depuis que j'ai un journal online. Le fait que je leur raconte ma vie les décoince et certains se sentent poussés à me raconter le leur. Ma boîte aux lettres contient le journal d'un certain nombre de lecteurs. J'aime qu'on me raconte des histoires, et j'aime que les gens me racontent la leur. Ces vies sont d'autant plus intéressantes que quand je les lis, je peux les comparer à la mienne. En cela, elles peuvent me montrer des aspects de la mienne qui seraient autrement passé inaperçu parce qu'isolés et sans autre point de référence. Plus tard, je peux parler de ces aspects dans mon journal.

Le contact du public peut aussi m'apporter la rencontre. Plusieurs auteurs de rencontrent de temps en temps ou rencontrent leurs lecteurs. J'ai déjà rencontré quelques auteurs et quelques lecteurs aux deux bouts du monde. A travers mon journal, je rencontre des nouveaux gens, physiquement ou virtuellement. J'enrichis mon univers. Cet univers qui passe ensuite dans mon journal. Ces rencontres alimentent mon journal, donc offrent quelque chose à moi-même, mais aussi à mon journal.

Mais je dois avouer qu'en tant qu'auteur, et ça rassura peut-être ceux qui sont d'avis d'exclure complètement les lecteurs de la vie du journal, j'ai du mal à admettre que mon journal n'est pas purement le fruit de mon travail, que quelqu'un a un contrôle, même minimum sur ce qu'il est. Je veux qu'il soit seulement le résultat de moi-même, et pas celui de l'influence du public. Je voudrais être dans la situation du journal secret publié. Je voudrais fabriquer mon journal dans mon coin, à l'abri du reste du monde et ensuite le donner à lire. Mais en même temps j'ai fait le choix de le mettre online, de le mettre à jour souvent, et d'être joint. Même si c'est pas formellement exprimé, je veux un contact avec les lecteurs, et je suis parfaitement conscient que ça changera mon journal (c'est pour ça que j'aimerais le faire dans mon coin). Ce que je veux surtout éviter est de voir mon journal vivre seulement pour le public et par le public. Si l'influence du public dépasse la mienne, alors je ne peux plus prétendre écrire un journal, je gère une mailing list. Chacun doit trouver où se trouve cette limite et faire attention à ne pas la traverser.

Alors qu'on choisisse de l'admettre ou pas, de le montrer ou pas, la participation du public est inévitable dans les journaux online. Elle est même souhaitable, à condition qu'elle soit contrôlée. Le public peut apporter beaucoup à un journal et à son auteur. Le problème étant de savoir où arrêter cette influence.
 

 

Y'a-t-il une communauté des diaristes ?

Communauté est un des nombreux mots vidés de leur sens par Internet et par ses pratiques populistes gagneuses d'argent rapidement. Après gratuit, ça doit être le mot le plus utilisé n'importe comment. Sur Internet, tout ce qui regroupe plus de deux personnes, quelque soit la façon et quelques soient les personnes devient une communauté. Trois personnes s'intéressent aux nouvelles sur Linux ? On a une communauté, même si elles ne se connaissent pas, ne se parlent pas, et n'ont rien à faire ensemble. J'ai un fichier avec plus de deux adresses mail ? J'ai une communauté de gens qui s'intéressent à moi. Je veux vendre un truc, je veux faire fortune en n'offrant rien de nouveau ? Je crée une communauté artificielle. Sur Internet, les diaristes sont aussi dits faire partie d'une communauté. Celle des diaristes sur Internet (cf. les articles sur nous dans les journaux et les magazines). On peut même trouver des regroupements de diaristes (4 ou 5) où ils peuvent s'inscrire et donc se dire qu'ils font partie d'une communauté.

Communauté, par définition, est le rassemblement d'un groupe de personnes qui ont un but commun. Ce but peut avoir plusieurs natures: culturelle, religieuse, commerciale, ou de loisir. Mais le simple fait que plusieurs personnes partagent dans l'abstrait un intérêt pour quelque chose n'en fait pas une communauté. Je peux très bien être intéressé par les oeuvres de Shakespeare, ça ne fait pas de moi un membre de la communauté des gens qui s'intéressent à Shakespeare. Je ne connais personne d'autre qui serait intéressé, je n'ai aucun contact avec qui que ce soit partageant mon intérêt, de toute façon ça ne m'intéresserait pas d'en avoir, je ne fais partie d'aucune communauté au sens réel du terme. Evidemment, je fais partie de la communauté des gens qui s'intéressent à Shakespeare au sens d'Internet, autrement dit je m'intéresse à Shakespeare et je suis un client potentiel, rien de plus.

Mais cette définition d'Internet de communauté oublie une part importante du sens réel de communauté: une communauté découle d'un élan volontaire et implique une participation à une activité. Par exemple, une communauté religieuse peut être basée sur le partage des biens, et tous les membres donnent leurs biens à la communauté et travaillent pour la communauté. Faire partie d'une communauté au sens réel du terme implique qu'on cherche activement à offrir quelque chose aux autres membres de la communauté. Contrairement au sens Internet du terme, ils ne restent pas là assis sur leur cul à vivre leur petite vie chacun de leur côté, avec seulement une étiquette communauté sur le front. Autre exemple plus large, être citoyen d'un pays c'est faire partie de la communauté de ce pays, et en échange on y travaille, on y vote,  et on y paie ses taxes. On n'est pas simplement citoyen d'un pays en le décidant et en n'offrant rien en échange.

Les communautés de diaristes sur Internet ne sont pas des communautés. Elles sont seulement des communautés au sens d'Internet, c'est-à-dire des regroupement de noms de diaristes, rien de plus. Mais c'est soi-disant au nom du fait qu'ils sont tous diaristes et se sentent part de quelque chose de commun. En tant que gérant d'un de ces regroupements de diaristes, mon expérience est que les diaristes qui s'inscrivent dans de telles communautés poursuivent un seul but: la publicité. Ils ne cherchent pas à s'intégrer à un groupe qui offre quelque chose à ses membres à travers le travail de tous. Ils ne se disent pas qu'en faisant partie d'une communauté, ils vont pouvoir recevoir quelque chose des autres, mais aussi leur donner quelque chose, et ainsi participer à la vie et à l'amélioration de la communauté. Quand ils s'inscrivent, ils se disent que leur nom sera vu par plus de lecteurs, et donc leur compteur de hits augmentera plus vite. C'est tout. Les communautés de diaristes ne sont pas plus que des groupement d'individus recherchant leur profit personnel et sans aucune considération pour un tout qui les dépasse. N'étant pas aussi naïf que Rousseau, je ne vois pas là-dedans le moyen de faire le bien du groupe et encore moins de faire vivre une communauté.

Et quand par malheur un membre ou quelques membres de la communauté (au sens d'Internet) décident de prendre le mot communauté dans son sens réel et tentent d'organiser quelque chose pour le bien de l'ensemble des membres, ils se heurtent au mur qui sépare le sens qu'ils donnent au mot et celui que la très grande majorité des autres membres lui donne. Tentez d'organiser quelque chose de nouveau qui pourrait apporter quelque chose à tout le monde. Le résultat sera au mieux un silence complet qui reflète non seulement un désintérêt pour la chose, mais une volonté active de refuser tout engagement. Que s'est-il passé quand la SDV a proposé de forcer ses membres à participer à la vie de la communauté, par là-même donnant à communauté son sens réel ? Bagarre généralisée, insultes, et découragement des organisateurs. La communauté osait demander à ses membres quelque chose en retour de leur appartenance au groupe et ce qu'ils en tirent. Tentez de lancer une idée nouvelle qui pourrait changer l'horizon des diaristes et possiblement leur apporter quelque chose, et ça sera comme parler dans le vide. Regardez la participation à ce magazine malgré son annonce à l'avance dans une liste regroupant la majorité des diaristes.

Parler de communauté des diaristes est un détournement du sens du mot et une farce. Il n'y a pas de communauté de diaristes, juste des diaristes individuels qui cherchent à se faire connaître et ne poussent pas la collaboration plus loin que de donner leur nom et l'adresse de leur site. Mieux, ils se sentent agressés quand on leur parle d'une contrepartie. Si le groupe des diaristes dans son ensemble doit aller quelque part, il doit développer le sens de communauté. Le concept de diariste n'est généralement pas pris au sérieux par le public en général et par les gens qui sont susceptibles d'en parler en particulier (les journalistes). Sans le développement du sens de communauté, il ne sera jamais pris au sérieux parce qu'il sera toujours un groupement abstrait d'individus qui se lancent dans quelque chose qu'ils n'expliquent pas, ne développent pas, et ne comprennent peut-être pas. Le public arrêtera de sourire en entendant parler de journaux sur Internet seulement le jour où il existera une réelle communauté des diaristes qui peut être prise au sérieux.
 

 

Naviguer d'une page à l'autre

C'est à genoux que je demande aux diaristes de faciliter la navigation sur leur site!
Quand on vient pour la première fois sur un site et qu'on souhaite commencer depuis le début et bien.. parfois, c'est tout bonnement presque impossible!
Il n'y a pas de calendrier récapitulatif des entrées, mois après mois, et pour lire le tout premier message, il faut les lires tous.. à l'envers, en cliquant inlassablement sur "previous".. au secours! c'est à devenir fou, ce genre d'exercice!

Quand on est un habitué du journal, quand on ne souhaite donc pas aller lire un mois en particulier, ni le tout premier message, mais la dernière semaine des écrits qu'on aurait loupée, par exemple, et bien là, il y a une chose que j'apprécie particulièrement, ce sont ces liens de page à page qui évitent de repasser par une page intermédiaire avant de lire le message suivant.

Vous l'aurez remarqué, d'un côté je dénonce les liens page par page et de l'autre, je les encense! C'est parce que ces liens sont indispensables mais pas suffisants. Je pense que, pour faciliter la navigation dans un site, il est bon de prévoir à la fois des liens de page à page mais aussi un retour vers un menu calendrier qui permette de s'y retrouver facilement dans les archives.

Le lecteur est exigeant :)
 

 

Dialogue de diaristes

Réflexions sur le monde privé des diaristes.
De plus en plus souvent, j'ai l'impression que les diaristes écrivent pour les diaristes en ce sens qu'ils ont tendance à dialoguer par journal interposé. On assiste alors à des conversations privées entre
deux, trois diaristes, criblées de private jokes. Quel est l'intérêt du lecteur? Aucun!

Je ne refuse pas le droit au diariste d'agir de la sorte. Le journal reste la propriété du diariste qui en fait ce qu'il veut, mais je donne mon avis de lectrice. Et en tant que lectrice, je ne suis pas du tout
intéressée par des conversations privées ou des allusions que seuls les initiés peuvent comprendre. Il me semble que cela déborde du journal et transforme le journal en un grand mail ouvert aux yeux de tous. Il n'y a plus de réflexion or la réflexion est ce qui rend un journal intéressant à mes yeux. Ce n'est pas le détail des activités d'une journée qui m'intéresse mais la façon qu'a le diariste de voir la vie et de s'y débattre.

Je regrette également l'apparition de règlements de compte via journal interposé où on expose des extraits ou entièreté de mails d'une personne, parce que ce qu'elle y dit choque le diariste. Je comprends qu'un diariste souhaite parler de ce genre de mails blessants mais de là à recopier un message privé sur la toile, il y a un pas que je n'aime pas voir franchi.

Pour finir, je remercie tous les diaristes pour partager leur vie comme il le font. Je souhaite bon courage à tous et longue vie sur le web!
 

 

Ailleurs

Rien (c'est le diminutif de Marinus) vit aux Pays-Bas. Son journal en anglais s'appelle Reality Asylum. http://www.rienz.demon.nl/x

Chacune de ses entrées est précédée d'une petite photo illustrant la journée du mois. Si vous avez capturé un détail (une pub, une pancarte, une étiquette... ) représentant un nombre entre 1 et 31, vous pouvez le lui envoyer. La collection actuelle et les modalités d'envoi :
http://www.rienz.demon.nl/x/numbers.html
asylum@rienz.demon.nl?subject=RealityAsylum
 

 

Boîte aux lettres

Les mails en rapport avec J.mag et les articles doivent être envoyés à l'adresse suivante: jmag@mongolo.wsc.fr.


Les participants

Eve: Eve est une lectrice de plusieurs journaux depuis 2 ans.

Tehu: Tehu est un lecteur régulier de journaux depuis longtemps et peut etre joint a l'adresse suivante: tehu@coronal.com.

MöngôlO: MöngôlO est l'auteur de MöngôlO's Diary depuis près de 3 ans. Il est joignable à l'adresse suivante: mongolo@mongolo.wsc.fr.

Zubial: Zubial écrit son propre journal depuis 2 ans, et est maintenant gérante de la SDV. Son journal peut être trouvé à l'adresse suivante: http://manoir.bloodwolf.org/~zubial/web/zubvotre.html.

J.mag est géré par MöngôlO. Les opinions exprimées ici sont celles de leurs auteurs et en aucun cas celles de tous les participants au magazine ou de ses responsables. 

Copyright © 2000. Ne reproduisez rien de ces pages sans la permission de leurs auteurs.

Prochain numéro: Juin 2000